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Musée André Abbal, juin 1994.
Catalogue des Expositions Eugène Pujol du 14 septembre au 30 octobre 1994, simultanément au Musée Henri-Martin de Cahors, au Musée André-Abbal de Carbonne
et du 28 novembre au 30 décembre 1994 au Palais des Arts de Toulouse

 

«Les lieux sont des personnes, mais des personnes qui ne changent pas et que nous retrouvons souvent après bien longtemps, en nous étonnant de ne plus nous y retrouver les mêmes, ou surtout en nous étonnant de nous y retrouver les mêmes».

Marcel Proust, Jean Santeuil.

Le salon, ou la cuisine, un après-midi d'été, de quatre à six heures, lumière calme et douce, ton nacré, touches rosées ça et là dans la pièce ; ciel sans ride. Dans les tableaux d'Eugène Pujol nous n'avons pas envie de quitter les lieux, souvenirs magnifiés d'une enfance visitée par notre propre enfance et, qu'ailleurs, chez d'autres peintres, on retrouve défigurés par toutes sortes d'ajouts. Il est difficile de traduire en mots les impressions ressenties en observant la luminosité que la pâte de la gouache ou de l'huile induit et suggère.
Puis il y a les lieux, les paysages : Cahors, Toulouse, Carbonne, Alger et d'autres bords méditerranéens. Là, la touche se fait aussi souple, aimable et cherche à fixer encore le temps et la clarté.

Les mystères de la clarté
Regarder un tableau d'Eugène PUJOL c'est, peut-être, être invité à pénétrer dans une initiation aux mystères de la pénombre et en oxymoron, à ceux de la clarté.
Cela est patent dans les portraits et les scènes familiales où le peintre travaille visages, corps, lieux comme autant de défis proposés par le sujet.
On pourrait penser qu'il n' y a qu' une simple technique appliquée à l'éclairage des mains, bras, bouches, mais cela serait trop simple, trop réducteur, cela deviendrait un procédé. Non, l'éclairage des formes ne sert pas seulement le sujet éclairé, il illumine les fonds dont la forme se divise en un pourpre crépuscule.
Il serait à croire que la palette d' Eugène Pujol joue l'économie des couleurs. Non, elle essaie de cerner, au plus profond, l'extériorité de la lumière ; les rouges s'atténuent, les blancs (y-a-t-il des blancs ?) n'existent que par leur bleuté permanent.
Ne vous y trompez pas : cet homme possède un métier et, au-delà, une incroyable envie de sonder, montrer l'impalpable. Dans La cour de l'ancien palais des papes, où se situe la scène importante ? Le clocher roman doré de soleil, apaisant malgré sa fenêtre vitraillée qui avale la lumière, ou bien la scène de famille, ombreuse, sereine et exacte ?
Ainsi la clarté chez Eugène Pujol ne s'organise pas en doctrine, en idéologie: elle fait des apparitions, s'amuït soudain, revient, se contredit, change de figure.

Tantôt je pense, tantôt je suis. Paul Valéry
Il y a deux peintres : celui qui pratique la gouache en exercice préparatoire et l'autre qui travaille l'huile en version définitive. Dans la gouache, le trait est nerveux, la pâte lourde, inventive, travaillée par une touche large. Le peintre laisse des espaces non-peints qui contribuent à organiser ce jeu lumière/sujet.
Dans l'huile, tout est prêt à être montré au spectateur, afin qu'il n'y ait aucune ambivalence possible. Ce travail définitif est émouvant car on y voit tout l'amour du métier que l'artiste pose sur le support. Il y a dans les paysages d'Eugène Pujol un reflet de l'esprit du classicisme. Ses vues du Sud -Ouest, campagnes carbonnaise ou lotoise, quais de la Garonne à Toulouse, ne visent pas à relater l'histoire d'un paysage ; il en émane plutôt un air de mystère et d'immobilité, comme si l'on attendait un événement indéterminé mais proche, ainsi cette Vue de Carbonne où l'image fixe du village se détache sur les limites extrêmes de la campagne, limites au-delà desquelles s'étend un espace ouvert qui reste à définir et à ordonner. Seulement notre oeil d'homme de la fin du XXème siècle a tendance à privilégier le travail de l'instant, de la forme fugitive, du moment de la vie. Pourquoi nous déprenons-nous du fini comme si cette perfection nous génait. Il nous plait à observer les repentirs, les essais, les ratées. Cet homme est comme nous, il est humain. Le créateur est à notre dimension. Puisqu'ainsi tout est possible, rien n'est probable, et l'on voit la victoire du contingent sur le nécessaire.

Le seul problème qu'Eugène Pujol essaie de résoudre est de trouver le compromis exact entre géométrie et représentation (Bernard Berenson). On dirait qu'il y a un visage qu'Eugène Pujol aime. On peut éprouver de la tendresse pour toutes sortes de visages, si l'on vit assez vieux et si l'on a un coeur sensible. Mais il n'y a qu'un seul visage que l'on aime. C'est toujours le même, on le reconnait entre mille.
Eugène Pujol le peint : c'est celui fait d'une bouche ferme, pastellisée, toujours entre lumière et ombre, aux lèvres légèrement humides et entrouvertes dans les portraits des enfants de la famille ; c'est celui fait d'une carnation des joues, impalpable signe d'une vie palpitante. La technique picturale accentue la saveur élégiaque, presque nostalgique, avec laquelle sont décrites les images d'une famille tranquille et provinciale.

Or, l'effort d'Elstir de ne pas exposer les choses telles qu'il savait qu'elles étaient, mais selon ces illusions optiques dont notre vision première est faite, l'avait précisément amené à mettre en lumière certaines de ces lois de perspective, plus frappantes alors, car l'art était le premier à les dévoiler.

Marcel Proust, La Recherche du Temps perdu, I.



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