Une église qui menace ruine, des avis partagés sur la suite à
donner pour sa restauration. A deux reprises, les habitants de Concorès n'ont pas trouvé
le consensus.
Le 6 janvier 1770 les paroissiens de Concorès sont convoqués à
l'assemblée de la communauté, non pas à la sortie de la messe dominicale (puisque
l'église est interdite (1) en raison de son délabrement et que les offices ont lieu à
Linas) mais au son des cloches.Près de 150
personnes (Guillaume Blaty, Jean Baldy, jean Deneu, Jean Dumas, Jean Fabre, François
Francoual, André jouve, Pierre Rouqie, Jean Terrie, Martial Pons, Jean Grangie, André
Escudie, Jean Auricoste...) "formant la plus saine et majeure partie de la
population" écoutent attentivement les faits rappelés par Jean Malbeb second consul
en l'absence du premier consul Pradier. Peu de temps auparavant à la fin d'une
délibération "l'église paroissiale du présent lieu allant en ruine en
quelques-unes de ses parties" la décision de la remettre en état fut approuvée. Un
devis proposé et adjugé d'autorité de l'intendant. Un arrêt rendu au conseil. Une
imposition exceptionnelle, d'un montant de 1750 livres, pour régler le coût des
réparations, votée.
Il a
suffit d'un...
Grain de sable, Jean Falret aîné, fils de famille se met
en tête de rendre inutiles toutes les mesures préconisées par les habitants du village,
en imaginant de changer l'emplacement du sanctuaire. "Il se promet d'y parvenir à
l'aide de quelques cabales (2) et de hauts tenants qui sont dans l'usage de suffoquer la
voix du public sage et désintéressé".
En conséquence, il se rend à Gourdon, réussit à faire
croire au subdélégué "que la communauté veut changer le lieu d'implantation de
l'église et du cimetière où l'inondation déterre les cadavres et les fait flotter sur
l'eau. Suivent plusieurs autres impostures dans ce goût". Il convoque lui-même à
Concorès une assemblée illégale, rédige une motion dont il fait la lecture et dans
laquelle "il allègue tenir du subdélégué Hebray que l'exécution de son projet ne
peut dépasser 2000 livres. Obtient la signature de particuliers présents, mendie de
porte en porte celle de quelques autres mais n'atteint pas la majorité". Nullement
découragé, il envoie cette délibération à l'intendant "dont il surprend la
religion. Un maître maçon de Domme procède à certaines visites, sans participation de
la communauté à la procédure de cet expert, mais suivi pas à pas par Jean
Falret".
Mais les
autres ne se laissent pas faire...
Comme le prix de l'édification de cette nouvelle église
dépasse de 6000 à 8000 livres la somme prévue par les réparations de l'ancienne et
nécessite en plus de nombreux jours de corvées pour la construire à l'endroit choisi
"mal placé, isolé, exposé à l'incursion des voleurs, incommode pour
l'administration des sacrements en raison de son éloignement du presbytère, incommode
aussi aux paroissiens en temps d'orage et de tempête" la communauté, ce 6 janvier
1770, maitient à l'unanimité sa première décision. Elle déclare la délibération de
Jean Falret nulle, sans effet et ruineuse pour la population "sans tenir compte des
pertes entraînées par l'abandon des travaux de la terre et de la fatigue des bufs
pendant le nombre prodigieux de corvées".
Elle supplie l'intendant de défendre à Jean Falret, ou à
tout autre, de donner suite à son projet retenu sans aucune qualité, après un faux
exposé et de s'immiscer dans les assemblées de la paroisse sans en avoir le droit. Elle
supplie encore le même personnage de "vouloir ordonner, pour le bien et le
soulagement du curé et des habitants, la réparation de l'ancienne église conformément
au devis adjugé et à l'imposition de 1750 livres".
Cette enquête, vraisemblablement acceptée, ne clôt pas
définitivement la question. Plus de 100 ans après, c'est-à-dire vers 1878, le problème
se repose. La construction, devenue indispensable, de l'église actuelle sur un
emplacement contesté déchaîne les passions et conduit un nombre indéterminé de
personnes, pour marquer leur désapprobation, à se convertir au protestantisme et bâtir
un temple dans le bourg presque en face de l'ancien sanctuaire.
L'histoire, dit-on, ne repasse jamais deux fois les mêmes
plats... Pourtant là...
Louis Ducombeau - Sources: A.D. 46.
(1) Interdit: sentence ecclésiastique par laquelle on
interdit l'administration des sacrements, la célébration de l'office divin à cause de
dégradations de l'église ou de quelque désobéissance notable et scandaleuse.
(2) Cabales: menées secrètes de gens qui s'entendent pour un même dessein.
Réunion, après la
messe
La communauté, personne morale,
constituée par les habitants de la paroisse pour défendre leurs droits et répondre à
leurs obligations se réunit, sauf circonstances exceptionnelles, le dimanche à l'issue
de la grand-messe et se tient sur la place publique. En principe tous les chefs de famille
doivent y assister et après l'exposé du motif de la réunion (désignation des consuls,
publication du rôle des impositions, réparations à l'église, utilisation des
communaux...) donner leur avis consigné par écrit. Pour être valable toute décision
doit recevoir l'approbation de l'intendant ou de son délégué. Au fil du temps, les
consuls perdent beaucoup de leurs prérogatives et leur rôle consiste surtout à être
collecteurs d'impôts et agents d'exécution du "fonctionnaire" à la tête de
l'administration de la province. |