1631.
La peste et le «parfumement »
sous Louis XIII
Les minutes notariales anciennes, source quasi intarissable de
renseignements, reflets officiels d'événements familiaux ou commerciaux, permettent
d'apporter des précisions sur des faits oubliés, tels ceux exposés ci-dessous. La
peste, cet épouvantable fléau, dont on a presque perdu le souvenir, une des plus grandes
calamnités des siècles passés, vient de frapper durement Thédirac et d'emporter
plusieurs membres de la communauté. |
Aussi, le 15 avril 1631, pour tenter de combattre cette pandémie, l'instinct de
conservation conduit, après le recours à la religion, Claude Teysèdre, Jean Bethale,
Pierre Barrier, Dannat Cuniac, Antoine Benejoulz, Louis Lafon « faisant pour tous les
autres habitants désirant, au plaisir de Dieu, se préserver, nettoyer et parfumer (1)
les lieux et maisons », à faire appel aux lumières du corps médical. En l'occurence,
Pierre Carbonel, maître chirurgien de Uzech-les-Oules.
A la suite d'interminables négociations, malgré la
gravité de la situation, un accord est conclu et le praticien s'engage à trouver deux
enfumeurs sachant « faire le travail », mais dans le bourg uniquement
Ils ne devront opérer dans aucun autre village, de la paroisse. Les deux seuls endroits
où ils seront tenus de « parfumer et nettoyer » se limiteront à l'église, aux maisons
et aux étables de l'agglomération.
Ils seront également obligés d'ensevelir les morts, en cas de décès dûs à la peste,
pendant la durée de leur tâche et quarantaine, jusqu'au moment où Thédirac pourra
être habité et fréquenté sans danger.
En sus de leurs émoluments, une nourriture « honnête » leur est promise pendant la
durée de leur besogne.
Cabonnel, lui, après avoir choisi les « experts », à savoir François Miniac et Durand
Terye, tous deux de Montgesty, fournira les drogues nécessaires au « parfumement »
(soufre, résine de bois, de genévrier, bardane, musc du levant, myrrhe, aloes....). Il
indiquera les locaux à décontaminer mais sans être « obligé d'y entrer ni de mettre
dans l'infection ». Il dira seulement ce qu'il faut faire.
L'ensemble de ces tâches sera effectué moyennant le paiement de 350 livres (2) dont 200
pour les « enfumeurs » (bel exemple de distorsion salariale), réglé en deux
échéances. La première d'un montant de 60 livres, le dimanche suivant la signature du
contrat et les 290 restantes, le jour de la fête de Saint-Roch, c'est-à-dire le 16
août.
Cette épidémie de peste, l'avant dernière semble-t-il à Thédirac, ne met pas un terme
aux maux collectifs engendrés notamment par les conditions défectueuses de l'habitat,
peu favorable à la préservation de la santé et aggravés par la misère. Conjonction
génératrice d'une accumulation de souffrance et de désespoir, heureusement disparue de
nos jours en Quercy.
(1) Parfumer ou enfumer : désinfecter en brûlant des produits d'une odeur forte pour
chasser le « mauvais air ».
(2) Unité monétaire : une livre égale 20 sols. Un manoeuvre à cette époque gagne 4
sols pour une journée de travail. |