Titre en ce temps là (4154 octects)
 

Un article de LOUIS DUCOMBEAU

1661.
Diableries en Quercy.

cath_2.jpg (8959 octets)En ce XVIIème siècle le "culte du diable", "création du désespoir" a repris vigueur et exerce une certaine attraction en permettant, paraît-il, à ses affidés de satisfaire leurs désirs par le truchement de pratiques magiques et du sabbat, reprise de l'orgie païenne où les idoles recouvrent force. D'ou, peut être, au début du mois de mai 1661, devant le présidial de Cahors un procès, jugé prévotalement sans appel, à la suite du dépôt d'une plainte par la veuve du juge du marquisat de Cenevières et sa fille Marguerite D... contre Jean L... leur valet et Jeanne P... accusés de maléfices et empoisonnement envers Marguerite D...

Conduit, les fers aux jambes, devant les magistrats Jean L... de religion catholique, apostolique et romaine, âgé de 24 ans, natif de Théminettes, à genoux "lève les mains à la passion figure de notre seigneur", promet de dire la vérité, puis sur l'ordre du juge criminel se relève et va s'asseoir sur un petit siège en bois (la sellette) pour être interrogé. Ses réponses éclairent son crime et dévoilent sa personnalité.

Exaspéré par les entraves mises à son projet de mariage avec Jeanne P... par Marguerite D... il prend la décision, pour contourner ces empêchements, de donner à la "gêneuse" une pomme empoisonnée, fournie par sa promise, conscient des conséquences de ce geste.

Il reconnaît, incidemment, sa participation de nombreuses fois au sabbat et "y avoir apporté le saint-sacrement pour le délivrer au "démon" qui l'a mis sous ses pieds et foulé". Ces propos enregistrés, Jean L... est invité à se retirer.

C'est au tour de Jeanne P... d'être conduite dans la chambre du conseil, de se mettre à genoux, de prêter serment "la main levée à la passion figure de notre-seigneur", de promettre de dire la vérité et de donner sa version. Native de Thémines, de religion catholique, romaine, apostolique, elle admet avoir remis la pomme contenant le poison et avoue aussi être allée à plusieurs reprises au sabbat où non seulement elle apporte le saint-sacrement pour le donner au "démon" "mais est connue charnellement par lui et par son futur mari". Ces dires notés elle est contrainte de se retirer.

Pour des raisons de droit et autres déduites par les juges, malgré les aveux recueillis il est ordonné d'appliquer la question (torture légale) aux accusés avant d'énoncer la sentence.

Cette douloureuse épreuve subie Jean L.... revient devant les magistrats et suivant le même cérémonial jure d'exprimer la vérité et confirme "que la force du tourment ne lui a rien fait dire qui ne soit vrai". Suivent des précisions pour expliquer ses rapports avec la secte satanique dont il découvre l'existence, lors de son voyage en Espagne, par l'intermédiaire d'un maçon de Lacapelle-Marival rencontré à Gourdon. Celui-ci lui propose "de le suivre pour lui faire voir de belles choses". En l'occurrence le sabbat. Quelque temps après, au cours d'une séance l'accusé "renonce à son baptême et est marqué sur son épaule droite. Il demande alors au "démon" de lui donner quelque chose pour le faire aller si vite qu'il veut. Chose acceptée et concrétisée par la remise de quelque écrit ou caractère avec lequel il peut se rendre rapidement à Madrid et Tolède. "Dans ces deux villes il assiste souvent au sabbat. De retour en Quercy il y participe encore fréquemment. Au cours de l'un d'eux "le démon" lui baille quelque pâte blanche qu'il fait manger à Jeanne P... et après la connaît charnellement, plusieurs fois, dans une grange du sieur D.... son maître". Lecture faite des propos Jean L.... est ramené en prison.

Jeanne P..., la question appliquée, est reconduite devant les magistrats, prête serment et affirme que tout ce qu'elle a dit sous la torture est véritable "elle a bien porté la pomme au sabbat pour y faire mettre quelque chose dedans par le "démon" avant de la remettre à son complice pour la faire manger à Marguerite D... Elle avoue également, crime horrible si bien transcrit, avoir fait mourir quatre petits enfants à l'aide d'une poudre procurée par le "démon" puis porté les cadavres au sabbat pour les manger, hormis la tête et certaines portion du corps "parce que ces parties sont oinctes de cresme et à cause de ce on ne peut les consommer". Ses autres aveux ne sont que broutilles par rapport à ces actes monstrueux. Sa déposition terminée elle est raccompagnée dans sa géole.

Après une courte délibération le verdict est rendu "convaincus de cas et crime de sacrilège, sortilège poison et autres maléfices" les deux criminels seront mis entre les mains de l'exécuteur de la haute justice pour être conduits devant la grande porte de l'église Saint-Barthélémy, tête et pieds nus, la corde au cou, un flambeau de cire jaune allumé entre leurs mains. Arrivés là, ils demanderont pardon à Dieu, au Roi et à la justice puis partiront pour la place Galhard (aujourd'hui Luctérius) où "on les pendra et étranglera, jusques à ce que mort s'ensuive, à une potence dressée à ces fins. Ce fait, on jettera leur corps dans un bûcher pour les brûler et les cendres dispersées au vent". Bien entendu leurs biens seront confisqués.

En outre huit personnes des environs de Thermines et Therminettes dénoncées par les assassins pour avoir participé aux sabbats seront appréhendées et conduites sous bonne garde dans les prisons du château royal de Cahors afin de répondre de leurs actes.

Heureusement "l'esprit des vieux Noëls et de la gaieté rustique, fonds de nos vieilles mœurs" n'a pas succombé à ces sauvages horreurs même si l'impiété parait avoir un peu progressé.

Louis Ducombeau. - Sources Archives Départementales du Lot.


Page précédente

Haut de page

Page suivante


Sources : Archives Départementales du Lot
Publié avec l'aimable autorisation de
La Vie Quercynoise

Haut de la page


Quercy.net