Partis
la veille de la capitale, ils arrivèrent dans le milieu de la
matinée.
Quand
ils eurent quitté la nationale vingt et quaprès quelques
hésitations sur les départementales, ils découvrirent brusquement
la vallée du Lendou et ils furent certains dêtre arrivés.
Tout
était comme la lettre du propriétaire le décrivait : Les
champs de tournesol dont les grosses fleurs rondes faisaient penser
à la photo dune foule dont les visages regardent tous dans la
même direction, les maisons ventrues accrochées aux flancs de la
vallée et dont les noms chantaient encore dans leur mémoire
de citadins, Cabazac, La Tauche, Prat-mejes, Les Martis, Tré la
font, parce que le propriétaire les leur avait donnés comme jalon
de leur itinéraire

Surpris
par le changement dallure de la voiture, le chien jappa
réveillant laîné qui colla à la vitre des yeux ronds et
pleins de sommeil. Il était près de dix heures et la chaleur
montait doucement en ce premier jour de vacances.
Léglise
apparût enfin, coquette dans son écrin de verdure, éclatante de
toutes ses pierres colorées par le temps et la mousse. Sur le pont
qui enjambe le ruisseau, des enfants avaient posé leurs vélos.
Assis sur le parapet, ils interrompirent leur dispute pour regarder
passer la voiture dont ils remarquèrent limmatriculation
parisienne.
Après
avoir cherché et sêtre fait aider deux fois, ils trouvèrent le
« gîte rural » dont la clé avaient été confiée au
voisin la veille par le propriétaire.
Ils
prirent possession de ce qui allait devenir leur habitation pendant
quatre semaines. Cétait une vieille maison quercinoise ventrue,
couverte de tuiles canal rouges et aux murs épais. Elle avait
abrité, les anciens du village sen souviennent, plusieurs
générations dhonnêtes gens dont la lignée sétait
éteinte.
Après
en avoir hérité, un lointain parent lavait sommairement remise
en état pour en tirer un petit profit. Ils notèrent avec
étonnement la grande cheminée aux lignes simples, lévier de
pierre et les lits de noyer, hauts et étroits coiffés du
traditionnel édredon. Les enfants découvrirent la cave sombre et
fraîche où le désordre des toiles daraignées contrastait avec
lalignement des barriques, abandonnées là sous la garde dune
grande cuve et dun pressoir.
Ca
et là dans la maison comme dans ses dépendances, un
« calhel » en cuivre, un fer de buf, une bêche ou un
râteau édenté rappelaient que la maison avait été conçue pour
une autre destinée et avait eu une vie qui semblait sêtre
arrêtée brutalement.
Les
parisiens, sans bien comprendre la raison dêtre de chacune de
leurs découvertes, muets et respectueux, éprouvaient une certaine
gêne à investir des lieux aussi étrangers, frais et silencieux.
Le chien, qui, inquiet, les suivait pas à pas, indifférent
aux sentiments qui les agitaient car dépourvu de leur imagination,
promenait sa truffe humide sur toutes ces choses sans retrouver lodeur
des derniers représentants de son espèce ayant occupé les lieux.
Cest
après le repas du soir, en rentrant dans leur lit quils les
découvrirent:
Dans
une photographie jaunie des années trente, oubliée au dessus de la
porte de leur chambre était un couple de paysans. Le cadre
rectangulaire supportait encore une vitre cassée selon la
diagonale. Mari et femme étaient représentés en buste de face.
Selon la coutume quercynoise, un rameau de buis était accroché au
dessus.
Le
visage carré de lhomme reflétait la force et lassurance. Un
sourire donnait un peu de chaleur à des traits qui, sans lui,
auraient paru durs. Seul un nud papillon, de circonstance pour la
photo, dénotait dans le personnage. La femme était menue et ses
traits très fins. Lensemble de son visage sharmonisait avec
un modeste sourire qui semblait naturel.
Le
couple inspirait une impression déquilibre et de gentillesse et,
quoiquil sembla fixer le lit qui avait été le sien, il ne
paraissait ni étonné ni courroucé dy voir des étrangers, tout
au plus un peu résigné, comme sils avaient prévu et admis ce
qui arrivait.
Vaincus
par la fatigue, les étrangers éteignirent lélectricité, mais
dans la lumière froide de la lune qui filtrait à travers les
volets mal joints, ils virent longtemps les deux vieux qui
souriaient dans leur maison qui sendormait.
Au
dehors les cigales lune après lautre se taisaient.
Les
vacances venaient de commencer à Cézac. |