Titre en ce temps là (4154 octects)
 

Un article de LOUIS DUCOMBEAU

1742.
A Salviac les habitants croient arrêter de redoutables malfaiteurs, mais...

La rareté des médias et l'analphabétisme n'empêche pas la diffusion d'information vraies ou fausses. Les rassemblements de personnes à l'occasion des foires, marchés, fêtes, cérémonies, veillées favorisent la transmission des nouvelles propagées également par les marchands ambulants, les maquignons, et les voyageurs.

cath_1bis.jpg (9663 octets)Depuis, quelques temps, à Salviac et dans les villages à l'entour, les méfaits perpétrés par une bande de brigands alimentent les conversations et créent une certaine inquiétude parmi la population ainsi mise en garde "contre leurs entreprises dans les foires et sur les grands chemins".

Coup de filet

A Lavercantière et Cazals où ces malfamés viennent de passer, la rumeur publique les accuse, sans trop de preuves, d'avoir échangé de la fausse monnaie, volé dans les poches, dupé des naïfs au jeu de barloque et détroussé des passants sur les routes...

Aussi lorsque le 7 janvier 1742, vers 3 heures de l'après-midi, neuf quidams se présentent dans une auberge à Salviac pour demander à être hébergés, le propriétaire sur ses gardes, croît reconnaître parmi eux quatre ou cinq filous et refuse de les loger. Ils se dirigent alors vers le "Logis de l'image de Saint-Pierre" où pour le même motif on ne veut pas les recevoir et finalement se rendent au "Logis du Lion d'or", sur la place, où bien que peut rassuré l'aubergiste les accueille.

Le juge Gransauld, informé de la présence de ces visiteurs indésirables, décide de les arrêter, à l'entrée de la nuit avec le concours d'habitants choisis pour leur énergie et force. Opération menée à bien avec l'aide d'un grenadier, compagnon de route des malandrins dont "l'offre de prêter main forte après avoir tiré son sabre et proclamé son innocence fait merveille". Seule anicroche, la tentative de fuite par une fenêtre du premier étage de trois des individus dont l'un se trouve au sol avec une jambe fracturée en plusieurs endroits.

Le calme revenu, la bande est conduite "dans la cave du château de Salviac, la prison du lieu ne se trouvant pas assez forte pour contenir tant et de si fier monde", avant d'être transférée, le lendemain matin, sous escorte salviacoise, à Gourdon à l'exception du blessé "bien soigné et retenu prisonnier dans les geôles du bourg".

Coupables, selon la rumeur...

Satisfait de la tournure des événements, le soir même, le magistrat local informe de ces arrestations le prévôt général Maury, sans insister sur les protestations des inculpés dont les déplacements, disent-ils, n'ont pas des motivations criminelles mais commerciales.

Dans ce rapport, il n'oublie pas de demander "de ne pas laisser ignorer à Monsieur l'intendant ce cas trop intéressant".

Le 8 janvier Louis Paraire, brigadier de la maréchaussée en résidence à Cahors, reçoit de Jacques Maury l'ordre "de se transporter, accompagné de deux brigades, à Gourdon distant de 6 lieues faisant neuf heures de route à l'effet d'y prendre 7 personne accusées de vol dans les foires et sur les grands chemins, pour les conduire au château royal". Le 9 janvier, après avoir procédé à l'inventaire des bines des prévenus, le convoi se met en route, couche à Pont-de-Rodes et arrive le 10 à Cahors où "les inculpés sont remis à Pierre Hyeullet concierge des prisons pour qu'il les tienne en bonne et sûre garde ".

Dès le 12 janvier, les interrogatoires dirigés par le prévôt général commencent. Les prisonniers, jugés prévotalement en dernier ressort, clament leur innocence. Le plus grand nombre d'entre eux est du même village, et affirme se rendre dans les foires uniquement pour acheter des vaches et des moutons indispensables à leur négoce. Les autres en déplacement pour des motifs divers (recherche de travail, d'amis...) se sont joints au premier groupe afin "de faire route commune pour augmenter leur sécurité et si certains se sont jetés par les fenêtres ce n'est point pour s'évader mais poussés par la foule des habitants de Salviac. Aucune raison ne pouvait les conduire à s'échapper puisque non coupables...

Libérés, faute de preuves

Les témoingnages recueillis ne confirment pas la rumeur publique d'autant que les consuls et prêtres des communautés, où résident les accusés, envoient des attestations dans lesquelles "ils les reconnaissent pour des gens de bonne vie et moeurs jamais suspects de nulle malversation ou tombés dans un cas de friponnerie".

De plus le 16 février, le prévôt général reçoit la requête d'un homme de loi relative "aux 7 personnes mal à propos arrêtées comme suspectées de voleries dans les foires et sur les grands chemins et détenus, avec des menottes, sans être coupables de la plus légère malversation dans les prisons les plus obscures et les plus malsaines".

Ce défenseur estime injuste de "les maintenir dans cet état qui ruine leur santé et leur famille déjà réduite à la mendicité". Pour lui rien ne s'oppose, en raison de l'absence d'éléments accablants, à l'élargissement des prévenus, à la décharge de toute accusation, à la restriction des sommes saisies lors de leur inculpation et à la demande d'indemnités "contre qui il appartiendra".

Le 18 février, peut-être sensible à cette démarche, le prévôt général de l'avis des officiers du présidial, ordonne que 5 détenus emprisonnés seront élargis purement et simplement des lieux où ils sont incarcérés et que deux autres, libérés cependant "devront demeurer à la disposition des juges toutes et quantes fois ils seront remis aux intéressés".

Décision surprenante sans doute aux yeux des valeureux salviacois, peut-être trop sensibles aux contes fantastiques mais satisfaits dans ce cas, pour cette justice prévôtale si décriée, accusée de camoufler le pire arbitraire "mais qui ne mérite ni condamnation absolue ni nostalgie".


Louis Ducombeau - Sources: A.D. 46.


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Sources : Archives Départementales du Lot
Publié avec l'aimable autorisation de
La Vie Quercynoise

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