Titre en ce temps là (4154 octects)
 

Un article de LOUIS DUCOMBEAU

1799.
A Cahors, on ne badine pas
avec le port de la cocarde tricolore

Le 7 fructidor an VII (24 août 1799) Antoine Bonnemort, juge de paix et officier de police judiciaire de la première section de la commune de Cahors, recueille les témoignages relatifs à un incident survenu dans la matinée devant le corps de garde de la maison commune du chef lieu de département. L'individu appréhendé aurait commis un geste outrageant...

D'après les déclarations de Alexis Faures, 37 ans, maréchal des logis de la gendarmerie, de Jean Villiers, 30 ans, de Pierre Carriol, 58 ans, de Jean Donnet, 57 ans de faction ce jour là, un individu "interpellé pour ne point porter de cocarde et inviter à en arborer une" refuse d'obtempérer, s'échappe, s'arrête quelques mètres plus loin pour faire un geste outrageant accompagné de propos injurieux puis "double le pas" pour s'enfuir de nouveau. Poursuivi, rattrapé, il est conduit dans les locaux de la conciergerie où il avoue à un témoin "avoir fait une sottise".

Y a-t-il eu injure envers la force publique ?

Le 10 fructidor (27 août) ce citoyen, peu respectueux de certaine contrainte républicaine, comparaît dans le prétoire du tribunal correctionnel pour être interrogé par Raymond Tabournel, président du jury d'accusation. Après lui avoir demandé de décliner son identité à savoir : "Augustin Relhie, 45 ans, propriétaire habitant Cels commune de Saint-Vincent", le déroulement des faits répréhensibles lui est rappelé.

Le 7 fructidor dernier, l'accusé vers 9h30 du matin, passe sans cocarde devant un des corps de garde de Cahors. Un soldat du piquet l'invite alors à en porter une. Au lieu d'acquiescer il grommelle et prend la fuite. Arrivé à une vingtaine de pas de la sentinelle, il relève sa veste, tourne la tête vers le factionnaire, frappe avec la main son derrière et dit "la cocarde la voilà, va te faire foutre".

Nullement intimidé et repentant Augustin Relhie conteste avec véhémence cette version de l'incident et en donne une autre pour le moins différente.

Sommé de s'arrêter, sans en connaître le motif, non devant le corps de garde mais à proximité, il est d'abord interloqué puis réflexion faite "après avoir effectué la revue de son habillement, particulièrement de son chapeau auquel il manque une cocarde, il comprend que son interpellation provient peut-être de ce fait".

Pour s'épargner les frais occasionnés par l'achat d'une autre, dont il possède plusieurs exemplaires chez lui, il préfère ne pas répondre à l'ordre de la sentinelle et poursuivre rapidement son chemin.

Le juge ne croit guère aux salades

Contrairement aux allégations des témoins, il n'a jamais posé la main sur ses fesses en disant "la cocarde est là" et affirme n'avoir proféré aucune parole. On se méprend sur son geste et cette confusion s'explique facilement. Comme il se déplace vite, les salades contenues dans ses poches battent ses flancs. Pour arrêter ces petits chocs, il ne trouve d'autre moyen que de retrousser en arrière ses deux poches. C'est certainement cette attitude qui lui doit de paraître avoir mis "non pas une main mais deux sur ses fesses".

Bien entendu il est soumis, dévoué aux lois passées, présentes, futures de la république et n'éprouve aucune haine contre la Révolution et les peines infligées à ceux qui ne portent pas de cocarde nationale.

Peu sensible à ces explications plus ou moins convaincantes, le 13 fructidor (30 août) le juge condamne Augustin Relhie à une peine d'emprisonnement. Conduit aussitôt dans les locaux pénitenciers il est remis entre les mains du gardien Jacques Pecal à qui l'on fait "défense de ne point l'élargir qu'après le délai échu porté par le jugement".

Cette phrase peut laisser supposer la possibilité à certaines époques d'une libération anticipée dans des conditions pas très légales mais rémunératrices pour certains sans doute.


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Sources : Archives Départementales du Lot
Publié avec l'aimable autorisation de
La Vie Quercynoise

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