Edmond Albe (1861-1926) - D'après un portrait photographique aux A.D. du Lot.
Edmond Albe
(1861-1926)
Les monographies
d'Edmond Albe

Quercy Historique

Cajarc
(3ème partie)

La communauté. Consulat historique
Les coutumes
Les consuls
La population
La guerre de Cent ans à Cajarc
bullet_b.gif (912 octets) La communauté. Consulat historique.

Avant que nous ayons un texte de coutumes, la communauté de Cajarc est organisée, comme l'était Cahors, nous ne savons depuis quelle époque. La charte ne paraît avoir été donnée que par l'évêque Barthélémy de Roux (1256) et depuis plusieurs années, nous voyons les consuls en exercice, ayant des relations, bonnes quelques unes, les autres mauvaises, avec l'évêque Géraud de Barasc. C'est ainsi qu'ils lui prêtent en 1244-5 une somme de 50 livres ; d'autre part qu'ils se livrent contre lui ou les siens à des violences. D'après M. Combarieu ces violences seraient le résultat de promesses formelles faites par l'évêque Géraud de donner des franchises à la ville ; aucune des pièces apportées à l'appui ne parle de ces promesses. Nous avons montré tout cela en parlant de la seigneurie. Il est probable qu'il y avait déjà, et depuis un certain temps, des coutumes en exercice dans la ville de Cajarc et que Barthélémy de Roux n'a fait qu'en donner une charte officielle, pour que nul n'en ignore, pour que, aussi, on ne puisse pas trop facilement aller contre. D'après M. Combarieu les seigneurs qui avaient des droits sur la juridiction de Cajarc auraient «pris part dans la concession des coutumes» ; nous ne le croyons pas : ils n'étaient pas, on l'a vu, des seigneurs suzerains, ils n'avaient qu'une part de la justice, de la basse justice (celle qui ne dépasse pas 60 sols d'amende) et tenaient en fief (M. Combarieu donne plusieurs ventes à l'appui) ce qu'ils vendaient à l'évêque.

bullet_b.gif (912 octets) Les coutumes

Quoi qu'il en soit, le 2 septembre 1256, étant à Saint-Vincent près Luzech, l'évêque Barthélémy fit rédiger en forme publique le texte des coutumes que les consuls le priaient de bien vouloir donner, concéder et confirmer, considérant, disait-il, que de ce fait les droits de l'Eglise de Cahors dont relevait Cajarc, n'étaient pas diminués mais plutôt accrus. Il y avait deux textes, un latin, c'est celui qu'a publié M. Combarieu, un roman, dont il donne un fragment, mais qui se trouve, je crois, dans l'acte de confirmation de la charte par Rd Pauchel. En voici le résumé :

Art. 1. Habeas corpus - 2 - Liberté de testament - 3 - Amendes pour coups et blessures - 4 - Paiement des cens et acaptes dans la ville même de Cajarc - 5 - Façon de conduire les enquêtes - 6 - Droits des viguiers - 7 - Punition des délits nocturnes - 8 - Punition de l'adultère - 9 - Punition des violences à l'égard des femmes - 10 - Punition des faux témoins (c'est le point le plus sévère de la partie pénale de la charte : le faux témoin devait avoir la langue percée d'une aiguille (stilo ferreo gracili) et courir par la ville, vêtu seulement de ses chausses, et être fustigé.) - 11 - Droits de donations ou legs pieux - 12 -Acquisition de biens par confiscation - 13 - Garantie de la propriété - 14 - Garantie pour les commerçants - 15 - Saisie pour dettes - 16 - Remise de taille pour les nouveaux citoyens - 17 - Achat ou recel d'objet volés - 18 - Ce qu'on doit faire des gages - 19 - Conditions d'une vente inattaquable - 20 - Les consuls peuvent être présent à tout jugement devant le seigneur - 21 - Les consuls peuvent exercer la conciliation entre les parties - 22 - Défense d'organiser des ligues professionnelles - 23 - En cas de procès avec l'évêque - 24 - Pas de caution à fournir - 25 - Délai pour fournir les témoins - 26 - Dans quelles conditions un procès n'empêcherait pas un voyage - 27 - Franchise de tout impôt, sauf les tailles établies par les consuls - 28, 29 - De la dot et du douaire - 30 - Conditions pour aliéner un bien - 31 - Des procès pour question de redevance, cens ou acapte - 32 - Ce que l'on doit faire en cas de plainte - 33 - Transmission des biens pris à cens ou même sous simple albergue - 34 - Les consuls. Ils sont nommés par les consuls sortants qui les présentent au seigneur (ou au lieutenant) et au peuple. Formule du serment - 35 - Droits des consuls : convocation du peuple en réunion publique, pour le service de l'ost ; droit de poursuivre les défaillants - 36 - Levée de la taille pour utilité commune - 37 - Garde des murs et fossés - 38 - Soin des tables, auvents et galeries - 39 - Réforme des poids et mesures. Contravention punie - 40 - Inspection du pain, distribution aux pauvres - 41 - Serment à l'évêque à sa première entrée - 42 - Défense de faire aucune ligue - 43 - Meubles et marchandises répondent du loyer - 44 - En cas de saisie, droits de la femme - 45 - Garantie à fournir par les vendeurs - 46 - On peut accenser à un autre la terre qu'on a soi-même à cens ou acapte - 47 - Tout ce qui ne ressortit pas de l'officialité doit être jugé à Cajarc - 48 - Au sujet des étrangers indésirables - 49 - Bouchers vendant de la viande gâtée - 50 - Article général: tout cela doit être observé par tous et toujours observé.

Raymond Pauchel confirma ces coutumes en septembre 1310, à la suite d'un long procès qui se termina par l'arbitrage de l'archiprêtre Galhard Julien. On y trouve de plus que dans les coutumes de 1256 : «51 - Nous accordons le droit de guet, de trompette (publication à son de trompe) et d'encan, à la façon habituelle - 52 - Nous voulons que les dits consuls ou ceux qui viendront après eux, fassent conduire dans la ville, dans un temps que les arbitres détermineront, par un aqueduc construits à leurs frais, l'eau de la fontaine de la Cauhne, de telle façon que nous puissions, nous et nos successeurs, prendre une partie de cette eau et la conduire dans notre maison épiscopale, même en faisant percer le mur de la ville ; de plus nous voulons prendre sur les fossés un peu de terrain pour un verger et les commodités de cette maison».

Ce détail, ainsi que le document entier, se trouve dans l'acte de confirmation donné par Mgr Guillaume de Labroue, le 10 août 1319. L'acte relève sévèrement les violences par lesquelles son prédécesseur Hugues Géraud avait troublé les consuls, la communauté et les habitants dans la jouissance de leurs franchises. Il rappelle le long et coûteux procès que la ville eut avec cet évêque prévaricateur et termine ainsi : Le dit Me Hugues Géraud fut pour ses crimes déposé et condamné ; avant de mourir, il reconnut qu'il avait fait fabriquer les pièces qu'il avait produites au procès contre les consuls, et c'est pourquoi avait été cassée la sentence arbitrale des deux archiprêtres. Il va sans dire que toute cette longue diatribe, dont nous donnons le résumé, est mise dans la bouche des consuls (c'est à lui que les consuls promirent de payer chaque année à l'évêque de Cahors une pension de 25 livres).

A la suite de l'acte de Guillaume de Labroue, Doat donne les actes de confirmation de Bertrand de Cardaillac (qui confirma par deux fois la charte : le 18 déc. 1332 et le 15 juin 1361) ; de Begon de Castelnau, 4 août 1368 ; de François de Cardaillac, 24 décembre 1392 ; de Guillaume d'Arpajon, 19 mai 1405 ; d'Antoine Alamand, 1er oct. 1484. Mais cet évêque, à son premier passage sur le siège de Cahors, avait déjà confirmé les privilèges par un acte du 31 janvier 1465.

La confirmation des privilèges par l'évêque Guillaume de Labroue fut approuvée par le chapitre de Cahors, selon la règle canonique, le 11 août 1319, ce qui prouve, redisons-le en passant, que la ville de Cajarc, comme la ville de Cahors, était possession de l'Eglise et non possession personnelle de l'évêque. Si la seigneurie était venue, comme le croyait M. Combarieu, à Géraud Barasc parce qu'il était de la famille de Barasc, le chapitre n'aurait pu intervenir.

Cajarc était compté parmi les villes basses du Quercy. A ce titre, il envoyait un représentant aux assemblées provinciales. C'était d'ordinaire le premier consul, mais pas toujours. En 1417, noble Arnaud d'Hébrard représentait à l'assemblée son oncle l'abbé de Marcillac, son père Jean d'Hébrard et la ville et les habitants de Cajarc qui lui avaient donné mandat spécial. En 1512, c'était le consul Gme Manech ; en 1537, Jean Laforarie, consul ; en 1540, Jacques Franhac, marchand, commis par les consuls de la ville ; en 1605, Jacques Dufau, premier consul (extrait de diverses listes des Etats). La juridiction de Cajarc comprenait Cadrieu, Gaillac et Salvanhac (partie seulement de cette commune. La communauté rouergate avait pour chef-lieu Saint-Clair).

Au point de vue judiciaire, Cajarc dépendait, après le tribunal de première instance de l'évêque, du sénéchal du Quercy, puis de la sénéchaussée de Figeac et du présidial de Cahors.

Nous avons vu que pour certaines possessions en Rouergue, il fallait recourir au sénéchal de Rodez. Au point de vue financier il faisait partie de l'élection de Figeac.

Les habitants de Cajarc furent-ils convoqués aux Etats généraux ? C'est probable, comme les autres villes du Quercy, par exemple, en 1308, pour l'affaire des Templiers, mais nous n'avons trouvé trace que de l'envoi fait en 1309 d'un procureur pour demander - ainsi firent toutes les villes du Quercy - d'être dispensés de payer le subside demandé pour le mariage d'Isabelle de France avec Edouard d'Angleterre. Le personnage envoyé, Arnaud Navarre, fut en même temps chargé de représenter les communautés du Bourg, de Camboulit et de Fons.

bullet_b.gif (912 octets) Les consuls

Par les coutumes de 1256, on voit déjà quels pouvoirs leur étaient reconnus. Peu à peu leur autorité devint encore plus étendue. Ils en viennent à s'occuper même des choses ecclésiastiques en tant que ces choses intéressent - et presque toujours il en était ainsi - l'utilité communale.

Les consuls étaient au nombre de quatre. Déjà en 1248 on trouve ce nombre : G. Peyrière, Guiral Périer, Rd de Cadrieu et Bern. de Larnagol. Nous croyons que ces deux derniers sont des nobles car l'on trouve en effet plusieurs fois des nobles dans le consulat de Cajarc, comme on en trouve dans celui de Castelnau-Montratier mais pas de façon aussi régulière.

Voici quelques noms :

1265 : Gme Agarn, G. Peyrière, P. Mathieu, G. del Saut
1280-81 : G. de la Roque, Arnaud Périer, G. Navar, P. Marti
1286-7 : Gme de Nabinal, P. Vidal marchand, P. Navar, Gme d'Aymeric
1291-2 : Gér. Faure, Arn. de Sorie
1299-1300 : Barth. Périer, Guiral de la Martinie, Bernat del Bosc, Vidal Obrier (Oubrier)
1300-1301 : Hugues Elie ? chevalier, Gér. de Bonnefoi, Gme Robert
1302-1303 : Pre Vital, Gér. Lacaze, Gér. Ferrasse, Pre Gayrard
1308-1309 : Pre Gayrard (se plaint d'une arrestation illégale faite par le bayle de Cajarc)
1309-1310 : Rd Conduché, Barth. Vaisse...
1313-1314 : Me Arn. Navar, Jean Faure...
1315-1316 : Barth. Périer, Rd Conduché, Barth. Grataric, Pre Bort (ou Bert)
1316-1317 : Gme de Bescors, chevalier, Hugues d'Ornhac, Géraud de la Martinie, Barthél. Lacoste
1317-1318 : Arn. Navar, Math. de Bessac, Gme de Buxo (delbouy), Rd de Blansac
1319-1320 : Arn. Périer, Vital Oubrier, Jean Laporte, Guiraud Terrasse junior (ce sont ceux-là qui vont à Avignon chercher la confirmation de la charte auprès de Mgr de Labroue).
1322-23 : Géraud Faure...
1324-25 : Géraud La Martinie, Barth. Vital
1331-1332 : Gér. La Martinie, Gme Laporte, Gme Conduché
1333-1334 : Pierre La Martinie, Gér. Fabri (Faure), Bert. Guérin, Gme Périer
1338-1339 : Arn. Périer, Barth. Périer junior
1339-1340 : Arnaud Eche, damoiseau
1340-1341 : Gme Oubrier, Gér. Vital, Bern. Delbosc
1344-1345 : Pierre La Martinie, Thomas Ferrasse, Gér. Vital, Rd Benoît
1346-47 : Arnaud Eche, damoiseau, Gér. Faure, Gér. de Béduer, Gaillard Julien

Nous arrêtons ici notre liste que l'on pourra facilement compléter avec les registres consulaires qui commencent à l'année 1348, mais qui malheureusement renferment bien des lacunes.

Nous ne donnerons pas la liste des conseillers ; car à Cajarc comme à Gourdon, à Martel, à Cahors, etc, les consuls étaient aidés, surtout pour les cas de grande importance, par un certain nombre de prud'hommes ou conseillers, de nombre variable. C'est parmi eux qu'ils choisissaient d'ordinaire leurs successeurs. L'année consulaire, comme l'année proprement dite ou administrative commençait le 25 mars.

Comme signe d'autorité, ils portaient un chaperon rouge et noir.

Quand les Calvinistes furent les maîtres de Cajarc, les consuls furent des protestants : après les traités de Montpellier et d'Alès, il y eut des consuls des deux partis : en 1634, par exemple, nous trouvons Guy Debons et Jean Salviac, consuls catholiques, Pre Geniès et Gabriel Latapie, consuls protestants.

Déjà par certains détails donnés plus haut, on a pu voir l'étendue des pouvoirs consulaires. Nous donnons quelques détails à l'appui.

1°) En matière de culte
Les consuls s'occupent des réparations à faire à l'église et aux chapelles qui relèvent d'eux, comme celle de la léproserie ou la Ségalière. Ils s'occupent des ornements qui servent au culte et en font l'inventaire ; parmi les dépenses ordinaires, nous trouvons notamment la cire pour les «roues» du Corps de Dieu et de Notre-Dame, et l'huile de noix pour certaines lampes (à cet effet, il faut ramasser les fruits des noyers communaux et presser les noix «per la Lhuminaria». Ils ont la charge de certaines quêtes qui se font dans l'église, et notamment pour les âmes des défunts (bassin du Purgatoire) ; ils s'occupent également des confréries, du moins de la principale, celle du Corps-de-Dieu. Ils donnent des autorisations pour construction de chapelles ; ils ont le patronage de plusieurs chapellenies et en nomment les desservants. Ils nomment l'organiste et le «gouverneur» de l'horloge.

2°) Assistance publique
Ils ont également le patronage de l'hôpital et de la léproserie dont ils nomment les «commandeurs» avec lesquels ils administrent les biens des pauvres. Ils ont l'administration de la charité de Pentecôte et font faire les distributions de blé par leurs agents. Ils paient les frais de sépulture des commandeurs de l'hôpital ou de la malauderie, des chapelains qui desservent les chapellenies dont ils sont patrons ; ils s'occupent, en temps de contagion, de ceux que la peste a touchés, par exemple, au XVIè siècle, mais surtout en 1628 où l'épidémie fit de grands ravages, et en 1631.

3°) Ecoles
Nous avons vu qu'ils donnaient un traitement aux maîtres d'école, qu'ils s'occupaient de faire bâtir des écoles, qu'ils s'intéressent à la venue des Mirepoises.

4°) Travaux publics
C'est la construction ou la réparation de l'église et des chapelles. Au début du XIVè siècle, l'agrandissement de l'église St Etienne ; plus tard, la construction de l'église Sainte-Catherine.

Le pont sur le Lot. On a confondu avec le pont de Lapeyre qui est dans Cajarc même (pontem de peira, qu'on a traduit pont de pierre et dont il est parlé dans une ordonnance épiscopale de 1290). Nous ne trouvons rien au sujet du pont sur le Lot avant 1321. Le jeudi avant la sainte Madeleine (16 juillet), l'official de Cahors s'adresse au clergé du diocèse pour recommander les quêteurs qui vont passer pour ramasser les fonds nécessaires à la construction ou réparation (construere seu reficere) du pont que les habitants de Cajarc font sur le Lot, mais que leurs seules ressources ne leur permettent pas de faire tout seuls. Dans cette ville, dit-il, Dieu opère de nombreux miracles en l'honneur des reliques du Corps du Christ qui se trouvent en l'église paroissiale ; des pélerins et des malades de diverses parties du monde y recouvrent la santé. Les prêtres feront connaître la nécessité de ce pont pour les pèlerins et les malades et les miracles qui s'opèrent, les indulgences accordées par de nombreux prélats ; ils publieront, quatre dimanches de suite, les cartels des quêteurs et des indulgences ; ils feront ramasser les aumônes par deux prud'hommes des paroisses et exciteront les fidèles à se montrer généreux. Toute autre quête est interdite jusqu'à ce que celle-ci soit terminée, à l'exception des quêtes ordonnées pour la cathédrale de Bourges et pour la cathédrale de Cahors.

L'évêque avait fait un mandement à ce sujet que l'official résume dans sa lettre. D'autres évêques en firent pour le même sujet, et notamment l'évêque de Rodez (Pierre de Castelnau) qui donne 40 jours d'indulgence et ne met au dessus de cette quête que celle qui a été ordonnée pour la cathédrale de Rodez, et l'évêque de Limoges (Gér. Rouquier , un quercynois d'ailleurs, comme Pierre de Castelnau) qui ordonne à ses prêtres de recevoir favorablement ceux qui viendront quêter pour le pont de Cajarc.

Le 18 décembre 1333, noble Fortanier de Gourdon, seigneur de Saint-Jean de Laur, coseigneur de Gourdon et de Saint-Cirq-la-Popie, reconnaît qu'il doit aux consuls de Cajarc comme ouvriers ou manouvriers du pont nouveau «operis novi pontis» commencé par leurs prédécesseurs sur le Lot, une somme de cent livres caorsines qui leur a été promise par son père Bernard (Bertrand ?) de Gourdon, dont il est le légataire universel. Il s'engage à payer 15 livres à la première demande qui lui sera faite, 15 autres dans un an à partir de la Saint-Hilaire et 15 autres chaque année jusqu'à 90 livres et 10 livres à la fin. Acte passé dans le bureau du bayle de Cajarc, Jean Blanquet.

A quel moment fut terminé ce pont, nous ne le savons pas : en tout cas, il était détruit en 1365 et l'on voulait profiter de la paix rétablie par le traité de Brétigny, si mauvaise qu'elle fût, pour le rétablir. Et un seigneur du Quercy voulait donner les bois nécessaires, ce qui semblerait indiquer que l'on avait pas dessein de le rebâtir en pierre, en supposant qu'on l'eût fait tel la première fois. Voici quelques lignes de sa promesse : «Marques de Felzinh, senhor de Monmirat (Montmurat, Cantal), atendens e cossirans (considérant) que lo pon de Caiarc, loqual d'autras vetz era sus lo flum d'ot, es destrug e deffacts, que non pot  hom passar, e que se adobe, que passar no posca hom, sera obra de gran misericordia et de gran pietat, nos, per honor de Dio e de la sua Mayre, e per amor e profeg de las armas de nostre payre et de nostra mayre e dels autres de nostre linatge... donem als cossols e habitans... de Cagarc... LX troncs de garric o de autre fust... dels nostres boscs, on que los puesco trobar...» 5 février 1365 v. st..

Mais, ainsi que nous avons eu occasion de le dire, la paix fut rompue par le mouvement de 1368 et quand la guerre de Cent ans fut enfin terminée, il ne restait plus aucun vestige du vieux pont, l'on n'avait plus les ressources nécessaires pour en construire un nouveau, et tout avait été si bien ruiné partout qu'on ne pouvait plus compter sur le résultat des quêtes.

Remparts et portes

L'on voit par les coutumes que les consuls avaient la garde et l'entretien des murs, portes, tours et fossés de la ville. Déjà, avant 1243, la ville était entourée de murs, mais c'était une petite ville et nous avons vu l'évêque Géraud Barasc donner au delà des vieux remparts cent quarante emplacements de maison pour agrandir la ville. On dut reporter les murs un peu plus loin.

Au commencement du XIIIè siècle, Cajarc avait au moins cinq portes : (on présente 5 clefs à l'évêque) une des principales était la porte de la peyre, qui donnait sur le chemin conduisant à la fontaine de la Caunhe et sur le causse ; une autre porte s'appelait la porte vieille ; nous avons trouvé mention d'une porte du four ; d'une porte du barri ; d'une porte du réduit ; d'une porte de Laumet. Chaque porte avait son pont-levis sur le fossé ; quelques-unes, peut-être toutes les cinq, en tout cas celles de la peyre et de la porte vieille avaient une barbacane (la porte était flanquée de deux tours avancées ; outre les deux tours, au dessus de la porte un mur avec trois mâchicoulis). De distance en distance, des demi-tours (gachial, d'où on faisait le guet, gach) ; ça et là des tours plus fortes. Au-delà, correspondant à peu près aux espaces laissés entre les portes, des barrys ou faubourgs, quelquefois subdivisés ou peut-être ayant un double surnom. Nous avons trouvé les barrys de la peyre, de la porte vieille, de l'hôpital, neuf (barri nuoa), de la robertie, de la trèpe vieille (à côté de celui de la porte vieille), de la plume, du potz nuoa (du puits nouveau), dels clausals ou de la clauselio, del potz de la peyre, de l'estaudie, de l'aymeriguie. Quelques uns de ces barrys, comme le barri nuou et celui de l'hôpital étaient entre les anciens et les nouveaux murs de la ville «dins los murs de Cagarc». Ils s'ouvraient sur les autres barrys ou sur la campagne par des portes plus petites, portanel, que l'on murait en cas de danger plus pressants. Les autres barrys étaient seulement défendus par des palissades (d'où le nom de pal) avec des portanels.

Les fossés recevaient sans doute, dans ces cas-là pour être infranchissables, l'eau du ruisseau de la Caunhe. En temps ordinaire, ils étaient à sec, pas toujours bien curés, et leurs versants servaient pour faire des vergers. On a vu que l'évêque Rd de Pauchel avait demandé une place dans les fossés pour faire vergers et aysines (commodités) pour la maison épiscopale.

En 1484 encore, les consuls donnaient à bail à un maçon de la marche limousine de bâtir une tour ronde à trois étages voûtés et de réparer le mur de là jusqu'à la porte vieille. En 1501, ils faisaient reconstruire ou réparer la maison commune (Reg. de 1462 et suiv. aux dates). C'est ici le cas de citer un maître maçon de haute valeur, Me Hugues Néron, qui avait l'honneur, en 1556, de travailler avec le célèbre Nicolas Bachelier.

Domaine, Eaux et Forêts

Les consuls avaient, au nom de la communauté, des terres de pacages qu'ils exploitaient, soit en y faisant élever des troupeaux : nous les avons vus se plaindre qu'on eût attaqué leur berger, soit en vendant les herbages, soit en donnant à cens : c'était surtout dans la région de Sassenat où sans doute ils les possédaient comme bien de l'hôpital (c'est là que se trouve encore un hameau de ce nom), ou dans la région d'Andressac et là c'était les biens de la léproserie. Ils font même plus qu'arrenter les biens ; ils en vendent (1468 : vente à Madame de Puycornet de «la terre vendorge» du côté de Saint-Chels, au delà de Sassanat). Ils peuvent acheter aussi maisons, terres, armes et tout ce qui peut être utile à la communauté. Ils peuvent faire des emprunts et on voit sur leurs comptes payer les sommes qu'ils doivent, sans doute pour acquisition de quelques droits, à des seigneurs comme les de Cajarc, de Cadrieu, de Saint-Sulpice.

Ils ont le droit de pêche sur le Lot. Les limites de la rivière sont faciles à dépasser, de là des difficultés avec les seigneurs voisins qui ont des droits aussi. Nous avons déjà parlé de l'accord qu'ils firent avec Arnaud de Barasc et Isarn de Cadrieu en 1314 (janvier, n. st.). Ils disaient que les gens de Cajarc avaient droit jusqu'au lieu appelé le bois de Cavalières ; les nobles disaient avoir droit jusqu'à Bocadayro. On prit pour arbitre Galhard del Causse, prieur de N.D. du Puy de Figeac et le jurisconsulte Me Déodat Le Rond. Ceux-ci accordèrent aux consuls jusqu'à la Truffière «ad locum recte coherentem vertice rupis magna supra et propre locum de la Truffieyra». Me Hugues de Neule, notaire de Cajarc, Rd de Benivé, bayle royal de Fons, les chevaliers Hugues Eche et Otho Delluc, assistaient avec d'autres personnes à cet acte d'arbitrage (notaire : Dorde de La Gleyra).

Plus tard, ils déclarent au Me des Eaux et Forêts ou plutôt à son lieutenant (sénéchaussées de Périgord, Agenais, Quercy, Rouergue) que les habitants sont gênés et troublés dans la coutume ancienne qu'ils ont de pêcher avec certains engins et filets soit dans le Lot, soit dans le Célé. Et ledit lieutenant Jean de Maurantie leur accorde satisfaction. En 1409, nouvelles plaintes auprès du maître lui-même, Raymond de Bernie: ils lui montrent leurs privilèges et ils en obtiennent le maintien - Nouvelles difficultés en 1463 et 1473.

Nous avons parlé déjà des difficultés qu'ils eurent pour les droits de péage que voulait leur faire payer le seigneur de Salvagnac.

Ils avaient acheté, moyennant la somme de 5500 sols (275 livres) le port de Cajarc, du côté de la ville et du côté de Salvagnac (puy de la vieille pendue!) y compris la barque, la chaîne et la jouissance du tout, à Raymond de Pontanier, de Villeneuve, 2 juin 1326 ; le port relevait de l'évêque de Cahors, sous la rente de 4 livres caors. - Ils achevèrent de payer en 1324.

On a vu qu'ils payaient aussi 4 livres aux de Cajarc pour le port de Gaillac.

Au XVIIIè siècle (1738) difficultés au sujet du bac.

Hygiène, police, etc.

Il va sans dire que les consuls ont la police de la ville, mais sous la dépendance du bayle épiscopal, lui-même relevant du juge de la temporalité de l'évêque, ce qui amène parfois des conflits. Nous avons déjà entendu des plaintes des consuls contre le bayle ou contre le juge, entendu celui-ci donner à celui-là des conseils de prudence.

Il y a certains points sur lesquels les consuls sont tout à fait indépendants : c'est en ce qui concerne l'hygiène publique, notamment la fabrication du pain et les boucheries. Ils ont «a conoyche de las farinas mal motas (moulues)» ; ils sont préposés «à la garde de las carns del masel». Ils font des règlements de la boulangerie et de la boucherie, comme les consuls de Cahors ; ils font prêter serment aux bouchers : la mauvaise viande «mal marchande» devait être brûlée au milieu de la place et les coupables condamnés à l'amende.

Ils ont la garde des poids et mesures.

Ils ont la police des rues.

Impositions

Une des principales charges des consuls est la taxe et la levée de la taille, qu'il s'agisse de subsides royaux ou de charges locales pour lesquelles ils ont l'autorisation de faire des collectes.

Dans la collecte rentrent aussi les diverses recettes provenant d'émoluments divers : pait dans la viguerie, afferme des terres, du port, du droit de pêche.

Ils tiennent registre des recettes et des dépenses - Cette partie est particulièrement intéressante pour nous parce qu'elle nous fait davantage pénétrer dans la vie intime des habitants. Il ne faut pas demander la rigueur de nos modernes comptabilités : les choses manquent quelquefois de précision ; mais de façon générale, il y a beaucoup de détails, souvent curieux, surtout pour les époques les plus anciennes, notamment la période de la guerre de Cent ans. Les consuls doivent ensuite rendre leurs comptes aux nouveaux consuls et aux conseillers. La règle est de rendre ces comptes dans l'année où ils sortent de charge, mais souvent ils attendent un peu plus.

On a eu un peu l'idée de dépenses à faire, en voyant les détails de leurs droits et de leurs devoirs. Nous n'y revenons pas.

Relations avec l'évêque

Nous les avons fait connaître en parlant de la seigneurie.

Relations avec le roi

C'est à dire avec les officiers royaux. Il y a des appels au sénéchal de Quercy quand on croit avoir à se plaindre du bayle ou du juge de l'évêque ; des appels ou des plaintes au sénéchal de Rouergue quand il s'agit des seigneurs de Salvagnac. Le procureur du roi et le bayle royal de Fons interviennent quelquefois : ainsi le bayle de Fons, en 1310, sur ordre du sénéchal, mit sous la main du roi la juridiction de l'évêque à Cajarc ; en 1311, le procureur du roi et le même bayle viennent faire une enquête au sujet des fourches patibulaires du Pech Berty (limites de Gréalou et de Cajarc) qui ont été renversées ; en 1319, le sénéchal déclare nulle la sentence arbitrale portée en 1314, contre les consuls et les habitants, en faveur de l'évêque Hugues Géraud.

Les rois, directement ou indirectement, confirment les privilèges de la ville de Cajarc (1319, Philippe V; 1326, Charles IV). En 1345, au nom du roi, le juge-mage Arnaud Bertrand, lieutenant du sénéchal, confirme aux habitants le droit de fermer leur ville de murs, de fossés et de portes, de boucher les ouvertures, d'en ouvrir d'autres, de faire des ponts-levis, d'avoir de l'artillerie (habendi armesia artillaria), en un mot de faire tout ce qui est utile pour la défense de la ville.

L'ost

Le roi avait le droit de lever des troupes ou de les faire lever par ses vassaux. En 1304, ses commissaires parmi lesquels le vicomte de Branique et le chevalier Géraud de Balène vinrent demander des soldats pour la campagne de Flandre : un petit nombre : deux par cent feux, soit six soldats, deux armés d'arbalètes, quatre de lances ; sinon, une somme de 20 livres tournois. Les consuls déclarèrent qu'ils avaient déjà envoyé des soldats en Flandre et à Saint-Emilion, et qu'ils étaient sans ressources pour donner la somme demandée. Ils firent appel au roi et le roi, pour cette fois, n'insista pas. On a vu que lorsque l'évêque Hugues Géraud demanda des soldats pour les conduire lui-même au roi, les consuls répondirent que c'était au roi seul qu'ils obéissaient en pareille matière.

Ils lui obéirent en effet plusieurs fois : en 8bre 1324, 17 citoyens de Cajarc lui sont envoyés pour l'«armée de Gascogne» et reçoivent 36 sols tournois chacun. En septembre 1338, ils en présentent vingt à Pierre d'Entraygues envoyé à cet effet par le sénéchal, pour aller combattre en Agenais et Gascogne ; ils les ont armés de lances, dards ou javelots, épées, couteaux, pourpoints, bassinets, arbalètes, boucliers (taulachis) ; ces sergents d'armes seront payés à Marmande. Ils étaient commandés par Géraud Garini (Gary, Guérin) et Pre Martini (Marty, Martin) - Mandat du sénéchal pour le paiement de la solde.

Au XVè siècle, nous voyons les consuls s'occuper activement de l'équipement des francs-archers : cela fait dans les registres de comptes des pages assez bizarres, tant cela paraît compliqué : une partie de la juridiction de Cajarc s'étendant en Rouergue, ils contribuent même à l'équipement du franc-archer de Villeneuve d'où dépendent Salvagnac, St-Clair, Ste-Girbelle. Ils se préoccupent beaucoup de ce franc-archer, puisqu'ils envoient demander aux consuls de Figeac «cossi se governardian... del archié» ; ils font des présents au capitaine «de recrutement» (capitani dels franx archiés) qui vient apporter les ordres du roi et donner ses instructions. On comprend, à lire tout ce détail, qu'un franc-archer pouvait se croire quelque chose dans l'endroit et l'on n'est pas surpris de la farce du «franc-archer de Bagnolet». Il fallait l'habiller des pieds à la tête, et, comme ce n'était pas toujours le même (nous avons trouvé des noms différents pour diverses années), la dépense ne laissait pas d'être considérable. Nous voyons fournir des chemises (caumissar) pour lesquelles il a fallu acheter de la toile - 18 palmes de toile coûtèrent 22 s. 6 d. - les souliers (sabatos) on en achète jusqu'à trois paires à la fois , 4 s. 8 d. la paire - les chausses (caussas), mi-vertes, mi-rouges, dont l'étoffe revient à 8 livres et la façon à 5 sols - une autre fois les chausses ne coûtèrent que 29 sous - lo gipon, sorte de jupe fourrée en dedans, à maille de fer au dehors, la jaquette (jaqueta), en étoffe, ordinairement de futaine (fustani), sorte de justaucorps soigné, puisqu'on y mettait du satin d'Allemagne et de nombreuses aiguillettes au bout de métal doré (agulhetas dauras) ; le manteau (lo manto) ; les brigantinas (la brigandine, pourpoint cuirassé d'écailles d'acier, rivées sur deux doubles de toile ; le bonnet, qui serrait la chevelure et par dessus lequel se mettait tantôt le capel ou cubritesta, avec une belle plume : le chapeau coûtait 5 sous, la plume 8 den.), tantôt la salade, casque rond à visière avec couvre-nuque, enfin un ceinturon (per sencha lo franc-archie, d'où le nom de senh), et la gorgoutte (gorgayreta) ornement de cour.

Les armes étaient une dague ou épée très courte, sorte de poignard ; une épée à deux mains (spasa de doasmas) et l'arbalète (balesta) avec sa corde d'arc, sa poulie (polelha) et la corde de la poulie pour tendre l'arc, avec ses flèches (garrots, carriel, trach), flèches empennées parfois avec les plumes d'une aile de grue (coût : 8 deniers) avec son carquois et la courroie qui le supporte etc. La plupart de ces objets étaient fabriqués à Figeac.

Le capitaine des francs-archers (c'était M. de Raymond de Folmont) convoquait de temps en temps ses hommes pour des revues (mostras) soit à Figeac, soit à Caylus, ou Réalville, ou Montcuq, ou Montauban, ou Montpezat ; quelquefois il les amenait en France. La convocation s'appelait «las cridas dels archies».

L'archer recevait des gages, mais nous n'avons pas additionné les diverses sommes reçues. Il avait un peu plus naturellement quand il allait aux revues ou en expédition.

Les règlements militaires étaient les mêmes pour tout le pays, et Cajarc fut soumis aux mêmes droits de logement, d'ustensile et d'étape, lorsque les troupes passaient. Ces droits amenaient souvent de gros désordres et des injustices. Aussi, partout, faisait-on le possible pour se soustraire à l'inconvénient si grave de loger les soldats, de passage ou en quartiers d'hiver. On aimait mieux payer un peu plus et n'avoir pas à craindre leurs exactions. C'est ainsi que nous voyons, en janvier 1645, les consuls réunir l'assemblée communale, au reçu d'un avis qu'une compagnie des gardes du régiment du comte d'Harcourt allait venir à Cajarc, et cette assemblée décida d'une part que le logement serait fait sur les plus aisés des habitants, mais d'autre part qu'on enverrait deux délégués à l'Intendant pour obtenir au plus tôt le «deslogement» des soldats. L'intendant ne voulut «rien connaître», mais le maréchal des logis de la compagnie laissa entendre que moyennant de l'argent il «deslogerait... le lendemain». On traita donc avec lui ; quatre commissaires (deux catholiques et deux protestants) furent chargés de prélever sur les habitants la somme de 600 livres promise. Quant aux frais de l'étape (4000 livres avancées par la ville pour la nourriture des hommes et des chevaux et qui devaient être remboursés régulièrement), les commissaires envoyés à Montauban déclarèrent que si l'on en donnait la moitié au secrétaire de l'intendant, le reste serait porté en déduction sur le rôle de la taille. Mais l'intendant s'y refusa et renvoya les consuls devant le roi et son conseil. Le sieur Maleville, marchand de Cajarc, établi à Paris, intervint auprès de quelque personne influente et un secrétaire des finances promit de faire assigner sur le rôle les sommes dues moyennant un pot de vin de 50 livres.

Mais il y avait d'autres difficultés. Ainsi en 1684, le capitaine de cavalerie, Roquefort, refusait de donner aux consuls les certificats nécessaires au remboursement ; les consuls en dressèrent un procès-verbal où ils mentionnaient «divers maltraitements» que les cavaliers avaient fait subir à plusieurs habitants», entre autres en exigeant de l'argent contre le gré de leurs hôtes.

Cajarc fournissait sa part des milices provinciales. C'était peu de chose car le nombre des miliciens demandé était insignifiant par paroisse, mais l'arbitraire des autorités locales rendait le recrutement souvent injuste et, par suite, excessivement impopulaire. Ainsi, le 23 décembre 1703, les consuls, agissant d'après les ordres de M. Palhane, subdélégué de Figeac, réunissaient tous les «garçons» de la communauté afin de procéder au tirage au sort pour le choix de trois miliciens, chiffre infime. Mais «après avoir conféré avec les principaux habitants» et pour éviter que des fils uniques et autres chefs de maison ne tombassent dans le cas d'être désignés pour la milice les consuls décidèrent d'ajourner l'opération du tirage et «de se transporter dans le causse et autres lieux circonvoisins», partout où ils pourront trouver «des garçons moins utiles dans leur famille pour les prendre et les enrôler volontairement» (il y eut beaucoup de ces enrôlements volontaires en 1792 et années suivantes).

Accompagnés de leurs valets de ville et de deux habitants, les consuls se rendirent à Gréalou où ils arrêtèrent deux domestiques, sans doute deux déserteurs de la précédente levée. Les «volontaires» furent conduits aux prisons de Cajarc où ils restèrent quinze jours. Comme il manquait encore un «homme», les consuls convoquèrent à nouveau «les garçons de la communauté» et le sort désigna Abraham Ourcival qui «se remit le lendemain». Ayant leur contingent au complet, les administrateurs conduisirent les recrues au subdélégué. Celui-ci ne voulut pas accepter Ourcival, médiocre recrue sans doute ; il fallut faire une nouvelle convocation à son de trompe. Mais ni de la ville, ni du causse, ni de Gaillac, personne ne se présenta. Il fallut faire encore une expédition au dehors à la recherche d'un déserteur, et, du côté de Laramière, ils finirent par capturer le troisième milicien.

bullet_b.gif (912 octets) La population

En 1770, environ, Cajarc comptait 2500 communiants, ce qui peut faire environ 3000 âmes ; le Dictionnaire des Communes met seulement 1734 paroissiens : nous sommes loin du compte. Il est vrai qu'il met pour Gaillac  : 250 paroissiens, alors que le pouillé alphabétique enregistre seulement 155 communiants. Mais peut-être faut-il croire que le pouillé, dans le nombre des 2500 communiants de Cajarc, englobe par erreur ceux de toutes les annexes (au total 1005 et de cette façon les chiffres concorderaient mieux).

Les listes des paroisses rangées suivant les élections ne donnent pas la population, mais seulement le nombre de feux d'après lesquels la localité est taxée - mais le mot feu n'a pas toujours le même sens : ainsi, Cajarc est porté, dans un tarif de 1510, à 1 feu et 3 quarts ; dans un tarif de 1669 à 22 feux, 74 belugues, 3 quarts ; dans un tarif de 1713, à 378 feux allumants Si le feu, en 1713, représente un moyenne de six personnes, cela fait 2268 habitants ; si la belugue en 1669 représente une personne, cela fait 2274.

Dès le XIIIè siècle, la propriété, propriété il est vrai grevée de censives et de dîmes, semble très morcelée, et l'on peut s'en rendre compte par les divers actes des archives où l'on voit des gens du commun vendre, affermer ou acheter des terres, des vignes, des prés ou des bois. Ce sont les vignes d'Augier Calvet, de Joffre le Normand ; les terres de Pierre Molin ou d'Aymeric Decautz ; ou d'Hugues Abric. Nous pourrions citer de longues listes de ces petits propriétaires qui pouvaient, qu'ils eussent des terres à cens ou à acapte, en fief ou à reconnaissance, les aliéner, les affermer, les vendre, les transmettre par succession. Le successeur n'avait qu'à reconnaître de qui il tenait sa propriété.

bullet_b.gif (912 octets) La guerre de Cent ans à Cajarc

Quand on parcourt les registres consulaires, qui nous sont parvenus de cette époque, - en réalité ils ne se rapportent qu'au XIVè siècle et ne comprennent pas toutes les années - on voit que la vie pendant cette longue guerre ressemble beaucoup à celle des autres villes du Quercy dans la même période, et notamment de Martel, sur qui nous avons une étude intéressante, d'après les registres consulaires, faite il y a déjà longtemps par M. Combarieu. Lacoste s'en est beaucoup servi pour son histoire. On voit que la principale préoccupation des habitants consiste à augmenter la défense de leur ville, à savoir, par des éclaireurs postés sur des hauteurs voisines ou envoyés un peu partout, en quel endroit sont les ennemis, dans quelle direction ils marchent, et quand ils le savent, ils préviennent les seigneurs ou les consuls d'alentour, comme eux-mêmes, d'ailleurs, sont prévenus par de fréquents messages, qui prouvent une grande solidarité. Il y a des levées de soldats, des impositions à établir, de nouvelles taxes à percevoir ; il y a des surveillances à faire aux portes et sur les remparts (on a un homme qui fait le guet aux fenêtres du clocher), quelquefois des sorties pour «desemboscar» (débusquer) l'ennemi qui s'est approché et a tenté des surprises. Cajarc est bien placé ; c'est une place riche ; elle tente l'avidité des adversaires. Et au milieu de toutes ces préoccupations, de tous ces soucis, de tous ces travaux, la ville garde ses habitudes : elle fait quelques processions de plus à l'intérieur des remparts pour invoquer le Dieu des armées, mais les habitants vont leur train ordinaire. Aucune oeuvre de charité, ni aucune dépense de culte n'est arrêtée. On fait même réparer l'autel de la chapelle de la Ségalière, sur les bords du Lot.

Après la rupture du traité de Brétigny, les affaires se gâtent : le plus souvent, les ennemis ne sont pas les troupes régulières du roi d'Angleterre, ce sont des bandes, ce sont les sodales, les grandes compagnies. Ils ravagent tout. Pour avoir la tranquillité nécessaire aux travaux des champs, on est obligé de conclure avec eux des traités particuliers, appelés «pâtis» ou «suffertes» ; mais le traité avec tel chef ne garantit pas la paix avec une nouvelle bande qui survient et, pour comble, il faut quelquefois conclure de tels «pâtis» avec les seigneurs du pays qui, étant en guerre avec des seigneurs de la contrée, font autant de ravages que les sodales. Tout le temps, les relations avec l'évêque sont très suivies et très bonnes.

Donnons quelques détails : En 1348, pour les travaux faits aux remparts, les femmes sont employées - on ne dit pas si elles se sont proposées - comme «les dames de Sienne» pour porter la chaux et le sable. On envoie des arbalètes à l'évêque de Cahors pour le siège de Bélaye qu'on lui a pris.

En 1349 et années suivantes, Marquès de Cardaillac, seigneur de Brengues, s'occupe de la défense de la ville. On lui donne d'ailleurs de l'argent, et quand il vient de la guerre, on le reçoit avec des présents. Plus tard (1356) on lui promettra 350 florins, grosse somme alors, pour délivrer Fons, St Cirq, la Gache (Camboulit) et on la lui rembourse (1357) en deux paiements, bien qu'on eût envoyé aussi des soldats dans ce but.

Cette année de 1356-7, Lalbenque était prise et de là les Anglais menaçaient Calvignac, Cénevières, St Cirq... «Bertugatz de Lebret avia fah gran auras per cavalgar sobre nos».

Arrive la désastreuse bataille de Poitiers puis le douloureux traité de Brétigny qui nous faisait Anglais. L'évêque écrivit aux consuls de se soumettre, au nom du roi qui avait envoyé à ce sujet des lettres patentes et des lettres secrètes (19 février 1362).

Le 28 janvier, Chandos était passé, venant de Caylus, mais le procès-verbal de délivrance des places françaises à ce lieutenant du roi d'Angleterre se contente de dire qu'il en partit le 29 pour se rendre à Figeac. Evidemment, les habitants avaient dû se rejeter sur l'obéissance qu'ils devaient au seigneur évêque pour ne pas se soumettre à Chandos. Voilà pourquoi, sans doute sur la plainte du chef anglais, le roi avait dû donner des ordres à Mgr Bertrand de Cardaillac. Il leur annonçait que Galhard d'Alquier, docteur ès lois, lieutenant du roi d'Angleterre, viendrait recevoir leurs serments. Ce ne fut que le 7 novembre de l'année suivante, et sur nouvelle lettre venue de Brengues où se trouvait l'évêque (8 sept. 1363) que le serment de fidélité et d'obéissance au roi d'Angleterre fut prêté par le bayle épiscopal, Pierre Chatgier, les consuls, Me Barthel. de Bless, Géraud Delbourg, Gme Olivier, Gér. de Cardaillac et les habitants (il y a Arnaud Périer, expert en droit, Géraud de Béduer, Arn. Delmas, Me Gme d'Ayguesperse, Jean Conduchié - en 1348 on avait dû démolir la maison appelée la Conducheyrie- Rd de Cussonac etc etc. Guibert de Cajarc, damoiseau, prêta également le même jour le serment, avec Gme de Cajarc, Bernard et Gaillard de Cadrieu, Hugues de Camboulit, etc Gme de Rodes, damoiseau.

Mais ce ne fut pas G. Alquier qui reçut les serments. Ils furent prêtés par devant noble homme Raymond de Pomiers, viguier de Figeac, sous-délégué de noble et puissant homme Hélie de Pomiers, chevalier, sénéchal de Périgord et Quercy pour le roi d'Angleterre, et vénérable et discrète personne Pierre Flamenc, procureur fiscal, qui furent, en cette affaire, les commissaires du prince Edouard.

Pendant l'occupation anglaise, rien de bien sensationnel ; on respire un peu en attendant la nouvelle crise. On travaille à relever le pont ruiné, on fournit au sénéchal anglais des chevaux et on lui paye l'impôt appelé fouage (taxe par foyer) ; on va visiter à Brengues, plusieurs fois, le vaillant évêque de Cahors (1366) et bientôt on va y assister à ses funérailles (février 1367). Quand Begon de Castelnau est nommé, on lui envoie pour lui faire la révérence, deux citoyens de la ville, une fois à Montpezat, une fois à Albas afin de faire confirmer les privilèges. L'évêque fit son entrée à Cajarc le 3 août 1368, et reçut le serment des consuls. Il resta plus d'un mois dans la ville. Le jour de son entrée, les consuls dînèrent avec lui. Ils avaient fait orner de verdure et de roses la maison d'Hébrard où l'évêque était descendu.

Enfin éclate le mouvement parti de Cahors. Les habitants de Cajarc entendent l'appel fait par les agents du roi de France ; en février 1369, ils donnent leur adhésion, en présence du trésorier épiscopal et de Marquès de Cardaillac-Brengues, et tout de suite remettent leur ville en état de défense: il fallait se hâter car les Anglais furieux de l'insurrection qui ruinait leur oeuvre se montraient fort actifs et d'une violence extrême dans la répression. Apprenant la prise de Rocamadour (août 1369), ils demandent une trêve (sufferte) qui fut désapprouvée par Marquès de Cardaillac et par l'évêque. Le seigneur de Montbrun leur ordonna de détruire les faubourgs et de couler tous leurs bateaux. Il vint visiter la place avec Guy d'Azay, maréchal du duc d'Anjou, et la mit en mesure de résister. Il y amena un certain nombre d'arbalétriers, parmi lesquels le fameux Jean de Gaillac, pour les conduire au secours des villes voisines. Le 27 février suivant (1370) il réunit des nobles et des délégués des villes dans l'église de Cajarc et leur fit jurer l'union sacrée contre l'ennemi commun.

Les registres ne sont remplis que de la préoccupation donnée par les mouvements soit de Jean Chandos, soit des chefs de «las grans companhias». Ce serait trop long d'en suivre le détail dans les registres, détail un peu monotone pour nous qui sommes si loin de cette époque terrible et qui n'avons pas connu les horreurs des dernières invasions.
Le 13 oct. 1371, Figeac fut pris et ce fut pour le pays un grand événement à cause de l'importance de la place. Cajarc n'osa pas refuser aux vainqueurs la contribution de guerre qu'ils exigèrent. Ils donnèrent une grosse somme, mais en demandant une sufferte pour être en paix avec Bernard de la Salle et Bertucat d'Albret. Ce qui n'empêcha pas, de la part d'autres bandes, des tentatives d'ailleurs inutiles. Le comte d'Armagnac s'occupa de conclure un traité pour la délivrance de Figeac. Les sodales demandèrent 120000 francs d'or. Il est vrai qu'ils promettaient à ce prix d'évacuer d'autres places. L'importance de Figeac amena le comte à céder et toutes les villes du Quercy durent s'engager dans une réunion qui eut lieu un peu plus tard (1376) à payer une contribution pour payer la somme signalée. Cajarc - qui fut taxé à 1500 francs - dut emprunter au seigneur de Montbrun, Marquès de Cardaillac. Les consuls devaient encore, en 1395, 142 francs à son fils (du même nom), mais ils prétendaient que ce devait être sa part de contribution, et encore bien petite, car il manquait à la ville environ 43 feux pour lesquels ils ne devaient pas payer. Le seigneur disait que si les habitants de Cajarc avaient souffert de nombreux dommages, lui aussi avait eu sa grande part et il avait guerroyé. Un arbitrage partagea le différent (9 nov.). Marquès devait recevoir 65 livres tournois par paiements de 5 livres. De tels chiffres montrent bien la ruine du pays.

Nous trouvons un détail assez curieux qui fait voir combien ces temps diffèrent du notre et qui rappelle le fameux combat des Trente. Les Anglais de Balaguier viennent à Cajarc porter un défi «vengro per combatre» ; les prud'hommes et Jean d'Hébrard qui se trouvait là, leur font donner 60 pains et 4 barils de vin. C'était le vendredi avant la Fête Dieu 1376. On ne donne pas le résultat de la bataille, mais il y eut bataille «Item lo dia quens (que nous) combatero los Angles de Balaguier». Cela facilita des trêves avec cette bande, dont le chef en 1377 était Bernard Doat. En 1380, il y en a une, conclue avec Bertrand de Basserat, que le registre appelle «Bertro de Besanat». Jean d'Hébrard en fit conclure, la même année, une autre avec Bertugat d'Albret et Noli Barba ; les registres en mentionnent souvent et l'on constate qu'il faillit donner quelque chose non seulement au chef de la bande, mais encore au seigneur qui procurait la trêve. Ils s'arrêtent à l'année 1387 pour ne reprendre qu'à 1462. Lacoste, qui a pu voir quelques autres volumes, aujourd'hui disparus, raconte les tentatives manquées du bâtard, ou bourc, de Gauzens (1388-9), l'entrée de François de Cardaillac, nouvel évêque de Cahors (1390) et diverses trêves obtenues. Il s'arrête à 1413, faute de documents.

A en croire M. Delpon, les Anglais avaient détruit 600 maisons dans la ville de Cajarc. Ils ne purent même pas détruire toutes les maisons des barrys, puisque les consuls s'en occupèrent eux-mêmes lorsque ces maisons pouvaient servir aux Anglais pour s'embusquer. Et ils n'entrèrent dans la ville proprement dite qu'au moment de l'exécution du traité de Brétigny. Et sûrement Cajarc, ville et barrys, n'avait pas 600 maisons en tout. M. Delpon dit que cela résulte d'un arrêt du Parlement de Toulouse de 1400 conservé dans les Archives de Cajarc. Nous ne pouvons pas contrôler puisque cette pièce ne s'y trouve plus.

Cajarc (1è partie)
Cajarc (2è partie)

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