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Un article de LOUIS DUCOMBEAU

En 1775 à Rocamadour.
Un drôle de guérisseur d'écrouelles...

Les incontournables archives notariales de l'ancien régime recèlent d'inattendues minutes qui quelquefois, humanisent les statistiques officielles ou montrent la disparition de pratiques singulières...

cath_4bis.jpg (10211 octets)Si les rois de France passent pour tenir du ciel le don de guérir, par l'attouchement les écrouelles et les médecins obtenir le même résultat par des traitements plus ou moins efficaces, ils ne semblent pas être les seuls à s'intéresser à cette maladie. Certaines personnes, dotées sans doute de quelque popularité, s'ajoutent à eux pour tenter de combattre cette affection caractérisée par la "tuméfaction des glandes du cou et une détérioration générale de la constitution".

Ainsi le 16 mars 1775, devant Jacques Pons notaire royal à Rocamadour, Pierre Carlus tisserand au village de Montvallent s'engage à guérir "du mal appelé écrouelles, d'ici à la saint Jean Baptiste prochaine (24 juin), Pierre Gautié travailleur du hameau de Graule -Basse, paroisse de Carlucet". Guérison assurée grâce à un onguent déjà préparé, vendu 23 livres. (1)

Onze livres sont remises sur le champ "en bonnes espèces de cours, vérifiées et retirées par Carlus à son contentement. Les douze livres restantes seront versées le 24 juin sous réserve d'une guérison parfaite à cette date". Si tel n'est pas le cas, non seulement le reliquat de la somme prévue ne sera pas réglé mais le versement de onze livres devra être remboursé.

Contrat surprenant, équivalent au "satisfait ou remboursé" en usage de nos jours dans certains grands magasins et propre à faire rêver les technocrates chargés de trouver les moyens pour combler le trop redoutable déficit de la sécurité sociale. Le corps médical payé uniquement en fonction de ses bons résultats... de quoi le faire descendre dans les rues et provoquer de nombreux désordres...

Un remède bizarre...

Cet acte notarié, en raison notamment du relatif éloignement géographique des parties contractantes et de l'onguent disponible immédiatement, peut laisser supposer que Pierre Carlus est non seulement tisserand mais aussi guérisseur. Son déplacement à Rocamadour n'est vraisemblablement pas motivé par la foi mais plutôt par la recherche d'acheteurs parmi les pèlerins attirés en ce lieu célèbre par l'espoir d'une guérison miraculeuse après avoir essayé, sans succès, de vieux remèdes usités en Quercy pour faire disparaître les écrouelles. Remède bizarre tel celui obtenu "après avoir attrapé un gros crapaud (des bois, jardins, buissons et non des fossés), suspendu ensuite par une patte arrière pour lui faire cracher sa bave, puis passé au four après la cuisson du pain et enfin réduit en poudre. Poudre donnée pendant un mois le matin au malade, à jeun, dans un demi verre de vin blanc". L'inefficacité de cette médication semble aller de soi de nos jours mais à l'époque...

L'absence ou la disparition de documents (quittance, réquisition, sentence...) concernant le respect ou non de ce contrat ne permet pas de connaître la conclusion de ce marché, mais sans trop de risque d'erreur on peut estimer Pierre Carlus plus proche d'un arnaqueur que d'un thaumaturge.

Louis Ducombeau - Sources : A.D. 46.

(1) Le salaire journalier d'un ouvrier peut varier entre 8 et 12 sols. Une livre est composée de 20 sols.

 

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Sources : Archives Départementales du Lot
Publié avec l'aimable autorisation de
La Vie Quercynoise

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