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La forme et les matériaux, que la nature lui offre vont connaître en ce lieu les mutations du senti, du geste et du faire.

Philippe CYROULNIK

20_buisson_1988.jpg (2909 octets)L'atelier est immergé dans l'espace plombé de l'été aride. Sous la lumière brûlante, le minéral et le végétal s'entremêlent. Les contrastes de densité et de vide ourlent, au gré des lumières du jour, cette nature immuable et pourtant changeante, où le regard se perd et s'aveugle.
De cette nature, les sculptures d'André Nouyrit en prélèvent du matériau, en restituent la tension et l'éclat ; mais dans un acte de séparation. Elles sont des points de concentration et d'accroche pour le regard.
L'atelier est une lisière fragile et ténue ; c'est un lieu de passage où se nouent dans la solitude du paysage, des portions d'humanité et de nature. La forme et les matériaux, que la nature lui offre vont connaître en ce lieu les mutations du senti, du geste et du faire.
Ils vont subir les altérations de la greffe et de l'hybridation. L'indifférente surface du végétai et du minéral va connaître l'entaille du sens, de l'acte qui affirme la forme de l'oeuvre. lis vont se soumettre à la métamorphose des matériaux et des couleurs de l'homo faber.
C'est d'abord dans la contiguïté avec le paysage à la limite de la dissolution qu'André Nouyrit trouve ses marques. "Se perdre, ne plus rien savoir" dit-il... il campe à l'intersection de la mémoire des choses et de la sienne pour en extraire, en abstraire ses sculptures, conjuguant dans son travail le ressenti et le pressenti.
Elles sont donc le fruit d'un détachement du monde, d'un arrachement même. C'est en lui qu'elles trouvent leur autonomie, c'est dans cette séparation qu'elles fondent leur abstraction. André Nouyrit revendique le risque de leur invention et le définit comme le champ de son aventure et de son rapport au monde.
C'est pourquoi, l'inclusion de matériaux industriels aux éléments naturels et les couleurs clinquantes de la modernité sont consubstantiels à sa sculpture. Leur éclat acidulé, l'artifice de leur brillance affirme l'invention contre la duplication du monde. Ces matériaux, ferrailles, béton, font effraction dans le matériau naturel. Ces greffes les entament, les dépècent de leur naturalité. lis proclament le bonheur fragile mais exaltant de la forme et de la couleur.
André Nouyrit décèle dans la nature, non pas la forme de celle-ci, mais les formes de son oeuvre. Il y rêve des couleurs, qu'il risque aux couleurs du monde. Ses sculptures entremêlent archaïsme et modernité, elles jouent à la fois de la couleur et du dessin de la forme.
Elles font appel autant à l'assemblage qu'à la taille directe. Elles conjuguent le sens du rythme et celui de la rupture. L'arrachement qu'elles supposent implique une concentration et une condensation qui leur confèrent un caractère totémique. Sa conscience du caractère désespéré du geste qui les constitue en détermine leur pathétique et insolente fragilité. Fragilité acceptée dans leur confrontation à la nature,. Mais c'est dans cette fragilité même qu'il trouve sa force.
Contre sa lumière écrasante, le criard pied-de-nez de la couleur, contre l'indifférence de "sa chair", la découpe fragile de la sculpture. André Nouyrit ne reproduit pas la nature, tout son effort porte à s'en nourrir pour s'en abstraire.' C'est dans cette précaire émergence de la forme qu'il trouve la justesse de son oeuvre.

Mai 1997

 

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