Titre en ce temps là (4154 octects)
 

Un article de LOUIS DUCOMBEAU

En 1770 à Concorès.
Pas de consensus pour bâtir une nouvelle église.

Une église qui menace ruine, des avis partagés sur la suite à donner pour sa restauration. A deux reprises, les habitants de Concorès n'ont pas trouvé le consensus.


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Le 6 janvier 1770 les paroissiens de Concorès sont convoqués à l'assemblée de la communauté, non pas à la sortie de la messe dominicale (puisque l'église est interdite (1) en raison de son délabrement et que les offices ont lieu à Linas) mais au son des cloches.

Près de 150 personnes (Guillaume Blaty, Jean Baldy, jean Deneu, Jean Dumas, Jean Fabre, François Francoual, André jouve, Pierre Rouqie, Jean Terrie, Martial Pons, Jean Grangie, André Escudie, Jean Auricoste...) "formant la plus saine et majeure partie de la population" écoutent attentivement les faits rappelés par Jean Malbeb second consul en l'absence du premier consul Pradier. Peu de temps auparavant à la fin d'une délibération "l'église paroissiale du présent lieu allant en ruine en quelques-unes de ses parties" la décision de la remettre en état fut approuvée. Un devis proposé et adjugé d'autorité de l'intendant. Un arrêt rendu au conseil. Une imposition exceptionnelle, d'un montant de 1750 livres, pour régler le coût des réparations, votée.

Il a suffit d'un...

Grain de sable, Jean Falret aîné, fils de famille se met en tête de rendre inutiles toutes les mesures préconisées par les habitants du village, en imaginant de changer l'emplacement du sanctuaire. "Il se promet d'y parvenir à l'aide de quelques cabales (2) et de hauts tenants qui sont dans l'usage de suffoquer la voix du public sage et désintéressé".

En conséquence, il se rend à Gourdon, réussit à faire croire au subdélégué "que la communauté veut changer le lieu d'implantation de l'église et du cimetière où l'inondation déterre les cadavres et les fait flotter sur l'eau. Suivent plusieurs autres impostures dans ce goût". Il convoque lui-même à Concorès une assemblée illégale, rédige une motion dont il fait la lecture et dans laquelle "il allègue tenir du subdélégué Hebray que l'exécution de son projet ne peut dépasser 2000 livres. Obtient la signature de particuliers présents, mendie de porte en porte celle de quelques autres mais n'atteint pas la majorité". Nullement découragé, il envoie cette délibération à l'intendant "dont il surprend la religion. Un maître maçon de Domme procède à certaines visites, sans participation de la communauté à la procédure de cet expert, mais suivi pas à pas par Jean Falret".

Mais les autres ne se laissent pas faire...

Comme le prix de l'édification de cette nouvelle église dépasse de 6000 à 8000 livres la somme prévue par les réparations de l'ancienne et nécessite en plus de nombreux jours de corvées pour la construire à l'endroit choisi "mal placé, isolé, exposé à l'incursion des voleurs, incommode pour l'administration des sacrements en raison de son éloignement du presbytère, incommode aussi aux paroissiens en temps d'orage et de tempête" la communauté, ce 6 janvier 1770, maitient à l'unanimité sa première décision. Elle déclare la délibération de Jean Falret nulle, sans effet et ruineuse pour la population "sans tenir compte des pertes entraînées par l'abandon des travaux de la terre et de la fatigue des bœufs pendant le nombre prodigieux de corvées".

Elle supplie l'intendant de défendre à Jean Falret, ou à tout autre, de donner suite à son projet retenu sans aucune qualité, après un faux exposé et de s'immiscer dans les assemblées de la paroisse sans en avoir le droit. Elle supplie encore le même personnage de "vouloir ordonner, pour le bien et le soulagement du curé et des habitants, la réparation de l'ancienne église conformément au devis adjugé et à l'imposition de 1750 livres".

Cette enquête, vraisemblablement acceptée, ne clôt pas définitivement la question. Plus de 100 ans après, c'est-à-dire vers 1878, le problème se repose. La construction, devenue indispensable, de l'église actuelle sur un emplacement contesté déchaîne les passions et conduit un nombre indéterminé de personnes, pour marquer leur désapprobation, à se convertir au protestantisme et bâtir un temple dans le bourg presque en face de l'ancien sanctuaire.

L'histoire, dit-on, ne repasse jamais deux fois les mêmes plats... Pourtant là...

Louis Ducombeau - Sources: A.D. 46.

(1) Interdit: sentence ecclésiastique par laquelle on interdit l'administration des sacrements, la célébration de l'office divin à cause de dégradations de l'église ou de quelque désobéissance notable et scandaleuse.
(2) Cabales: menées secrètes de gens qui s'entendent pour un même dessein.

 

Réunion, après la messe

La communauté, personne morale, constituée par les habitants de la paroisse pour défendre leurs droits et répondre à leurs obligations se réunit, sauf circonstances exceptionnelles, le dimanche à l'issue de la grand-messe et se tient sur la place publique. En principe tous les chefs de famille doivent y assister et après l'exposé du motif de la réunion (désignation des consuls, publication du rôle des impositions, réparations à l'église, utilisation des communaux...) donner leur avis consigné par écrit. Pour être valable toute décision doit recevoir l'approbation de l'intendant ou de son délégué. Au fil du temps, les consuls perdent beaucoup de leurs prérogatives et leur rôle consiste surtout à être collecteurs d'impôts et agents d'exécution du "fonctionnaire" à la tête de l'administration de la province.


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Sources : Archives Départementales du Lot
Publié avec l'aimable autorisation de
La Vie Quercynoise

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