Depuis la Révolution

 

Introduction
Lentillac au XIXè siècle
La vie municipale
La paroisse
L'école, les écoles
L'irrésistible dépeuplement
Les activités économiques
L'agriculture
Industrie, commerce et administration
Lentillac au XXè siècle
La période 1940-1944
Les réfugiés
La résistance
Le "comité de la libération"
La vie économique
L'électrification
Mécanisation de l'agriculture
Population : enfin la stabilité ?
Lentillac aujourd'hui
L'agriculture et les " agneaux fermiers du Quercy "
La lutte contre le dépérissement du village
Lentillac demain...

Introduction
Nous avions le projet d'interrompre avec le Consulat notre voyage dans le passé de Lentillac. La Révolution ouvre une ère nouvelle dans laquelle nous ne souhaitions pas entrer.
Pourtant, après avoir parcouru une si longue distance en compagnie des générations qui se sont succédées sur ce petit bout de causse, nous ne pouvons pas nous résigner à abandonner Lentillac si brutalement. Nous allons donc faire une dernière randonnée à travers les XIXè et XXè siècles, mais c'est à grandes enjambées que nous allons franchir les presque deux cents ans qui nous séparent de la réorganisation du canton.
Lentillac au XIXè siècle
La vie municipale
Le XIXè siècle de Lentillac a été marqué par la prédominance de la famille Valery, déjà rencontrée à plusieurs reprises, qui a occupé la première fonction municipale sans discontinuer jusqu'en 1881. Le cas de Jean-Louis Valery est particulièrement intéressant puisqu'il entame son mandat sous l'Empire et traverse sans coup férir la Restauration, la Monarchie de Juillet, la Révolution de 1848 et une bonne partie du second Empire...
C'est à l'influence de la famille Valery que Lentillac doit d'avoir été pendant quelques décennies à partir du milieu du XIXè siècle le siège d'une brigade de gendarmerie. C'est à ces gendarmes qu'on doit la découverte - par hasard - des vertus purgatives de l'eau de la source de Font-Canole, qui connut un grand succès dans la seconde moitié du XIXè siècle.
Le 21 mai 1825, une lettre anonyme datée de " Lantilhac " dénonce le maire, Conquet (l'auteur de la lettre confond probablement un conseiller municipal - Conquet - avec le maire - Valery), qui " tient une conduite toute opposante à l'honnêteté et la justice, pour mieux dire incapable de remplir les fonctions de maire ". C'est le comportement de jeunes gens " libertins " qui provoque le courroux de cet administré. Ils passent, se plaint l'auteur de la lettre, " des nuits entières avec les quartes (sic) à la main, chantant des chansons de toutes espèces et très indécentes, contraire à la bienséance ". Nous ignorons quelle suite fut donnée à cette plainte.
Vingt ans plus tard (12 avril 1845), c'est Valery, maire de la commune, qui se plaint d'Hébrard, curé de Lentillac, auprès du préfet. La séance du conseil municipal de mai 1845 est même consacrée aux projets du " sieur Hébrard " de faire percer des nouvelles fenêtres dans l'église, d'y supprimer un escalier, de placer des éléments d'architecture... Le maire demandera au Préfet d'engager des poursuites en dommages et intérêts contre l'ecclésiastique.
Le curé, en charge de la paroisse de Lentillac depuis vingt ans, ne s'émeut pas outre mesure. Déjà, deux années auparavant, il a eu maille à partir avec le maire et les gendarmes qui lui reprochaient son manque de civisme. En effet, le brigadier attaché à la gendarmerie de Lentillac établissait le 8 août 1843 un rapport destiné au capitaine commandant la gendarmerie de l'arrondissement de Cahors dans lequel il rapportait avoir assisté le 4 août 1843, à Lentillac, à un service funèbre en l'honneur du prince d'Orléans auquel le curé n'aurait pas accordé l'apparat nécessaire. Le maire lui avait pourtant demandé " de faire ce service avec plus de pompe que celui qu'il avait fait le mois précédent pour les victimes du 30 juillet 1830 ", où il n'y avait même pas de drap mortuaire !
A la fin du XIXè siècle, les administrations (poste, perception) sont installées à Lauzès, chef-lieu du canton. C'est cette situation qui entraînera quelques années plus tard le changement de nom de Lentillac(-du-Causse) en Lentillac-Lauzès. Il est amusant de constater que cette mesure qui devait faciliter la distribution du courrier est, 90 ans plus tard, une source de retard : "Si notre correspondant nous adresse notre courrier "46330 Lentillac-Lauzès"", lit-on en 1996 dans Les nouvelles de Lentillac du Causse, "il met un jour de plus ! il fait un détour par la poste de Lauzès - code postal 46360 - puis va à Cabrerets, notre bureau postal - code postal 46330".
La paroisse
La stabilité des curés de Lentillac n'a rien à envier à celle des maires. De 1825 à 1923, ils ne seront que trois à se succéder, chacun d'entre eux restant curé du village pendant plus de trente ans : Hébrard (1825 - 1858), Moles (1858 - 1893) et Cros (1893 - 1923). Leur successeur, Léon Escapoulade, restera lui-même 25 ans en charge des âmes de Lentillac.
Une des plus grandes - du moins l'une des plus longues - affaires qu'ait eu à traiter la municipalité de Lentillac concerne l'église et la réparation de son clocher. Le débat commence dès avant 1897 mais ce n'est que le 14 février 1904 que les registres municipaux indiquent que le clocher " menace ruines ". Quatre mois plus tard, le 12 juin, le clocher est toujours debout et le conseil municipal, ayant visité l'église, décide d'ajourner les travaux.
L'affaire rebondit en 1905. Le 11 juin, M. Toulouse, architecte, inspecte le bâtiment et conclut que le clocher " n'est pas solide ", qu'il peut " devenir dangereux ", mais qu'il peut également " tenir très longtemps ". Optimiste, le conseil municipal ne retient que la seconde possibilité. Avec raison, puisque le clocher tiendra encore soixante années. Ce n'est que le 24 décembre 1964 que le conseil municipal décide d'effectuer " de toute urgence ", de grosses réparations sur le clocher.
Dans la seconde moitié du XIXè siècle, une crise religieuse s'empare de la plupart des communes du Lot, qui font à grand frais agrandir leur église ou en construire de nouvelles : Saint-Cernin rebâtit son église en 1846 et l'agrandit en 1870, Cabrerets agrandit son église du XVIè en 1855 et 1880, Lauzès en construit une en 1862, Nadillac fait de même en 1884, Blars refait la nef de son église romane en 1886-1887, Cras construit la chapelle Notre-Dame sur les ruines de son oratoire en 1896. A Sauliac, la chapelle del Roc Traucat est construite en 1889, Sénaillac remanie son église à la même époque, etc...
Lentillac est passé au travers de la crise. Tant mieux ! Sa petite église, modeste, bien massive dans son style typique de l'après guerre de Cent ans, a résisté et résistera mieux aux outrages du temps que les constructions néogothiques dont se sont équipés certains des villages environnants. Merci aux habitants de Lentillac d'avoir préservé ce témoignage irremplaçable de leur passé.
La paroisse Saint-Pierre de Lentillac, victime de la dépopulation, disparaît en 1963 en tant que paroisse autonome et est rattachée en 1963 à celle de Saint-Cernin jusqu'en 1986, date à laquelle elle est rattachée au secteur paroissial de Cabrerets.
L'école, les écoles
Au XIXème siècle, le niveau culturel et scolaire du monde rural quercinois est particulièrement bas. Jusqu'en 1833, l'instruction primaire y reste " en dessous du médiocre ", et le département Lot n'est qu'au 71è rang pour la scolarisation (1 élève pour 56 habitants, contre 1 sur 8 dans le Bas-Rhin). En 1850, un tiers des enfants lotois de 5 à 15 ans sont scolarisés, mais un tiers d'entre eux est absent pendant les périodes de gros travaux agricoles.
La loi Guizot du 28 juin 1833 assure la liberté de l'enseignement primaire (qui n'est plus monopole de l'Eglise) et impose aux communes d'entretenir une école et d'y assurer une gratuité partielle. Elle est complétée par l'ordonnance du 23 juin 1836 qui étend aux filles les dispositions de la loi Guizot.
Il faudra attendre 1836 pour que la commune de Lentillac obéisse à la loi Guizot. C'est lors de sa réunion du 9 juin de cette année que le conseil municipal décide l'achat d'une maison d'école pour 1 675 francs. Ce bâtiment accueillera également le prétoire du juge de paix et le logement de l'instituteur.
Peut-être cette première école est-elle ouverte aux filles ? C'est peu probable car la mixité est alors considérée comme une " abomination " et ce n'est qu'en 1850 que la loi Falloux obligera les communes de plus de 800 habitants à entretenir une école de filles. Combarieu rapporte qu'en 1881, l'école de garçons de Lentillac a 32 élèves et l'école de filles 26. Il s'agit de deux écoles communales laïques.
Dans le canton, toutes les communes possèdent alors une ou plusieurs écoles. Mais, alors que tous les garçons vont à l'école laïque, 55% des filles sont élèves d'écoles religieuses (soit les enfants de Blars, Sabadel, Saint-Martin-de-Vers, Saint-Cernin, Sauliac et Sénaillac). Il y a trois écoles mixtes à Artix, Fages et un hameau de Saint-Cernin non précisé, accueillant 11,6% des élèves du canton. Malgré les réticences, la mixité est rendue nécessaire par la faiblesse des effectifs (35 élèves en moyenne par école mixte).
Une nouvelle école est construite 55 ans plus tard, en 1891, pour un prix de 8 887,60 francs sur lequel l'entrepreneur consent un rabais de 1 933,13 francs.
A partir de la loi Ferry (16 juin 1886), l'enseignement primaire devient laïque et obligatoire. Dix ans plus tard, l'inspection d'académie demande à la municipalité de construire une nouvelle école de filles. Mais le conseil municipal réuni le 6 janvier 1907, " considérant l'état nécessiteux des habitants, la dépopulation, les charges et le manque de ressources " décide à l'unanimité d'ajourner ce projet. L'inspecteur réagit et met le conseil en demeure soit de construire une nouvelle école, soit de transformer les écoles en écoles mixtes. La mixité, dans la mentalité du temps, n'est pas envisageable : on décide avec la même unanimité de construire une école.
C'est probablement au nom des mêmes principes que le conseil municipal demandera en 1924 que l'enseignement soit assuré dans les écoles de Lentillac par des instituteurs et non "des demoiselles". Par contre, sur d'autres points, les administrateurs de Lentillac sont beaucoup plus libéraux. C'est ainsi que, lorsqu'en 1913 le préfet du Lot demande aux conseils municipaux un avis sur la distance minimale à respecter entre un débit de boisson et une école, un lieu de culte, un hospice ou un cimetière, celui de Lentillac répond... vingt mètres ! (séance du 2 septembre 1913).
L'affaire traîne en longueur. Un échange de courrier de 1909 avec l'inspection d'académie nous apprend que le conseil municipal demande une subvention avant de concrétiser le projet. Finalement, le conseil se résigne et, le 29 mai 1910, emprunte 4 415 francs au Crédit foncier.
Il faudra encore un an pour procéder à l'adjudication des travaux (estimés à 15 147 francs). Ce n'est donc qu'en 1914 que les filles disposent de leur nouvelle école (réceptionnée le 4 octobre pour un prix de 14 760 francs auquel il convient d'ajouter une clôture de 6 300 francs).
L'irrésistible dépeuplement
La population de Lentillac, qui n'a cessé de croître depuis la fin de la guerre de Cent ans, atteint son chiffre record de 670 habitants en 1846, puis entre dans une longue et irrésistible période de décroissance qui va durer presque 130 ans. La chute est brutale puisqu'entre 1846 et 1911 (soit 65 ans), le village perd la moitié de ses habitants.
Année Population   Année Population
1800 539   1866 543
1807 559   1872 520
1826 588   1876 504
1831 582   1881 513
1836 624   1886 511
1841 655   1891 448
1846 670   1896 415
1851 617   1901 412
1856 605   1906 381
1861 579   1911 342
Population de Lentillac au XIXè siècle
Naturellement, ce mouvement de reflux à partir de la moitié du XIXè siècle n'a rien de spécifique à notre village. Il est observé également dans le canton et dans le département tout entier. Ce "grand dépeuplement" a deux causes : émigration et baisse de la natalité. Il touche d'abord les cantons ruraux : en 1881, le canton de Lauzès est parmi les moins peuplés (34 habitants au km2 contre 118 pour Cahors-Nord ou 88 pour Vayrac).
La crise du phylloxera provoque une accélération du phénomène car - dit A. Viré - les Quercinois, habitués à une culture de la vigne ne réclamant pas trop de travail, n'ont pas su faire l'effort de cultiver les nouveaux plans qui demandent plus de travail...
A Lentillac, comme ailleurs dans le Lot, des habitants émigrent loin de leur village pour échapper à la crise : l'un part pour l'Algérie avant de se fixer au Maroc, l'autre s'embarque pour l'Argentine.
Dans l'ensemble du Lot, la situation des campagnes ne s'améliore pas dans les décennies qui suivent. La description qu'en fait A. Viré en 1917 s'applique probablement aux habitants de Lentillac :
«Dès le bas-âge, les enfants sont soumis à une alimentation irrationnelle, ou la soupe remplace désavantageusement le lait. L'habitation est malsaine et mal tenue dans toutes nos campagnes ; l'hygiène corporelle est inexistante, ce qui tient en partie à la rareté des eaux superficielles dans nos causses et à de vieux préjugés que l'on n'a pu encore déraciner.
Ainsi, dans beaucoup d'endroits, pour ne pas dire presque partout nos populations naissent, vivent et meurent sans avoir pris un bain dans toute leur existence et considèrent un bain comme un remède désespéré dans leur maladie. Il n'est pas rare d'entendre dans nos campagnes cette réflexion "il est perdu, le médecin l'a fait tremper".
Tout au plus la superstition veut-elle qu'ils se lavent les pieds et la bouche le jour du vendredi saint pour faire plus dignement leurs Pâques.»
Lieu Population
Le bourg 116
Mas del Pech 62
Les Mazes 54
Aussou 40
Le Prieur 38
Autres 194
TOTAL 504
Répartition de la population en 1881
Cette description - qui traduit une acculturation plutôt lente - est conforme à ce que nous avons observé en matière de scolarisation et d'absence de réels progrès de l'agriculture. La modernité devra attendre la seconde moitié du XXè siècle et ses Trente glorieuses pour entrer en Quercy.
Le Lot du XIXè siècle semble s'être fait une spécialité des bagarres entre jeunes gens de villages voisins. Lentillac n'échappe pas à cette règle. On rapporte qu'à la fin du XIXè siècle, les jeunes d'Orniac ont un jour attaqué ceux de Lentillac qui se trouvaient au cabaret, les forçant à fuir par une fenêtre au pied de laquelle ils avaient placé des herses. Il a fallu l'intervention du maire, Valery, pour calmer les esprits...
Les activités économiques
Les habitants de Lentillac n'ont jamais roulé sur l'or. Même si la situation est relativement favorable dans la seconde moitié du XIXè siècle, la vie au village reste difficile.
L'agriculture
L'agriculture du Lot bénéficie d'un certain essor au cours du Second empire et au début de la Troisième république (1850-1880), mais les techniques agricoles n'évoluent guère (l'araire n'aura pas disparu au début du XXè siècle). De même, la qualité de la race des moutons caussenards reste ce qu'elle était alors que d'autres régions de France améliorent sensiblement la qualité de leur cheptel.
A Lentillac, à côté de l'élevage du mouton, qui reste la première production, on pratique la polyculture indispensable à une vie relativement autarcique. On cultive les céréales et la vigne (pour cette dernière, à Aussou, principalement), dont le vin est descendu à Bouziès et embarqué vers Bordeaux, on exploite le bois et on ramasse des truffes - le commerce de la truffe est attesté en Quercy dès le XVè siècle. La truffe a progressivement disparu de la région de Lentillac à partir des années 1960, semblant se déplacer vers le sud-ouest (en 1995, l'hiver pluvieux a pourtant permis d'en ramasser de petites quantités).
La crise du phylloxera ravage le vignoble quercinois dans les années 1877-1879. Puis, les quelques pieds sauvés subissent en 1890 le mildiou et le black-rot... Les faiblesses structurelles de l'agriculture quercinoise que nous venons de mentionner expliquent les conséquences dramatiques qu'aura l'épidémie sur l'agriculture régionale et la dépopulation du département.
Le phylloxera anéantit complètement la vigne de Lentillac. Lorsque quelques années plus tard, on replante des hybrides venus des Etats-Unis, le vin produit n'est plus destiné qu'à la consommation locale. Sur les vignes mortes, on plante des truffières qui, une vingtaine d'années plus tard, apporteront des revenus supplémentaires substantiels au village. C'est également après la crise du phylloxera que le tabac a été introduit à Lentillac.
Industrie, commerce et administration
L'industrie est toujours absente du village, à l'exception, peut-être, des trois moulins à farine sur la Sagne, qui continuent à fonctionner jusqu'à la première guerre mondiale. Le dernier meunier travaille jusqu'à sa mort, en 1916.
Dans le canton, seuls Sénaillac et Saint-Martin-de-Vers peuvent prétendre avoir une activité industrielle : on fabrique des chapeaux de paille à Sénaillac et on tisse le chanvre à Saint-Martin-de-Vers - qui ne possède pas moins de douze moulins sur le Vers.
Les deux seuls commerces mentionnés par Combarieu en 1881 sont un débit de tabac et un cabaret (à la même époque, 38 auberges, cabarets ou cafés sont recensés dans le canton), dont on a vu que la clientèle n'était pas appréciée par tous les habitants. Il est probable que d'autres commerces existent, non mentionnés par Combarieu, car nous verrons plus bas que, pendant l'entre-deux-guerres, il subsiste encore plusieurs commerçants et artisans. Il n'y a plus de notaire dans le village mais on trouve des études à Blars, Cabrerets et Saint-Cernin.).
Une trentaine de foires sont organisées chaque année dans le canton de Lauzès. Lentillac, pour sa part, en accueille trois par an, les 1er avril, 4 mai et 20 décembre, mais il n'y a pas eu de foire à Lentillac au XXè siècle. La fête patronale de la commune est célébrée le 1er août. Les festivités durent trois jours et s'accompagnaient d'une messe, d'une halte au monument aux morts et d'un bal le samedi soir. La fête patronale sera célébrée le 1er août jusqu'en 1958.
Lentillac au XXè siècle
Lentillac n'échappe pas à la première guerre mondiale. Vingt et un de ses enfants, pourtant partis la fleur au fusil après une dernière soirée à boire au bistrot de Cabrerets, n'en reviendront pas. La statistique, bien que conforme à celles des autres villages de France, alourdit encore la perte démographique que subit Lentillac depuis 1846.
Comme bien des villages de France à la même époque, Lentillac rend hommage à ses fils disparus en érigeant un monument aux morts. Le financement du monument est réalisé par la voie d'une souscription, auquel le conseil municipal contribue par une subvention de mille francs. Le monument est inauguré le 1er janvier 1922.
La période 1940-1944
Les réfugiés
La seconde guerre mondiale atteint pacifiquement Lentillac en juin 1940. Quelques uns des plus de cent mille réfugiés qui arrivent dans le département - des familles venant de Belgique, de Champagne, du Nord, de la région parisienne - s'arrêtent dans le village. Ils repartent rapidement pour une destination inconnue. Seules deux familles restent au village jusqu'à la Libération. En 1943, cinq enfants arrivent à leur tour de la région parisienne. Ils ont été précédés par des familles qui fuyaient la Provence (Marseille, Nimes). Tous attendent à Lentillac la fin de la guerre.
Les réfugiés sont logés dans des maisons inoccupées, principalement dans le bourg, mais une famille nombreuse venant de Marseille est installée dans l'ancienne école.
La résistance
Le premier acte de résistance dans le Lot, une manifestation devant la statue de Gambetta, se produit le 14 juillet 1942. Au cours du premier trimestre de 1943, les premiers hommes "prennent les bois" à Caniac, non loin de Lentillac, pour fonder le groupe "Libérer et fédérer". L'abbé Cambou, curé de Sénaillac, en est l'aumônier.
Le 6 avril 1944, la Résistance fait dérailler un train qui emboutit l'entrée du tunnel de Coudoulous, au confluent du Lot et du Célé. Deux wagons remplis de benzol et d'ammoniaque sont incendiés, mais le lendemain, alors que des ouvriers sont venus déblayer la voie, d'autres wagons explosent, tuant huit d'entre eux.
En mai de la même année, le régiment "Der Führer" de la division Das Reich lance une offensive de grande envergure contre les maquis et s'en prend au passage à la population civile. Sur le chemin qui les mène à Figeac, puis à Tulle et Oradour-sur-Glane pour y perpétrer les massacres que l'on sait, les SS arrêtent trente personnes à Lauzès, en tuant quatre dont deux civils. D'autres victimes sont mentionnées à Cabrerets et à la Pescalerie.
Bien qu'aucun fait de guerre ne se soit produit à Lentillac même, un poste de commandement F.T.P. est établi à Dantonnet-Pomaret, commandé par M. Dumas (Paul de son nom de guerre) qui sera préfet du Lot à la Libération.
Le "comité de la libération"
A la fin des hostilités, le 30 septembre 1944, le conseil municipal est déposé par le "comité de la libération", qui désigne Honoré Lacarrière, représentant le Front national pour "remplir les fonctions de maire". Mais le nouveau conseil municipal est dissous par le préfet le 20 décembre, pour être remplacé par une "délégation spéciale habilitée à prendre les mêmes décisions que le conseil municipal", présidée par le même Honoré Lacarrière.
Son soutien populaire ne doit être pas être très fort car il est battu à plate couture par Jean Conquet lors des élections de 1945, Jean-Louis Maury - élu en 1935 - ne s'étant pas représenté.
La guerre finie, les choses rentrent dans l'ordre et Lentillac s'enfonce dans une douce torpeur. En 1948, l'abbé Lémozi décrit la région comme un paradis sur terre, "un pays giboyeux où l'on tue lièvres, perdreaux rouges, bécasses, palombes, lapins et sangliers". Dans "la petite Sagne, quelquefois tapageuse" on trouve truites saumonées, truites noires, écrevisses, cresson, sarcelles, râles et poules d'eau... La faune est riche : "hirondelles, corneilles et éperviers habitent la région ainsi que pendant une période très limitée de l'été, un petit papillon très rare, le Cimelia margarita", les sangliers "se multiplient à l'excès" dans la vallée de la Sagne. La flore n'est pas moins abondante puisqu'on découvre "la spire crénelée (Spirea crenata), la térébinthe, le soja, le genièvre, le houblon". La truffe, même, est "assez abondante".
La vie économique
Aucune rupture n'intervient dans la vie économique de Lentillac au cours de la première moitié du XXè siècle. Les cultures et l'élevage restent ce qu'ils étaient à la fin du siècle précédent. Dans le canton, un comice agricole est fondé en 1922, auquel les agriculteurs de Lentillac participent probablement, mais sans y prendre de responsabilités.
Les infrastructures se modernisent lentement : la route de Cahors à Figeac (D 653) est empierrée et goudronnée à partir de 1935, mais celle qui longe la Sagne de Sabadel à Cabrerets (D 13) ne sera goudronnée, par tronçons, qu'entre 1960 et 1965. Quant aux routes qui desservent le village, elles ne le seront qu'à partir de 1965.
Dans les années trente, la vie au village est encore active : on y trouve un boulanger, deux épiceries, deux cafés, un bureau de tabac, un forgeron, une couturière et un coiffeur. Un marchand de fromages s'occupe de collecter la production du village et d'aller la vendre à Cahors. Tous ces commerçants ou artisans disparaissent peu avant la guerre.
L'électrification
Si Cabrerets s'électrifie dès 1921, il faut attendre 1934 pour voir Lentillac faire les mêmes progrès. Cette date est relativement tardive, car le mouvement d'électrification des campagnes a commencé dès avant 1919, date à laquelle 17% des communes rurales de France sont électrifiées. En 1932, la proportion s'inverse : elles ne sont plus que 17% à ne pas être électrifiées.
Prendre la décision d'un tel investissement est difficile. La commune adhère en 1930 au " syndicat intercommunal de Laroque-des-Arcs pour la construction et l'exploitation d'un réseau de distribution d'énergie électrique ", et confirme son adhésion au projet en 1932, année au cours de laquelle la commune reçoit l'autorisation d'installer un transformateur.
Mais la charge financière est trop lourde et le conseil municipal rejette le projet d'éclairage électrique l'année suivante. Le projet renaît dès 1934 : la commune décide de prendre un emprunt de 53 481 francs sur 30 ans pour financer le projet.
C'est donc en 1934 que le bourg de Lentillac découvre l'éclairage électrique. Les hameaux suivront quelques années plus tard (Dantonnet en 1938, Aussou en 1939). L'électrification est le premier des " conforts modernes " dont bénéficient les habitants de Lentillac. Les autres suivront beaucoup plus tard puisqu'il faudra attendre 1974 pour voir installer l'eau courante et 1979 pour le téléphone.
Mécanisation de l'agriculture
La mécanisation de l'agriculture n'intervient qu'à partir de 1950, date de l'achat du premier tracteur par un exploitant de Lentillac. Auparavant, les gros travaux agricoles et les labours étaient effectués en utilisant des boeufs, ce qui générait un certain élevage bovin. Les boeufs, chassés par les tracteurs, disparaissent au cours de la décennie 1950 et sont remplacés par des vaches qu'on élève pour leurs veaux. La crise du veau qui intervient au début de la décennie 1960 met fin à l'expérience.
Les années soixante sont aussi celles de la mise en commun des matériels lourds de productions agricoles au travers d'une CUMA. Aujourd'hui, tous les gros travaux sont effectués par l'intermédiaire de cette association.
Population : enfin la stabilité ?
Dans la première moitié du XXè siècle, les conditions de vie sont difficiles dans les villages du causse. C'est à pied que les habitants de Lentillac conduisent leurs bêtes aux marchés de Gramat, Assier, Limogne ou même Figeac. Plusieurs témoignages rapportent une anecdote qui décrit probablement assez bien la situation matérielle des Lentillacois : on allait à la foire pieds nus, ses chaussures à l'épaule, pour ne se chausser qu'une fois sur place, par soucis d'économie.
La dépopulation, entamée depuis le milieu du XIXè siècle, continue jusqu'en 1975, date à laquelle elle semble stoppée. Depuis un peu plus de 20 ans, la population du village s'est stabilisée légèrement au-dessus de cent habitants.
Année Population
1921 235
1926 233
1931 219
1936 212
1946 168
1954 177
1962 134
1968 119
1975 101
1982 108
1990 104
La population de Lentillac au XXè siècle
Cet effritement s'est accompagné de son cortège de fermetures. La plupart des magasins, on l'a vu, disparaissent à la veille de la guerre de 1939-1945. La paroisse se trouve rattachée à Saint-Cernin (1963) puis à Cabrerets (1986), bien qu'on célèbre encore des messes dans l'église Saint-Pierre une fois toutes les trois semaines environ, et à l'occasion des fêtes religieuses.
L'école, devenue unique (et donc mixte) avant 1940 pour cause d'effectifs insuffisants, alors qu'elle avait compté jusqu'à quatre classes, ferme définitivement en 1970. Sa classe unique ne compte plus que huit élèves de 5 à 11 ans, et aucune relève n'apparaît dans les registres d'état-civil. Un ramassage scolaire est alors organisé pour permettre la scolarisation des enfants de Lentillac à Sabadel. La salle de classe est, quelques années plus tard, transformée en salle polyvalente.
Lentillac aujourd'hui
Les conditions de vie, difficiles jusqu'à l'avant-guerre, se sont substantiellement améliorées pendant les trente dernières années : le téléphone, l'eau courante, des routes entretenues, le ramassage des ordures ont apporté aux habitants la facilité du " confort moderne ".
L'agriculture et les " agneaux fermiers du Quercy "
Le village consacre toujours l'essentiel de son activité agricole à l'élevage des moutons : 1 500 brebis-mères mettent bas chaque année plus de 2 000 agneaux qui bénéficient du label " Agneau fermier du Quercy ". Les bêtes sont vendues à la coopérative d'élevage du Lot (CAPEL) ou à certains acheteurs spécialisés. L'élevage induit des cultures : céréales (blé, orge, avoine) et fourrage sont produits dans le village pour la consommation animale.
A côté de l'élevage, le tabac (70 000 pieds pour trois planteurs qui pratiquent également l'élevage du mouton) reste la seule culture dont la production est destinée à être vendue. L'unique ressource naturelle du village, le bois, est également exploitée sous forme de bois de chauffage ou de copeaux.
Mais la conjoncture est difficile, et les exploitations ne survivraient pas sans les subventions de l'Union Européenne. Certains voient un espoir d'amélioration dans les responsabilités en matière d'entretien de l'espace rural qui pourraient être confiées aux agriculteurs et qui leur apporteraient un complément de ressources.
Les trois artisans de Lentillac (deux menuisiers et un électricien) constituent, avec le village de vacances du Mas del Pech, les seules activités économiques non agricoles du village.
La lutte contre le dépérissement du village
C'est dans l'alliance avec les communes avoisinantes que les petites communes trouvent les moyens de lutter contre le dépérissement naturel du village. Membre du SIVOM de Lauzès depuis une trentaine d'années, Lentillac est aussi membre depuis 1995 de la Communauté des Communes Lot-Célé qui, bénéficiant d'une partie des ressources de la fiscalité locale, a pour vocation de financer des projets d'intérêt collectif dépassant le cadre communal.
Le projet de Parc naturel régional des causses du Quercy a également pour objectif d'aider à la survie des exploitations et de l'artisanat, de maintenir le service public et le petit commerce dans les zones rurales tout en préservant le patrimoine local. C'est grâce à ce projet que la commune a pu faire nettoyer les berges de la Sagne ou peut envisager, afin de favoriser les promenades touristiques, de remettre en état le sentier de la Combe gelée.
C'est dans ce même esprit que la restauration du lavoir de la Sagne a été entreprise et qu'il est envisagé de construire un " travail " (construction en bois utilisée pour ferrer les boeufs) sur la place de Lentillac.
Lentillac demain...
La fin du XXè siècle n'est certes pas la période dorée de l'histoire de Lentillac (le village était, mutatis mutandis, probablement plus " riche " à la fin du XVè siècle, même si les conditions matérielles étaient sans rapport avec celles d'aujourd'hui). Lentillac, pris dans l'engrenage d'un modernisme qui, tout en assurant un relatif bien-être aux habitants, néglige ses campagnes, est confronté aux difficultés que connaissent les régions rurales que la nature n'a pas doté aussi bien que d'autres des qualités qui font des terres riches.
Depuis sa fondation, il y a plus de 15 siècles, Lentillac a traversé des périodes heureuses et des difficultés. Certaines périodes ont été très dures (la guerre de Cent ans a bien failli emporter le village), mais cela n'a pas empêché le village de s'adapter, de croître jusqu'à compter plus de 650 habitants au milieu du XIXè siècle.
Même si la conjoncture de cette fin de siècle n'est pas la plus facile, souhaitons au village de trouver en son sein les ressources nécessaires à l'indispensable effort qui lui permettra d'entrer, fier de son passé et confiant dans l'avenir, dans le XXIè siècle.


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