Quercy Médiéval

Bertrand de la Bacalaria, un Quercynois
défenseur des Cathares de Montségur

Vue d'ensemble de Capdenac le Haut (Photo : M. Marty)


Capdenac pendant la croisade contre les cathares  
 

Si officiellement, Capdenac n’a pas abrité de cathares, elle était en ce début de XIIIe siècle, une remarquable place forte. En effet, le seul point faible de Capdenac était un espace de cent mètres de longueur au nord de la place, le reste de la cité étant formidablement défendu par la nature. À cette époque Capdenac possédait un système défensif très élaboré, avec deux enceintes séparées par un immense fossé. Pour accéder à la ville il fallait franchir pas moins de quatre portes et un pont-levis. Un autre accès existait au sud de la ville, mais celui-ci était quasiment inaccessible, et de plus, défendu par une grande barbacane infranchissable. La ville de Capdenac entrait dans les possessions du comte de Toulouse, et elle dut pleinement subir les évènements que causa cette guerre du Nord contre le Sud. Durant la croisade menée contre les albigeois, Capdenac est mentionnée dans deux intéressantes chroniques. La première fut écrite en l’an 1214 par Pierre de Vaux, moine de Cernay : « Le comte Simon de Montfort vint à Figeac pour y entendre à la place du roi de France, les réclamations et les demandes des habitants. Le roi en effet, lui avait confié en ces régions, une grande partie de ses pouvoirs. Le comte eut à connaître de bien des affaires et il en régla beaucoup. Il aurait pu en régler davantage, mais il ne voulut pas dépasser les limites du mandat royal. De là, s’étant mis en route vers le diocèse de Rodez, il occupa une place forte, où, dès l’Antiquité, il y avait eu un nid et refuge de gens aventuriers, sans foi ni loi. De cet endroit, notre comte vint avec son armée jusqu’à la ville de Rodez. » La deuxième chronique date, elle aussi, de l’an 1214, et fut écrite par Pierre de Lodève, évêque de Lodève : « L’an du Seigneur mil deux cent quatorze, le comte Simon de Montfort, avec une armée de croisés, s’empara de places fortes dans lesquelles des ennemis de la foi et de l’Église ou des fauteurs de troubles et rapines avaient domicile et refuge, à savoir, le château de Manviliac, Marmande, Cassaneuil, Domme, Beynac, etc. S’étant avancé de même façon, le comte avec les siens vint à Figeac et s’empara d’un fort appelé Capdenac, où dès l’Antiquité, il y avait eu un nid et refuge de tyrans et despotes, et de là, il s’en vint à la ville de Rodez… » Ces allusions à l’Antiquité sont un rappel évident du siège d’Uxellodunum, César ayant traité les irréductibles gaulois de brigands. Capdenac va donc attirer la convoitise de Simon de Montfort, le barbare sanguinaire à la tête de l’armée du Nord. Celui-ci parvint à s’en emparer plusieurs fois, entre autres en 1209, date à laquelle il tenta vainement de s’y établir à demeure. Cette année, il se vit tout de même contraint de faire le siège de Capdenac, et les défenseurs de la place purent négocier leur reddition, et éviter un massacre. En échange, les Capdenacois, firent la promesse de ne plus loger ni d’hérétiques, ni de routiers.

En 1214, alors que l’host est de retour dans le Quercy, le roi de France Philippe Auguste traite Simon de Montfort en officier royal. Les consuls de Capdenac préférèrent négocier leur reddition sans résistance, plutôt que de risquer de subir le même sort que le château de Najac, et bien d’autres villes occitanes qui furent détruites par l’host venue du Nord. En octobre 1214, le seigneur de Montfort tombe d’accord avec les seigneurs de Capdenac de la manière suivante : « Les seigneurs eux-mêmes ont promis de rendre leur château fort de Capdenac au susdit Simon à la première réquisition, en tant que celui-ci est leur seigneur, promettant aussi de lui devoir procuration en n’importe quelle année. Le comte de son côté, a fait remise aux susdits seigneurs de tout ce qu’il pouvait jusqu’alors exiger d’eux en n’importe quelle occasion. » « Et pour donner plus de force à cette promesse, nous, Hugues de Lassi et Pierre de Varzis, par le commandement et la volonté du seigneur comte, les sacro-saints Évangiles touchés, jurons sur l’âme même du comte que le seigneur comte ne fera pas opposition au pacte précité et que tout ce qu’il a été dit plus haut, il en sera ainsi pour les seigneurs de Capdenac et leurs héritiers. »

« De l’incarnation du Seigneur, l’an 1214, le roi Philippe régnant, au mois d’octobre, à Figeac, en présence de Guillaume, évêque de Mende, et Guillaume III, abbé de Figeac, qui tous deux ont apposé leur sceau à la présente charte. »

Les autres témoins à la rédaction de cette charte furent : Gui et Amaury de Montfort, fils du nouveau comte de Carcassonne, Durand de Lentillac, Amauri de Montarzi, et plusieurs autres personnes.

Par ce biais, la ville de Capdenac entrait dans les possessions du roi de France, auquel la vieille cité va rester longtemps fidèle.

 

 

Bertrand de la Vacalerie  

Mais l’histoire de Capdenac et des bons hommes n’était pas encore tout à fait terminée. En effet, vivait non loin du village, au lieu-dit s’appelant la Vacalerie, un homme qui allait jouer un rôle important dans l’histoire du siège de Montségur. Cet homme c’est Bertrand de la Vacalerie (ou Bacalaria) de Capdenac. L’histoire nous rapporte qu’il parvint à passer au travers des troupes de l’armée française qui tenaient le siège de Montségur, afin de venir en aide à ses amis assiégés. Bertrand de la Vacalerie était un machinator, un ingénieur en machine de guerre, il était aussi, d’après d’autres sources, un architecte important. Juste avant le siège de Montségur, il était en chantier à Montauban. Il entra de nuit à Montségur, vers le premier janvier, et il fut le plus précieux renfort que les assiégés aient reçu. L’arrivée de ce grand spécialiste, sur la montagne assiégée par l’armée royale, tenait presque du miracle, pourtant l’on sait, que cela n’en était pas un, et que le Capdenacois, avait été envoyé par le comte de Toulouse. On peut s’imaginer la scène qui devait se produire sur les hauteurs des Pyrénées, après l’arrivée de Bertrand. Les hommes de l’armée du roi avaient déjà dressé leur machine, sur laquelle flottait la bannière du roi de France, et du château assiégé, Bertrand, le Capdenacois, avait lui aussi construit une machine ornée de la bannière de Montségur. Les deux camps, se répondaient par des blocs, qui pouvaient peser jusqu’à 80 kilos. Bertrand de la Vacalerie se livra donc à un véritable duel d’artillerie lourde.

Lieu dit de la Vacalerie, endroit où a vécu
Bertrand de la Bacalaria (Photo : M. Marty)

À la chute de Montségur, nous savons aussi, que, Pierre Roger de Mirepoix, seigneur de Montségur, donna son cheval à Bertrand de la Vacalerie, et le fit aller à Montgaillard. Nous perdons ensuite sa trace, mais, on peut se douter, que tous ses biens furent confisqués, comme tous les défenseurs de Montségur, et qu’il dut mener une existence de misère. Ces faits nous sont principalement rapportés par les interrogatoires de l’Inquisition.

 
 

Les interrogatoires de l’Inquisition

 

Le 10 mars 1244 : déposition de Jourdain de Péreille : « Le bruit courait à Montségur que Bertrand Laroque et les autres bayles du comte de Toulouse y avaient envoyé Bertrandum de la Bacailaria, qui construisit des machines. »

Le 15 mars 1244 : déposition de Pierre Vignol, sergent : « Le bruit courait à Montségur que Bertrand Laroque, bayle du comte de Toulouse, y avait envoyé Bertrandum de la bacailaria, qui construisait des machines. »

Le 18 mars 1244 : déposition d’Arpaïx de Rabat : « Les hommes et les femmes qui étaient à Montségur soupçonnaient que Bertrandus de la Bacailaria, qui construisait des machines, était venu au castrum de la part du comte de Toulouse. »

Le 21 avril 1244 : déposition de Bérenger de Lavelanet, chevalier : « Qui a envoyé Bertrandum de la Bacailaria machinatorem pendant le siège, contre le roi et l’Église, qui eut lieu l’hiver dernier ?

- Je ne sais pas, mais l’opinion commune de la plupart, tant de moi-même que des autres qui étaient dans le castrum, était que Bertrandus de la Bacaillairia était entré à Montségur en renfort contre les assiégeants, sur le conseil de Bertrand Laroque, bayle du comte de Toulouse. »

Le 19 mai 1244 : déposition d’Imbert de Salles, sergent (gendre de Bérenger de Lavelanet) : « Bertrandus de la Baccallairia de Capdenac, ingénieur, entra dans le castrum de Montségur, de nuit, et fabriqua, là, des machines contre les machines du roi. » Imbert de Salles ajoute que le même Bertrand dit un jour : « Messeigneurs, il ne faut plus le cacher. Sachez que Sicard Alaman et Bertrand Laroque, bayle du comte de Toulouse, qui leur a écrit à ce sujet, m’ont envoyé à Montségur pour vous aider. Si nous pouvons résister à l’armée et tenir contre eux pendant sept jours, nous serons libérés. » Il dit aussi que « cette année vers la Circoncision moi-même, Guillaume Azéma, Raymond de Belvis et Bertrandus de la Baccallaria, nous avons mangé trois fois dans la maison de Raymond de Saint-Martin, diacre des hérétiques, à Montségur, mais pas à la même table que lui, ni du pain béni par lui. Après le repas, nous sommes partis ».

Pog et château de Montségur, symbole de la résistance Occitane
(Photo : M. Marty)


Ce sont les seuls témoignages que nous possédons de Bertrand de la Vacalerie de Capdenac ; Michel Roquebert, spécialiste de l’histoire des cathares, nous rapporte, que Napoléon Peyrat fait de Bertrand « le frère d’un troubadour fameux, probablement enfermé aussi dans les murailles de Montségur ». Mais Michel Roquebert nous signale qu’il y eut deux troubadours qui portèrent ce nom : Guilhem et Uc de la Bacalaria. Uc était du Limousin, et rien n’atteste un lien de parenté entre Guilhem et Bertrand. Peyrat émet aussi l’hypothèse, selon laquelle, Bertrand de la Vacalerie serait l’architecte de Montségur, ce qui ne repose non plus sur rien. Gérard de Sède et Otto Rahn, eux en font le neveu du bâtisseur du château. Cette appellation lui vient peut-être du fait qu’en plus d’être ingénieur en machines de guerre, Bertrand de la Vacalerie était aussi architecte. 
 

                                                                                                                      Mathieu MARTY

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