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Le moulin de Saint Géry ou de la Guilloune Henri Renault Préambule Je ne m'engage pas dans une histoire de la Guilloune ni de Pasturat d'ailleurs. Les documents présentés sont trop peu nombreux et trop disparates pour cela. J'apporte seulement quelques commentaires personnels suggérés par la connaissance d'une histoire plus large du pays ou bien plus proche de l'environnement immédiat et de ses habitants, je laisse à chacun le soin de construire, en poète, en amoureux de son coin de terre, l'histoire la plus proche possible de la vérité mais un tant soit peu idéalisée.
4) Aux temps de la révolution (suite) 5) Le 19ème siècle - Le domaine Bourgeois
1 LES SEIGNEURIES DE LA BORIE REDONDE ET DE LA GUILLOUNE. Lartigaud, dans son ouvrage "Le Quercy à la fin de la Guerre de Cent Ans" nous informe que les lieux de Béars et Saint Crépin étaient vidés de tout habitant. On peut considérer alors que les lieux de Pasturat et Saint Céry étaient tout autant désertés. Il écrit par ailleurs que le lieu de Pasturat fut alors acensé à des colons venus des provinces voisines, en particulier du Rouergue. Les conditions offertes avaient du les inciter à s'y installer. Le Chanoine Albe (1 M1 32/8), pour ce qui concerne la métairie de la Borie Redonde dit que celle-ci fut acensée avec le moulin de la Guilloune vers 1454 par le Seigneur de Saint Sulpice comme Seigneur de Saint Cirq Lapopie. C'est un lieu qu'il possède alors en toutes justices ( Haute, Moyenne et Basse). Sur un même lieu deux toponymes: le moulin qui est dit de la Guilloune mais aussi de Saint Géry car avec les terres, il appartient à la coseigneurie de Saint Géry, la Borie Redonde (ronde), concerne la métairie, c'est à dire l'unité du domaine agricole en exploitation et bien-sûr les bâtiments d'exploitation et d'habitation qui lui, pourra prendre le nom de château si un appartement y est réservé pour le seigneur lorsque celui-ci viendra quelque temps sur ses terres pour inspection ou autre. Ce sont des biens nobles, les seuls reconnus comme tels à Pasturat si l'on se fie aux déclarations des biens nobles dès le dix-septième siècle. C'est aussi le moment de "détricoter les différentes structures "administratives" de Pasturat. Pasturat deviendra paroisse avec desservant ( la Cure est celle de Saint Géry) vers 1650. Elle regroupera alors les habitants des Mazuts et écarts, Pasturat et écarts (coseigneuries de Galessie et Pellegry), les écarts de la Roumégouse, du Mas de Marty, de Serves et Pétral, Malauze, Pech Pitrou, (seigneurie de Saint Géry). Si nous prenons l'histoire à partir du XVIIème siècle, époque pour laquelle nous accédons plus facilement à des documents écrits, Pasturat a, avec Galessie, deux co-seigneurs dont l'un le Collège de Pellegry sera le plus stable dans le temps, l'autre changeant de titulaire dans le cours des successions. Depuis l'an 1701, les Nobles avaient à déclarer leurs propriétés et les revenus afférents. Voici, les déclarations (C1212-C121 3) rédigées la première par le co-seigneur de Saint Géry le 24 décembre 1785 en réponse à l'Arrêt du Conseil d'Etat du Roi du 19 août 1781. "Nous, soussigné Louis Antoine de Contaut de Biron, Duc de Biron, Pair et Maréchal de France, Chevalier des Ordres du Roi, Colonel Général du Régiment des Cardes Françaises de sa Majesté, Gouverneur et Lieutenant Général pour le Roy de la Province du Haut et Bas Languedoc, Marquis de Cabreret, Comte de Roussillon, demeurant à Paris en notre hôtel rue de Varennes. Un
moulin à 4 tournantes sur le Celé Dans
cette contenance, en culture, froment, blé noir, avoine, orge et
baillarge: 1200 Q Pré: 50Q, bois en pacage 2330 Q. Il
se nourrit 2400 bêtes à laine, 120 bêtes à cornes, 300 chèvres. Se
conserve quelques bots coupés tous les 30 ans. Il se fait des ventes de
vieux bois, buis, ronces à St Géry. 2 Q de terre noble faisant partie
d'une métairie Duporge. Ces 2 Q avaient été réservées pour bâtir un
château lors de l'acensement du fief de St Céry. 1 vigne: 3 Q et 1 C
ruinée depuis le froid de 1766..." Poursuivons: "Une jouissance de la quantité de rente suivante sur le fief de St Géry par indivision avec Monsieur le Comte de Laroque Beaumont et Monsieur Cornède avec la moitié de la justice froment: 51 Q 3 C, avoine: autant, droit de fouage (57 paires de poules, 50 ivres de cire...). droit de bac sur la rivière avec droit de pêche, la 1/2 sur le fief de St Géry, en entier sur ceux des Masseries et Bouziès." Fouage: redevance qui se paye pour chaque feu. Nous en arrivons aux biens du Comte de Beaumont. "C 1219 Biens de Beaumont de Laroque Province de Haute Guyenne, Election de Cahors Communauté de St Géry et son annexe Pasturac. En conformité de l'avis donné le 1er août 1783 par Messieurs les Procureurs Généraux susdits de l'administration de la Haute Guyenne: Voulant nous conformer à leur Demande: je soussigné, Louis de Beaumont Comte de Beaumont et de Laroque, Baron du Repaire, Seigneur de la Guilloune Pasturac et Maréchal des Camps et Armées du Roy, Chevalier de l'Ordre Royal et militaire de St Louis commandant pour sa Majesté dans la province du Périgord atteste et déclare avoir 3 fiefs distincts et séparés dans la paroisse de St Géry et dans son annexe de Pasturac, ce que les uns et les autres sont jouis en toutes justices. 1 Le fief appelé de St Géry De ce fief je n'en possède que le quart par indivis avec Monsieur le Maréchal duc de Biron qui en jouit la moitié, et le quart restant est joui par le Sieur Cornède avocat au Parlement. Sa portion de celle dont je jouis furent acquises de Monsieur de Monsalés par acte du 10 juin 1717. Et l'acte fut passé par Mauri notaire royal du lieu de St Martin. A ce fief est attaché le droit d'accapte et celuy des lods et ventes. Le quart du sus-dit fief de St Géry consiste en dix huit quartes froment, en vingt huit quartes avoine de rente annuelle, foncière et directe mesure de Cahors. Portable à perpétuité par les Sindics dudit indivis en la dite ville de Cahors et en l'hôtel dudit Seigneur, plus consiste en neuf Livres, quinze sols d'argent appelé suite et le quart de soixante six chefs feus établis au dit lieu de St Géry lesquels feus dit-on sont réglés à deux Livres sept sols six deniers. Par concequent, le quart revient annuellement à trente neuf Livres quatre sols sans compter les lods et ventes qui s'y payent au denier dix, ce dont on peut évaluer le quart annuellement à la somme de quinze Livres. En estimant les dix huit quartes de froment qui me sont payées annuellement sur le dit fief de St Géry au prix de dix Livres trois sols la quarte, elles montent à la somme de cent quatre vingt deux Livres quatorze sols. Les vingt huit quartes avoine au prix de quatre Livres la quarte font la somme de cent douze Livres. Le quart des chefs feux de trente neuf Livres quatre sols. Le quart des suites est de neuf Livres quatre sols. je jouis dans les mêmes paroisses en seul le fief appelé la Guilloune ou Borie Redonde. Ce fief est en toute justice avec Droit de lodz et d'accapte. La Demoiselle Cournède possède un lopin de terre pour lequel elle paye annuellement un boisseau de froment mesure de Caors, qu'on peut évaluer sur le même pied que les rentes dues par les habitants de St Géry, ce qui par conséquent est un objet annuellement de douze sols six deniers de rente. Je jouis également en seul et dans les mêmes paroisses le fief appelé le moulin. Ce fief est le moulin même de St Géry sur lequel Monsieur Cournède est redevable de quatre quartes de froment et de quatre quartes de mixture. Cette rente est foncière et directe; elle est payable mesure de Caors. Ce fief est également en toute justice avec droits de lodz et d'accapte; à ce moulin est aussi attaché une rente de quelques anguilles et volailles; mais depuis l'inondation arrivée le 7 mars 1783 qui a emporté le moulin et sa chaussée qui y conduisait les eaux, le Sr Cournède se refuse de l'acquitement de cette rente et des autres droits et devoirs seigneuriaux dépendants de ce même fief de sorte qu'il ne peut en être fait mention que pour mémoire. Biens fonds nobles. Je possède aussi et noblement dans la paroisse de St Géry ou dans son annexe de Pasturac une isle qui a été entièrement ravagée et ruinée par l'inondation arrivée le 7 mars 1783 de sorte qu'elle se trouve actuellement traversée en quantité d'endroits par différents bras de la Rivière du Lot et que ce qui reste aujourd' hui de cette isle n'est susceptible de porte aucune espèce de revenus, n'étant couverte que de mauvais jettins, de ronces, broussailles et graviers de manière que pour sauver les débris de cette isle il doit nécessairement en coûter infiniment plus cher que I"objet n'en vaudra jamais; ce qui fait que dès aujourd'hui comme dans les tems à venir, il doit être porté pour mémoire. Article 3 du rôle. Communauté de St Céry, Monsieur le Comte de Beaumont. Déclaration
d'Antoine Cornède, avocat au Parlement. Vente du quart de la
co-seigneurie de St Géry et Pasturac.
J'ai respecté l'orthographe utilisée dans les documents. Les
mots non déchiffrés sont signalés par (...). Collection Jean Michel Rivière
On peut remarquer que ces rentes sont fixes quelque soit la valeur de la récolte du moment. On rencontre par ailleurs des patronymes appartenant certainement à des familles que nous retrouverons ultérieurement dans I' histoire de la Guilloune. Il est aussi question d'un petit manoir seigneurial utilisé lors des relevées des récoltes. Il en est de même à la Guilloune. En effet, il est question sur le terrier de Pasturac d'une rue du Château qui conduisait de l'Eglise au moulin en contournant l'actuelle propriété Jordanet. Sur
un plan relevé en 1814 (en annexe) par les ingénieurs de la navigation,
apparaît à côté de l'habitation du meunier une grande construction
disparue en 1823 sur le cadastre mais persiste sa trace sous la forme
d'une parcelle. Serait-ce le manoir? Ou bien la maison du meunier qui est
vaste par rapport à l'exiguité habituelle des maisons paysannes du
village aurait-il eu l'honneur d'être le "château"? Revenons à nos seigneurs. Dans la déclaration d'Antoine Cornède apparaît le nom de Jean Baptiste Faurie. Or dans un texte notarié du 11 août 1778, Messire Armand de Beaumont est marié à Très Haute et Puissante Dame Marte Anne de Faurie. Cette dame y réclame des droits qu'elle aurait par testament sur les biens de la Comtesse d'Arcambal. Il est alors évident que toutes ces familles nobles de cette petite province du Quercy ont des liens plus ou moins proches dans l'espace et le temps, à l'image encore plus restreintes de leurs paysans tenanciers de leurs fiefs. Quant aux titres de Haut et Puissant... pur formalisme auquel devaient tenir malgré tout ces hobereaux. Seuls, le Comte de Contaut et notre Comte de Beaumont pouvaient peut-être répondre par leurs titres à ces pompeux qualificatifs. La famille de Beaumont avait donné un archevêque de Paris, Christophe de Beaumont (1703-1781) fort célèbre pour son opposition farouche aux jansénistes et aux philosophes, en particulier Jean-Jacques Rousseau. Les Beaumont ont dans leur généalogie les Hébrard de St Sulpice, seigneurs importants au Haut Moyen Age. Enfin la date de 1464 nous situe sûrement l'époque des acensements de St Géry et Pasturac après la catastrophe de la Guerre de Cent Ans qui avait saigné la région. Donnons pour conclusion à ce chapitre quelques autres information sur la famille de Beaumont. Ce patronyme est le "martin" de la noblesse et il est bien difficile d'y reconnaître le sien. L'armorial (2M1 71) nous apprend que Guillaume de Roques, un des lointains ancêtres de nos comtes de Beaumont de Laroque, Armand, François, Louis... et d'autres a été nommé écuyer le 6 mai 1359 avec pour blason "trois rois d'échiquiers et une bordure engrelée de Rozet seigneur de colombier un lion. " Les noblesses indues se multiplient un peu trop au goût de Louis XIV. Des bourgeois devenus riches et influents sur la vie de la cité s'achètent quelques titres de noblesse (revoir son Bourgeois Gentilhomme de Molière). Le Roi décrête la nécessité d' établir les preuves de la noblesse des familles qui se déclarent comme telles. Ainsi apprenons nous qu'au XVIème siècle notre famille de Beaumont était affiliée à la famille de Ginouillac, dite de Ricard qui donneront quelques seigneurs à Galessie. Enfin des liens existent également avec la famille de Pellegry fondateur du Collège de ce nom à Cahors et Seigneur de Galessie-Pasturac. Un acte de donation du 2 novembre 1787: "Jeanne de Gazelles demoiselle Pages habitant de la Ville de Caors laquelle ayant de droit et cause de feux nobles Antoine, Jean Bernard de Cazelles, frère germain à ce dernier et procédant d'ailleurs en qualité d'héritière de droit de l'un et l'autre, a fait donation entre vifs, pure, simple et à jamais irrévocable, en faveur de très Haut et très Puissant seigneur, Messire Louis de Beaumont, comte de Beaumont et de Laroque, Marquis de St Géry, Baron du Repaire, Seigneur de Meyral, Castel d'Ibirac, St Aubin l'Hermitage, Beaumont et autres places, Maréchal des camps et armées du Roy, Chevalier de l'Ordre Royal et militaire de St Louis, commandant pour sa Majesté dans la Province du Périgord ici présent stipulant et acceptant, du droit de patronage et fondation de la Maison Religieuse des Révérends Pères de la Merci établie dans le faubourg St Georges de cette Ville, suivant l'acte de fondation et de donation que les dits feus seigneurs Antoine, Jean St Bernard de Cazelles archiprêtre et Antoine de Cazelles ses auteurs en consentirent en faveur des dits religieux le 8 octobre 1429 devant Jacobo Simonis notaire de la ville qui annote la dite fondation dans ses registres et qui après son décès fut grossoyé et rédigée par Jean de Lato autre not. de la m ville qui fut détempteur des notes du dit Jacobo, la dite Cazelles demoiselle de Fages fait en même temps donnâtion au dit Messire... de tous les droits quelconques dérivant du dit partage, fondation et dotation qu'elle a et qu'elle peut avoir sur la dite maison religieuse avec consentement qu'il exerce les dits droits le cas y échéant ainsi et de la m manière qu'elle en a ou pourrait avoir le droit et faculté, lui en transférant à cet effet tous les privilèges, droits et prérogatives à raison de ci-dessus, sous la condition expresse que le cas arrivant que la maison des dits Religieux serait éteinte, le dit Seigneur Comte de Beaumont veillera à ce que les biens affectés à la dite fondation soient appliqués à des oeuvres pies telles qu'il lui plaira, et que les messes et prières affectées et établies en faveur des auteurs de la ditte demoiselle, de leurs parents et familles soient conservés dans leur intégrité, comme aussi si faire se peut, il fera établir sur les revenus de la dite fondation une messe qui sera célébrée une fois l'an en l'honneur et mémoire de la dite demoiselle, et pour le repos de son âme, déclarant la dite demoiselle, qu'il y a quelques années qu'étant question de la suppression de la dite maison, elle aurait fait une procuration pour s'opposer au Conseil du Roy et veiller à l'emploi des dits biens..." (B327) Effectivement un acte du 1 3 décembre 1777 informe de Beaumont que l'Evêque de Caors au nom du Roi de l'extinction et suppression de la Maison de l'Ordre de la Mercy et l'union des biens en dépendants au Collège de la Ville et Ecoles des Frères des Ecoles Chrétiennes. Les parties intéressées sont appelées à comparaître devant le commissaire nommé à cet effet par le Seigneur Evêque... donc lui, de Beaumont s'oppose à l'union de ces biens. A noter que le Seigneur Evêque de Caors fut depuis longtemps le plus puissant seigneur du Quercy. Le
texte suivant, bien que ne concernant pas la Guilloune, permet cependant
de concrétiser l'hôtel qu' habitait à Cahors notre Comte de Beaumont.
C'est un acte concernant un bail pour le jardin de l'hôtel. A titre de ferme pour trois ans, à Huguet Balivan, jardinier de la Ville de Cahors. Le jardin potager joignant l'hôtel au-dessous du parterre et divisé par une muraille nouvellement construite à hauteur d'appui à orner de vases et de caisses. Mettre des fleurs, légumages ou salades. Ne rien prendre à son agrément. S'occuper des orangers dans les serres. Tous les fruits vont au Seigneur: fraises, framboises, artichaux et autres. Le fermier aura droit aux légumages, racines et herbes potagères. Ne pas mettre de blé, chanvre, tincte et autres qui puissent gâter le terrain. Se réserve le Seigneur, l'entourement dans le jardin et entre les bâtisses des cuisines et celles du jardin des Trois Rois, destiné à bâtir écuries, remises et autres. Prendre dans la pièce d'eau le nécessaire à l'arrosement. Bien la nettoyer. Le fermier pourra loger en l'hôtel en devenant le portier et surveillant. Il pourra ramasser le bois. Prix: 72 Livres pour l'année à payer tous les six mois. (3 E 235 que j'ai résumé). Nous verrons plus loin que nos fermiers de la Guilloune étaient par force des familiers de cet hôtel puisqu'ils devaient y apporter les rentes dues, soit en nature, soit en monnaie trébuchante. A remarquer la valeur intéressante du froment et du chanvre que le jardinier aurait tendance à y planter au lieu des "légumages et racines" bien méprisés aussi par le Seigneur.
Collection Jean Michel Rivière
Les biens consistent en un moulin et des terres limitées par le Lot et le chemin à la rivière et comprenant à peu près les 26 premiers numéros du cadastre actuel auxquels il faut ajouter les îles au destin bien fluctuant. D'autres biens sont répartis sur Pasturac seigneuries de Galessie et de Pellegry mais qui seront évoqués ultérieurement. Ainsi le Comte de Beaumont et Monsieur Cornède se partagent sur la base 3/4-1/4 le moulin et la Borie Redonde. En revenant sur la précarité des îles, le texte suivant évoque un agrandissement du domaine, agrandissement qui peut être lors d'une forte crue fut anéanti. le 3 décembre 1787: " de Beaumont,... Seigneur du fief de St Sulpice, de celui appelé Borie Redonde, de celui appelé Moulin de St Géry, de celui appelé du canal ou de la Buregarde de celui appelé Peyrelongue parce qu'il embrasse toute la plaine s/tuée au-dessus du Rocher de ce nom, ce Seigneur du Marquisat de St Géry et autres places, tous lesquels derniers fiefs ou seigneuries situés dans l'annexe ou paroisse de Pasturac, forment aujourd'hui la terre de Beaumont l'Hermitage située dans la Province du Quercy. Lequel dit Seigneur Comte de Beaumont nous a dit qu'en qualité de propriétaire des sus-dites seigneuries il lui appartient toutes les îles, îlots et atterrissements qui se forment sur les bords et dans la rivière du Lot qui traverse les sus-dites seigneuries et comme il s'est formé une isle au-dessous du roc appelé Peyrelongue, le dit Seigneur nous a déclaré qu'en vertu de la..., la dite isle qui paraît être placée de manière à devoir s'agrandir considérablement lui appartient et en conséquence il nous a requis de l'accompagner pour lui en voir prendre possession dans les formes prescrites et aussitôt nous nous serions transportés dans la dite isle où le dit Seigneur a coupé lui-même et fait planter en notre présence des (...) saules ou aubiers et autres plants pour fortifier cette isle qui s'est formée un peu au-dessus d'une autre isle qui appartient au Sieur Cornède en vertu d'un traité consenti par les auteurs du dt Seigneur de Beaumont laquelle isle n'est aujourd'hui que de la contenance d'une once (moins d'un are) et demi au plus, que cette isle nous a paru avoir été autrefois très considérable mais aujourd'hui elle est réduite à presque rien, ayant été entraînée presqu'en son entier par la grande inondation arrivée le 7 mars 1783 et autres survenues successivement depuis cette époque de sorte qu'il est à croire que le moindre croissant autre sera de l'emporter.... Autre requète pour dans une autre isle, située du côté opposé et presqu'en en-dessous de l'ancienne forteresse du Château du Cuzol placé dans l'enceinte du Grand Rocher lesquelles dominent le bourg de St Géry et qui, dans les temps reculés, servaient à protéger les habitants du dit bourg; étant entrés dans cette isle le dt Seigneur nous a fait remarquer que depuis trente cinq ans, cette isle avait commencé à se former, ce que nous avons commis, et pour les informations que nous avons faites, nous avons appris que le père du dt Seigneur comparant avait toujours fait conserver et soigner la dt isil comme un bien appartenant à la Dame Comtesse de Beaumont, son épouse, Dame du dt lieu, et comme la Dame avait négligé de prendre possession en la forme prescrite de la dte isle, le Seigneur Comte de Beaumont, son fils a jugé à propos de remplir cette formalité quoique surabondante à cause de sa possession plus que trentenaire et quoique cette isle ait été considérablement endommagée par la sus-dte inondation de... Nous avons vu qu'il continue d'y faire des plantations et autres travaux nécessaires pour conserver cette isle qui ne tardera pas à se réunir à celle qui s'est formée depuis quarante cinq ans ou environ et qui n'est séparée de celle joignant le moulin que peu des eaux qui passent par par l'issue ou dé fuite construite dans la chaussée supérieure au dit moulin pour prendre le super flux des eaux qui n'auraient fait qu'engorger le dt moulin et qui séparent aujourd'hui l'isle où le dit Seigneur ... a fait faire un jardin d'ornement, laquelle isle se trouve fermée de toutes parts par les eaux de la défuite du moulin et par celles qui passent par la défuite supérieure dont il vient d'être parlé laquelle se trouve placée dans la chaussée du moulin, laquelle isle est aujourd'hui de la contenance d'une quarte-rée ( 1/2 ha environ) au plus ayant été dégradée et même emportée par les eaux dans toute la partie supérieure à l'emplacement du du moulin à cause de la destruction presque totale de la chaussée en pierre qui y conduisait les eaux et qui laisse la dte isle dessous du dt moulin et sur la rive droite. Mème chose pour une isie située en face du Rocher de St Crépin et du même côté que le fief de St Sulpice et de Borie Redonde plus près que les rochers rive gauche. Trouvée dégradée mais susceptible de s'agrandir. Prise de possession. Valeur: 48 Livres." Ce texte est particulièrement riche d'informations concernant avant tout "le payasge", l'environnement climatique et ses aléas, les procédures d'acquisition de bien par un aristocrate. Au sujet du canal de Laburgade, il est possible qu'il s'agisse de celui qui conduit les eaux au moulin de l'Iffernet (l'enfer). Reste le domaine de Peyrelongue. S'agit-il de la pierre dressée appelée aujourd'hui "Dent de Me Armand" qui pourrait être Peyrelongue et les terres, la bande de plaine qui court entre la rivière et la falaise à partir de ce curieux rocher? (Aussi appelée L'Hile, ou la Halote). Et le moulin? A ce moment de notre recherche nous possédons peu d'informations sur celui-ci. Il est fort probable que sa fondation remonte avant la Guerre de Cent Ans. Il apparait à l'acensement de 1454. Il fut moulin banier et moulin banal très certainement. Dans les actes notariés du XVIII ème, il est fait référence à son établissement antérieur à 1556. Quant à la partie technique, nous ne possédons, pour l'instant rien. L'ouvrage de Françoise Auricoste sur les meuniers en Quercy aux XVIIème et XVIIIème siècles cite nos deux moulins de St Géry. Il semblerait qu'elle confonde l'un et l'autre. En effet si celui de l'Iffernet disparut après sa destruction, il en reste les murs et la roue perdue dans les ruines, le moulin de la Guilloune, effectivement hors fonctionnement en 1801 fut rétabli et moulut puis éclaira d'électricité jusque dans les années cinquante. Elle cite par ailleurs un acte de bail où les anciens propriétaires, toujours par paire, Maître Guillaume Faure conseiller du Roi et Maître François Espéret procureur de la Cour, habitant Pasturat, afferment le 12 novembre 1678 à deux meuniers père et fils des Masseries le moulin. Il s'agit de Pierre et Pierre Salvignac. Nous avons déjà rencontré le lien entre les Faure ou Faurie avec les de Beaumont par les femmes.
Collection Jean Michel Rivière
Les quelques contrats de bail du XVIIIème siècle à notre disposition apportent un certain nombre d'informations quant à l'exploitation des deux fiefs. Ils sont loués à quelques riches paysans, car il faut de sérieux moyens pour répondre aux contrats. Il est vrai qu'ils sont aussi deux à prendre le bail. Bien souvent, le domaine est sous loué à des meuniers agriculteurs qui en seront les travailleurs exploitants. Nous verrons ainsi apparaître des patronymes bien connus jusqu'à nos jours, familles issues de St Géry ou des Masseries. Le
24 août 1734: afferme du Moulin de la Guilloune par Messire de la Roque
et autres à Pierre Milhau. Résumé
du contrat de bail du 24 août entre le Seigneur de Beaumont et sa Dame
propriétaire, Jean Guillaume Cornède avocat à Caors et Pierre Mourgues,
mendant et fermier et Pierre Milhau meunier concernant le moulin de la
Guilloune. (Toujours les trois étages pour l'exploitation!) Bail du 15 juin 1767 ( la présentation est un peu résumée) La
Guilloune Paroisse de Pasturac. Comté
de St Géry consistant en 3 portions sur 5 du moulin assis sur la rivière
du Lot et au-dessous du château, bois, vignes, terres, taillis et (...)
et un jardin sis en dessous du château et aussi droit de quitte nature
(?) Promettent
à payer au Seigneur en termes égaux le 1er sera fait le 25 décembre
prochain, le suivant au 1er juin et. rendus en sa maison à Caors. Les
chapons aux Fêtes de Noël. La
somme de 1500 Livres est importante et explique la disposition sur deux
fermiers. Les conditions peuvent paraître sévères surtout qu'elles sont fixées indépendamment des rendements ou des situations de catastrophes météorologiques. Il sera intéressant de comparer avec les baux accordés par les futurs propriétaires bourgeois. Accordons aussi aux fermiers la malice nécessaire pour s'en sortir au mieux. Le Seigneur est loin. Il visite ses domaines une ou deux fois par an. Celui-ci, dans ses états de revenus rédigés pour la capitation noble, écrit souvent que les rentes dues ne sont pas payées par les fermiers pour cause de mauvais temps etc... Il faut assurer l'entretien de tous ces bâtiments aussi un bail du 10 novembre 1787 est institué ainsi (Je résume): Haut
et ... Deux baux à ferme se succèdent à quelques jours. Ils apportent chacun d'autres informations sur les modes d'exploitation en particulier, sur des contenus d'obligations parfois différentes, je résume ces textes notariés (3E 235). Le premier est le fait de Marianne Faurie veuve de Messire Armand de Beaumont, et est daté du 3 avril 1778, le second est le fait du successeur Louis de Beaumont et est daté du 24 du même mois. Celui-ci annulant le premier certainement. ...
baille à ferme la Seigneurie de la Guilloune sur Pasturat et St Géry.
Louis
de Beaumont... Il y a plusieurs remarques à faire. Les Seigneurs passent au bail par adjudication, courante pour des domaines d'une certaine importance, mais que nous n'avions pas rencontrés jusqu'à maintenant pour la Guilloune. Est-ce la volonté d'en tirer le maximum dans une conjoncture économique difficile? Pourquoi une seconde proclamation à quelques jours de la première et l'annulant certainement? Nous ne pouvons émettre que des hypothèses pour l'instant: un problème juridique, un désistement de l'adjudicataire, une incapacité à répondre financièrement...? Nous voyons apparaître quelques informations techniques. Les paires de beufs par exemple. Seuls les domaines assez vastes exigeaient la présence de tels attelages alors, c'est à dire la presque totalité du terroir cultivé. Seules, quelques modestes parcelles, appartenaient en propre aux habitants du village. Le plus "riche" d'entre eux possédait alors 1 ou 2 ha actuels comprenant surtout bois et grèzes. Mais il est aussi vrai que chacun jouissait malgré tout d'un petit lopin de terre labourable. Ceci dit toute la population était constituée de travailleurs, brassiers et bordiers au service de ces domaines. Inutile d'ajouter que ces attelages de boeufs appartenaient exclusivement aux trois ou quatre seigneurs qui se partageaient les terres de Pasturat. Quant aux plus riches des travailleurs, s'ils pouvaient acquérir une mule... Il est aussi question d'outils. L'araire est la machine essentielle du laboureur pasturacois. Comme le suggère le contenu du bail sus-dit, il est certainement fabriqué par l'agriculteur lui-même ou un "spécialiste" au village, puisqu'il est question de choisir l'arbre nécessaire à sa fabrication. On terminait l'outil par un soc en fer, soc interchangeable et adapté à la nature du sol ou du défonçage à accomplir. Ce dernier était forgé aussi au village par le forgeron paysan. L'araire était complétée par des pioches de différentes tailles pour casser les mottes dessoudées par le passage de l'araire en sillons croisés. Il fallait ensuite épierrer, il en est question dans les obligations du preneur. Tout cela était pénible et demandait une main d'oeuvre nombreuse, louée à la journée lors des travaux de "labour". Nous anticipons sur l'étude qui sera faite ultérieurement sur les travaux agricoles à Pasturat au fil du temps. Le texte notarié suivant (3E 722) nous fait appréhender un drame possible en cette fin du XVIIème siècle mais aussi de l'Ancien Régime. La contrainte par corps plongeait alors la famille dans la misère et la mendicité. N'oublions pas que cette période entre 1770 et 1789 est troublée par des catastrophes météorologiques; inondations "séculaires" grêles et orages dévastateurs comme ils apparaissent dans les textes que nous venons de rencontrer, sans oublier les années humides et froides ou chaudes et sèches. Du
25 mai 1785 (en résumé): Faire condamner pour la restitution des récoltes, le paiement de la mixture, le foin. Mais difficultés de rendre compte exact du produit des biens donc à régler 1575 Livres et 200 Livres le 11 décembre, 200 Livres un an après. Renoncent à la part de récolte. Main levée, soumise à la contrainte par corps. On sent dans ce texte comme un éloignement du propriétaire, un laisser-aller dans la gestion, des textes apparemment contraignants mais peu suivis d'un côté comme de l'autre jusqu'au moment où les problèmes accumulés conduisent à l'accident. A remarquer également la difficulté de suivre qui est tenancier. Les noms se succèdent à rythme accéléré. Par ailleurs 1 575 L est une très grosse somme pour un modeste travailleur du Causse. Une parcelle de terre labourable ordinaire se négocie alors entre 100 et 200L. Les personnages rencontrés ici ne font que passer dans l'histoire de Pasturac, ombres vite absorbées par la misère. Ces quelques éléments, trop partiels certes, nous permettent cependant en confrontation avec l'histoire plus générale de la France de l'Ancien Régime, de saisir la précarité dans la vie quotidienne de ces travailleurs de la terre, contraints de louer leurs bras et leur force sans être assurés de leurs lendemains. On sent comme une insensibilité des maîtres, Seigneurs ou bourgeois, à la misère de leurs serviteurs. Ceux-ci n'étaient pas des anges et les tenants des baux montrent bien la méfiance tatillonne dont faisaient preuve les bailleurs à l'encontre de l'honnêteté et du sérieux de leurs paysans. Mais ces derniers n'avaient, pour leur survie, que des moyens peu francs à leur opposer. Ces Seigneurs peu charitables, disons plutôt injustes envers leurs travailleurs, étaient très attachés à maintenir et entretenir par ailleurs des fondations religieuses pour en tirer des bénéfices tant matériels que spirituels. Dans ces conditions, plus encore dans les campagnes que dans les villes même si celles-ci parmi les plus grandes en prirent l'initiative, la Révolution qui devait mettre le feu aux châteaux ne pouvait tarder en ces années de misère de la fin du XVIIIème siècle. |
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