Titre en ce temps là (4154 octects)
 

Un article de LOUIS DUCOMBEAU

1742.
A Lauzès : cambriolage au presbytère.
Le coupable évite la peine de mort mais part pour les galères !

François Lavastrou, 75 ans, curé de Lauzès, adresse à Jacques Maury, prévôt général de Guyenne, une supplique pour lui demander d'ordonner l'arrestation d'un individu accusé d'avoir dérobé dans la maison presbytérale, une importante somme d'argent. Arrêté, puis condamné à mort, le coupable verra finalement sa peine commuée en service à perpétuité en qualité de forçat sur les galères du roi.

cath_1.jpg (9344 octets)Le Jeudi Saint 22 mars 1742, avant d'aller dire l'office du soir, le prêtre, comme d'habitude, ferme toutes les ouvertures de son logis. A son retour, vers 17h, entré dans la cuisine, il voit fracturée la porte vitrée de cette pièce qui donne "sur un petit jardin obstrué par une claie de quelques bois secs".

Il court à la chambre haute dans laquelle se trouve une "alimande" où il garde son argent. La serrure de cette grande armoire à deux battants est enfoncée, le meuble délesté de plus de 230 écus de "vieilles espèces", contenus dans quatre poches ou sacs de toile, destinés à doter une nièce.

L'ancien valet du curé montré du doigt

Quelques jours après, les soupçons de l'abbé Lavastrou, tout comme ceux des honnêtes gens de son quartier, se portent sur Antoine M..., 30 ans, absent aux cérémonies religieuses le jour du vol, qui vient de changer, dans la semaine de Pâques, plusieurs pièces anciennes. Transaction anormale pour ce petit trafiquant dépourvu de ressources, ancien valet de l'ecclésiastique et prêt à s'enfuir s'il se sent suspecté.

Le 30 mars le lieutenant de la maréchaussée Delper, à la requête du procureur du roi, donne l'ordre au brigadier Paraire accompagné du cavalier Fournier d'interpeller ce possible coupable.

A Lauzès, les deux hommes trouvent Antoine M.... chez Pierre Sahuc, aubergiste, procèdent à son arrestation, à sa fouille, en présence de Bernard Lemouzy, consul et Alain Malique, praticien, puis accompagnés de ces deux notables vont poursuivre leurs recherches au domicile du prévenu. Là, dans un galetas, sur un treillis placé sur des chevrons, ils trouvent un sac et une poche en toile renfermant 176 écus de "vieilles monnaies".

La perquisition terminée, les gendarmes et leur prisonnier, sur le chemin du retour, s'arrêtent à l'auberge où les frères Vaquier, informés par la rumeur publique de cette arrestation, se présentent à eux. Ils disent avoir vendu au suspect, le 28 mars à la foire, un mulet. Achat d'un montant de 53 livres réglé avec 8 écus vieux. Afin d'éviter toutes contestations, ils proposent de reprendre le mulet et de rendre l'argent. Offre acceptée et mentionnée dans un procès verbal. Le 1er avril, Antoine M... est remis au concierge des prisons du château royal de Cahors, Pierre Hieullet "pour qu'il le tienne en bonne et sûre garde à peine d'en répondre en son propre et privé".

L'accusé prétend avoir trouvé l'argent par hasard...

Dès lors, interrogatoires, auditions de témoins, confrontations commencent et se poursuivent pendant plusieurs jours. Bientôt, malgré ses dénégations et contrevérités, la culpabilité du détenu n'est plus mise en doute. Personne ne peut le croire lorsqu'il affirme "avoir trouvé les vieilles espèces le samedi saint dernier, au soleil couché, dans le bois de Vialole, sous un buisson entre deux pierres, en allant chercher avec son âne une charge de bûches". Argent non pas tombé du ciel mais déposé par il ne sait qui.

En outre, sacs et écus "de la marque aux 2 L, aux 3 couronnes, aux armes de France et de Navarre" sont reconnus par le prêtre pour être les siens. De plus, Imberties "changeur pour le roi à Cahors" jure avoir donné à Antoine M... le 30 mars vers 3h de l'après-midi, 188 livres contre d'anciennes monnaies, provenant selon les dires de l'inculpé de la succession d'une de ses tantes. Enfin, d'autres commerçants contactés par ce même individu, pour ce même objet ou pour des achats de denrées diverses (jambon, lard, pièce de veau), réglés en "écus vieux", achèvent de former l'opinion des magistrats à l'égard de Antoine M..., impliqué de surcroît dans des vols de millet et d'argent.

En conséquence, le procureur du roi requiert que le prévenu "soit condamné à être pendu et étranglé, jusqu'à ce que mort s'ensuive, à une potence dressée à cet effet place de la Conque et ensuite porté aux fourches patibulaires".

Il évite la peine de mort mais part pour les galères...

Le 20 avril 1742, le prévôt général et les officiers du présidial de Cahors déclarent Antoine M... coupable de vol fait avec effraction extérieure et le condamnent à servir à perpétuité en qualité de forçat sur les galères du roi. "Au préalable, il devra faire amende honorable devant la porte de la cathédrale où agenouillé, une corde au cou et une torche allumée à la main droite, il demandera pardon à Dieu, au roi, à la justice de tous ses crimes. Conduit ensuite dans les places et carrefours de la ville, il sera fustigé par l'exécuteur de la haute justice avant d'être marqué au fer chaud sur l'épaule droite, des trois lettres GAL. " Bien entendu, le coût de la procédure est à sa charge et ses biens confisqués à l'exception d'un tiers réservé à sa femme et ses enfants.

Justice sévère et expéditive, sans commune mesure avec celle de la fin du vingtième siècle. A l'époque, le maintien de l'ordre et la défense des biens exigent des punitions exemplaires.


Louis Ducombeau - Sources: A.D. 46.


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Sources : Archives Départementales du Lot
Publié avec l'aimable autorisation de
La Vie Quercynoise

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