Les Temps modernes

 

Introduction
Les guerres de religion
Les Crussol d'Uzès, seigneurs de Lentillac
La paroisse
  Lentillac, chef-lieu de congrégation foraine  
La communauté
  Les limites administratives
  Les chemins
La population
  Le bourg et les mas
  Les métiers de la terre
  Les autres métiers
L'agriculture
  L'élevage
  Les cultures
  La fiscalité
 

Introduction
Les Hébrard de Saint-Sulpice restent les seigneurs de Lentillac jusqu'au début du XVIIè, époque à laquelle ils sont remplacés, par héritage, par les Crussol d'Uzès. La déclaration établie par Raymond d'Hébrard lors du dénombrement de 1504 (n. st.) nous apprend que ce seigneur possède "Lentillac et Caumont contigus, avec toutes juridictions [qui lui rapportent] 30 livres 5 sous, 20 1/2 charges de froment, 13 d'avoine, 32 livres de cire, 42 paires de poulailles, 42 paires de journées de corvées et 4 chevreaux". Dans les environs immédiats, Raymond possède également Artix, Orniac et Sabadel. Ces possessions lui vaudront de devoir fournir au roi un homme d'armes.
En 1525, Louis d'Hébrard, fils de Raymond, seigneur de Lentillac, Orniac et Sabadel donne lauze pour "acquisition de partie d'un molinar". En 1526, il donne Lentillac, Orniac et Sabadel à son neveu Antoine d'Hébrard. En contrepartie, Antoine s'engage à "l'entretenir de façon convenable, suivant sa qualité, dans sa maison de Cajarc". 
 
Les guerres de religion
Les guerres de religion débutent en Quercy en 1561 par le sac de la Chartreuse et le massacre de la maison d'Auriole. Elles vont secouer le pays pendant les quarante dernières années du XVIè siècle.
Les deux camps sont présents dans les environs de Lentillac. Les Hébrard sont la grande famille catholique de la région : lorsque Jean est seigneur de Saint-Sulpice, son frère Christophe est abbé de Marcilhac. Son fils Antoine, "surnommé Lentillac, à cause d'une terre de la famille", devient (à dix-huit ans) évêque de Cahors en 1577. Lentillac se trouve donc, par son seigneur, dans le camp catholique.
Le camp huguenot est représenté d'abord par les Gontaud, seigneurs de Cabrerets et proches d'Henri de Navarre et, à une plus petite échelle, par les Geniès, installés sur la borie du même nom, en peu en aval de Sauliac. La famille Geniès a fait le mauvais choix : Gilbert mourra à Cahors prisonnier des catholiques et la famille devra abandonner son fief de Geniès...
Les affrontements sont épisodiques. On vole du bétail, on fait des prisonniers qu'on échange ensuite... Le 8 janvier 1586, un certain Garguas, prisonnier à Cabrerès, écrit à madame de Saint-Sulpice ("A mad. mad. de St-Supplici à St-Suplicy") pour la supplier d'échanger sa libération contre celle du prisonnier qu'elle tient à Brengues : "Dieu a voulu que je sois constitué prisonnier par les soldats de Cabrerès, et Dieu veut aussi que un des paysans de mr de Cabrerès a été fait prisonnier par les soldats de Marsilhac et conduit à Brengues, sans lequel je ne puis sortir de captivité, pour ce que led. sr de Cabrerès ne veut que je sois élargi qu'il n'aye recouvert celui qui est à Brengues". On ne sait pas s'il a réussi à la convaincre.
En 1574, les protestants tiennent solidement Cabrerets, Cras, Cajarc. En 1580, ils exigent de percevoir la dîme de Saint-Cernin.
1586, année de l'offensive du duc de Mayenne (catholique) en Quercy est une année difficile pour les villages des environs de Lentillac. Dès les premiers jours de janvier, les protestants prennent la "croso de Saulhac". Plus tard dans l'année, ils s'installent pour résister à Blars et à Orniac et tentent d'attaquer Saint-Cernin. Le 16 mai, un certain Boiresse écrit à l'évêque de Cahors. "Pour le regard de ce pays, il est maintenant en tel estat que l'ennemy se empare aisément des fortz plus que jamais, car personne ne s'oppose à luy. Il s'est saisy de Blars, dont mr de Marcilhac recevoit beaucoup de commodités pour sa maison [...]."
L'abbé de Marcilhac confirme à l'évêque la mauvaise nouvelle dès le lendemain, 17 mai, dans une lettre "A mr mon neveu, mr l'évêque et comte de Caors, conseiller du roi en son Conseil d'Etat, à Paris" où il écrit : "Je vous avise que les affaires de ce pauvre pays vont toujours en empirant, les ennemis y étant les maîtres de la campagne, ce que je ne dis pas pour mon intérêt particulier, ayant été prise mon église de Blars, et s'y trouvant et fortifiant les ennemis il y a déjà un mois, et après ont prise la maison de Quissac à mon frère mr du Vigan, le tout à une petite lieue de St-Sulpice. Je vous laisse penser en quelle peine sont tous les circonvoisins."
Ce même 17 mai 1586, l'évêque de Cahors apprend par Mr de Caissac que les protestants ont attaqué l'église d'Ornhac "et encores yer tentarent de surprendre St-Sernin, mais ilz n'ossarent l'ataquer."
Par chance, si l'on peut dire, Lentillac ne possède ni château ni édifice religieux majeur, de sorte que le village échappe probablement à une attaque massive. Du moins n'en avons nous aucune trace. Cela n'empêche pas les habitants de prendre quelques coups. Ainsi, en 1577 et sans que nous sachions pour quel motif, des habitants de Lentillac sont retenus prisonniers dans les environs de Rocamadour par un protestant, Massaut, dit Camburat, seigneur de Lagrezette, Nozac, Payrac et Rouffilhac.
Les Lentillacois sont libérés, semble-t-il, sur une intervention de Guy de Clermont, sénéchal de la Ligue. C'est du moins ce que laisse penser une lettre du 11 avril 1577 d'un certain Lacroix à Saint-Sulpice : "Ayant reçu sa lettre en faveur des habitants de Lentilhac, il en a parlé à mr de Clermont, qui doit (écrire) à mr de Roffilhac, ce qui suffira pour l'élargissement des paysans qu'il détient prisonniers à Rocamadour."
Ce kidnapping de groupe et sa fin heureuse sont les seuls éléments concernant Lentillac pendant la période des guerres de religion. Mais, lorsque les guerres s'arrêtent en 1598, le pays est "ruiné, saccagé et volé", les adversaires "n'ayant laissé villes, bourgades, villages ou maisons à piller et voler". La misère est extrême : à la disette succède la peste, des bandes armées parcourent la campagne et "les loups dévorent en Quercy et pays voisins un grand nombre de personnes de tout âge et de tout sexe".
Bref, une bonne partie des efforts faits pendant la période précédente est anéantie.
 
Les Crussol d'Uzès, seigneurs de Lentillac
La seigneurie de Lentillac, comme celles de Lauzès et d'Orniac, passe par héritage, au début du XVIIè siècle, des Hébrard aux Crussol d'Uzès. En 1641, c'est Emmanuel de Crussol qui rend hommage au roi pour Lentillac, qui lui rapporte 500 livres de revenu. La même année, une transaction est passée avec les habitants : Crussol renonce à la garenne et au colombier obtenus par le seigneur lors de la transaction de 1470 moyennant une augmentation du cens de 4 setiers de froment et 4 d'avoine.
En 1648, les habitants se révoltent et refusent d'effectuer les corvées. Un accord est passé aux termes duquel les corvées sont supprimées, mais les habitants paieront en échange 5 sols pour chaque manoeuvre et chaque feu, donc 10 sols par an et par famille, payables à Noël. Cette transaction est suivie en 1753 et 1758, d'autres transactions, dont nous ignorons le sujet.
A la veille de la Révolution, le seigneur de Lentillac est Dame M.L.V. de Crussol, comtesse de Sennecterre, marquise de Saint-Sulpice, qui dénombre Lentillac parmi ses possessions dans la déclaration des revenus et des rentes nobles de 1781.
 
La paroisse
Le curé de Lentillac est l'unique décimateur de la paroisse, c'est-à-dire qu'il perçoit la dîme en totalité. En 1631, un "estat des parroisses quy sont dans lestendue de chacune eslection de la generallité de Bordeaulx" indique pour Lentillac :
 
  «Lentilhac : Le sieur duc d'Uzès en est seigneur releve de sainct suplice et luy vault cinq cens livres. Le dixme sy leve a l'onze et vault au curé dépendant de Cahors quatre vingtz charges de blé et cens dix charges de vin et il y a soixante feux.»
 
A la Révolution, les revenus de la paroisse se montent à 1 000 livres. A en croire Eugène Sol, le curé de Lentillac, comme ses collègues uniques décimateurs, vit bien, car à la dîme s'ajoutent le casuel et le revenu de propriétés foncières.
Au XVIIè siècle, les curés et les recteurs ont des devoirs envers les églises sous leur dépendance. Un édit d'avril 1695 précise qu'ils doivent entretenir le choeur et la nef des églises, tandis que la clôture des cimetières est à la charge des habitants. Le clocher est entretenu par le curé ou les paroissiens suivant qu'il surplombe le choeur ou la nef. Quant aux paroissiens, ils doivent construire et entretenir le presbytère. L'édit de 1695 les oblige, en effet, à fournir un logement convenable à leur curé.
Certains se montrent généreux, tel Félix Bénech, ancien curé de Lentillac, qui fait une donation en 1756 en faveur de son domestique Guillaume Dufour. En 1786, le curé Sylvestre prend ses fonctions à Lentillac. Nous le retrouverons pendant la période révolutionnaire, au cours de laquelle il aura quelques ennuis après avoir refusé de prêter le serment constitutionnel.
 
Lentillac, chef-lieu de congrégation foraine
Lentillac est, aux XVII et XVIIIè siècles, chef-lieu d'une congrégation foraine du département (division du diocèse) de Cahors, à laquelle appartiennent les paroisses d'Artix, Blars, Cabrerets, Canhac, Domenac, Lauzès, Liauzu, Ournhac, Sabadel-del-Causse, Sénaillac, Sauliac et Vialoles.
A cette époque, les congrégations foraines sont des circonscriptions ecclésiastiques qui remplissent également une fonction de "formation continue" des prêtres. Ceux-ci se réunissent en conférence, avec ou sans doyen, pour réfléchir sur des thèmes proposés par l'évêque et rédigent un rapport, "souvent d'excellente qualité ".
 
La communauté
Du XVIè au XVIIIè siècle, la communauté semble vivre une période tranquille. Les documents conservés aux archives départementales, les contrats de mariages, les testaments, les donations, les ventes, les échanges en constituent le reflet. Comme dit Joanne avec tout le tact qui caractérise la Troisième république triomphante, à partir du XVIIè siècle, " ce pays [Le Quercy] ne prend aucune part à l'histoire générale ".
Les documents des Archives nous apprennent, par exemple, que le notaire royal de Lentillac, un certain Méric Longpech, transmet sa charge à son fils, dans les années 1640. Celui-ci est remplacé, vers 1667, par Jean Lapergue, auquel succède (son fils ?) François en 1673. Ce Jean Lapergue réalise avec son collègue Jean Brunet, notaire royal de Rudelle, un cadastre du taillable de la communauté de Durbans. Mais le cadastre est mal fait et doit être corrigé en 1674 par Jean Ayroles, notaire d'Aynac et Jean-Louis Latapie, expert de Sonac...
Cela n'empêche pas les disputes : dans les années 1760, un procès oppose Pierre Valette à la famille Galtié à propos de l'usage d'une " pièce de terre bonne située au tènement del pech de las fargues ".
 
Les limites administratives
Les structures administratives de l'Ancien régime sont complexes.
A la fin du XVIIIè siècle, Quercy et Rouergue sont réunis au sein de l'Assemblée provinciale de Haute-Guyenne, dont le siège est à Villefranche-de-Rouergue, ce qui ne manque pas de déplaire aux Quercinois. Lentillac appartient alors à la subdélégation de Gourdon de la généralité de Montauban (administration générale), à la sénéchaussée de Cahors (administration judiciaire) et à l'élection de Figeac (administration fiscale).
Nous avons vu que, dès le XVè siècle, les limites de la seigneurie de Lentillac correspondent à celles de la commune que nous connaissons aujourd'hui. Une première analyse des quelques 200 toponymes relevés sur le cadastre de la fin du XVIIIè siècle confirme cette impression. Toutefois, il semble bien que certains terroirs appartenant aujourd'hui à d'autres communes ressortissaient à la fin du XVIIIè siècle. C'est par exemple le cas du terroir d'Esquine d'Azé (dos d'âne) et des Cheneviers d'Estienne (Sabadel), de la Fon (fontaine) del Bournhou (Sénaillac), du terroir de la Corviezade (Orniac ?), du Pech de Domenac (Sénaillac), du Puy de la Greze (Cabrerets).
Toutefois, les limites territoriales de la communauté ne correspondent pas à celles de la paroisse. Le mas d'Aussou, en effet, est dit "de la paroisse d'Orniac, juridiction de Lentillac".
 
Les chemins
De nombreux chemins relient entre eux le bourg, les différents hameaux de la communauté et les communautés avoisinantes, dont le " chemin de figeaques " qui relie Cahors à Figeac et qu'on aperçoit sur la carte de Cassini. Toutefois, le nombre des chemins ne doit pas faire illusion. Ils étaient étroits, peu praticables et en mauvais état, comme d'ailleurs partout ou presque dans les campagnes de France. En Quercy, la seule route accessible aux voitures était la route de Paris à Toulouse. A l'époque, ni la départementale 653 qui relie aujourd'hui Cahors à Figeac, ni la départementale 41 qui suit la vallée du Célé n'existaient. Elles ne seront construites qu'au XIXè siècle (il faudra attendre 1819 pour voir construire les premières routes départementales empierrées).
Les difficultés de communication seront d'ailleurs souvent mentionnées dans les cahiers de doléances. L'absence de chemins signifie pour les populations l'absence de commerce, comme l'indique le cahier de Lentillac :
   
  «Notre paroisse étant située dans un causse tout à fait aride, sans communication avec aucune autre ville que celle de Cahors, dont elle est éloignée de cinq grandes lieues et où l'on ne peut aboutir que par des chemins affreux, tout espèce de commerce nous devient impossible.»
   
Ceux des autres communautés vont dans le même sens :
   
  «Les chemins pour aller [à Cahors, à cinq lieues] sont affreux et impraticables pour les charrettes, [alors] l'exportation du blé froment se fait à grands frais, attendu que tous les transports se font à dos de mulets et faut-il avoir encore recours aux paroisses voisines» (cahier d'Artix).
   
  «Distante de six mortelles heures de marche des deux villes voisines qui sont Cahors et Figeac ; les sentiers qui y aboutissent de tout côté sont impraticables, non seulement à cheval mais même à pied, ce qui met les habitants hors de portée de toute espèce de commerce» (cahier de Cabrerets).
   
  «Le bois qui est dans cette communauté, et qui manque en d'autres endroits, soulagerait un peu la misère si on pouvait l'exporter ; mais les chemins sont si affreux que cela est impossible, de manière que personne ne se présente pour en acheter» (cahier de Sénaillac).
   
La population
La population de Lentillac augmente constamment depuis le repeuplement de 1445 et continuera de croître jusqu'au milieu du XIXè siècle. En 1631, l'"estat des parroisses" déjà cité nous apprend qu'il y a soixante feux dans la paroisse de Lentillac (ce même état annonce 30 feux à Blars, 40 à Orniac et 60 à Sauliac), ce qui doit correspondre à une population d'environ 300 habitants. La population atteindra un maximum de 670 en 1846, puis décroîtra, comme celle des autres communes du canton et du département.
Nous ne disposons d'aucune information spécifique sur la population de Lentillac avant la guerre de Cent ans, ni même d'une approximation. Tout au plus savons-nous que le Quercy est au XIIIè siècle une région "peu peuplée", c'est-à-dire dont la densité de population est inférieure à 40 habitants au kilomètre carré. La population de Lentillac (environ 14 km2) est peut-être de l'ordre de cent habitants...
La fin du XVIè et le début du XVIIè siècle sont une période difficile. Après une famine en 1594, une violente épidémie de peste, apportée à Saint-Flour par des marchands qui venaient à la foire, puis importée en Quercy par un muletier, passe en 1627-1628 à quelques kilomètres de Lentillac. Peut-être même l'atteint-elle, car elle ravage Caniac tout proche.
 
Le bourg et les mas
L'analyse du cadastre et de l'état des sections de 1791 montre que la moitié de la population habite le bourg et que 70% de la population est réunie entre le bourg, le Mas del Pech et les Mazes.
Ces documents ne font apparaître que les noms des propriétaires. Il serait donc à craindre que les non-propriétaires ne soient omis. En fait, Il est probable que cela n'est pas le cas : en effet, 132 propriétaires identifiés peuvent largement correspondre à une population d'environ 500 habitants.
Le Prieur (à l'époque, Le Prieu) n'est pas mentionné dans l'état des sections, alors que nous savons qu'il est habité : l'analyse des noms des habitants sur le cadastre montre que ceux du Prieu sont inclus dans le bourg dans l'état des sections.
 
Les métiers de la terre
La majorité (56%) des habitants (adultes et propriétaires) de Lentillac tels que décrits dans l'état des sections cité plus haut, sont des paysans : laboureurs, travailleurs, fermiers ou métayers. Ce qui distingue le laboureur du travailleur, c'est que le premier possède suffisamment de terre pour en vivre, tandis que le second doit également vendre son travail aux autres pour vivre. C'est le cas, par exemple de F. Baduel, de Lentillac, "berger du sieur Rouqié, laboureur". Contrairement à ce qui se produit ailleurs, le terme de travailleur n'a pas ici de sens générique.
Les laboureurs, qui représentent environ la moitié des propriétaires (48%), forment le groupe le plus nombreux. L'ensemble des paysans qui, bien que propriétaires, ne vivent pas de leur terre (travailleurs, fermiers, bergers) ne représentent que 30% de cette population.
A côté de ceux qui travaillent la terre, nous trouvons également un bourgeois (Lasgasquie, de Lentillac) et un propriétaire (Hérétié, des Mazes), suffisamment riches pour faire exploiter leur terre par d'autres, sans la travailler eux-mêmes.
   
Les autres métiers
Les non-paysans, les artisans, les commerçants, le notaire Valery, possèdent des terres et les travaillent probablement car il n'est pas rare qu'un même personnage soit qualifié à la fois par son statut agricole et son activité non-agricole dans les documents. A Lentillac, aux environs de 1791, il y a (le chiffre entre parenthèses indique ceux qui sont également désignés dans le cadastre comme laboureurs ou travailleurs) :
     
  27 artisans : 5 (+2) tisserands (qui traitent le chanvre cultivé à Lentillac), 3 maçons, 3 menuisiers, 2 (+1) tailleurs, 2 cordonniers, 2 maréchaux-ferrants,  2 voituriers, 1 (+1) bastiers (fabricants de bâts), 1 charron, 1 sabotier, 1 meunier (propriétaire de son moulin)
     
  5 "autres" : 2 marchand/négociant, 1 notaire, 1 domestique, 1 curé
     
  13 "femmes" : 8 veuves (dont Magdelaine Grimal, veuve d'un tailleur), 5 femmes citées comme co-propriétaires
   
On ne manque pas de s'étonner, en parcourant cette liste, de n'y trouver aucun métier directement lié à l'élevage du mouton dont nous verrons plus bas qu'il constitue une part importante de l'activité agricole...
Les femmes sont particulièrement absentes. Les seules qui soient mentionnées sont quelques co-propriétaires - Epouses, peut-être, mais rien n'est certain. Le lien marital ou familial n'est pas mentionné sur les documents, qui ne signalent qu'une copropriété - , sans autre statut, et, plus souvent encore, les veuves. Aucune femme n'est mentionnée pour sa profession.
Toujours est-il que, selon ces sources, les propriétaires de Lentillac se répartissent ainsi :
     
Statut Nombre Proportion
Paysans (1) 74 56,1%
Propriétaires/bourgeois 2 1,5%
Artisans 27 20,5%
Autres (2) 5 3,8%
Femmes, veuves 13 9,8%
Satut inconnu 11 8,3%
Total 132 100%
(1) Travailleurs, bergers, fermiers, laboureurs.
(2) Soit 2 négociants, 1 notaire, 1 curé, 1 domestique
Propriétaires de Lentillac en 1791
 
Les Valery, installés à Dantonnet depuis le XVIIè siècle, forment une véritable dynastie : trois d'entre eux seront notaires Jean (1727-1772), puis un autre Valery (1743 - an VII), et Jean-Baptiste (an VIII - 1820). En 1789, c'est également un Valery qui est secrétaire de la communauté et qui signe à ce titre le cahier de doléances. Un Valery - le même ? - jouera également un rôle important au niveau départemental pendant la Révolution en étant procureur-général syndic du Lot puis agent communal (maire) de Lentillac. 
Un peu plus tôt dans le siècle, Eugène Sol signale également un chirurgien en 1746, le sieur Rigal. Il n'est pas fait mention d'un chirurgien en 1791. Par contre, il en est un à Sénaillac, Delpech.
Des informations nous sont également fournies par les cadastres des communautés voisines. Le cadastre d'Artix établi en 1768, par exemple, fournit le nom et la qualité des propriétaires forains habitant Lentillac :
 
Origine Profession Nombre
Lentillac (bourg et mas) Tisserand 1
Bourrelier 1
Laboureur 3
Travailleur 1
Peigneur de laine 1
"Aussou, paroisse d'Orniac" Charpentier 1
Habitants de Lentillac propriétaires à Artix en 1768
 
Le cadastre d'Orniac, établi en 1770, mais moins complet que celui d'Artix, indique également le nom de Charles Valery, avocat au parlement, habitant Dantonnet.
On trouve déjà un Charles Valery, notaire royal à Dantonnet, en 1733. Cette année-là, en effet, Me Antoine Sterlin, avocat, demeurant à Lauzun en Agenois, afferme pour 9 ans et 9 400 livres par an, au nom du duc de Biron, seigneur de Cabrerets, à Charles et Jean Valery, de Dantonnet, à Jean Laur, bourgeois de Cahors et à Pierre Prat, marchand de Sabadel, la seigneurie de Cabrerets (l'afferme comprenait Vialolles, les possessions de Bouziès-Bas, Masséries et Saint-Géry).
Au terme du bail, le 28 février 1742, messire P. des Plas, écuyer, chevalier d'honneur en la cour des Aides de Montauban, procureur du duc de Biron, afferme le tout, pour 9 ans et 9 300 livres, au seul Charles Valery (qui verse un pot de vin de 600 livres à madame la Maréchale de Biron).
 
L'agriculture
Nous ne savons pas si Richeprey, en mission d'inspection des cadastres en Quercy et Rouergue dans le début de la décennie 1780, a visité Lentillac. En tout cas, il ne mentionne pas le village dans la relation qu'il a faite de sa mission.
 
L'élevage
D'après Sol, en 1746, on élève à Lentillac-du-Causse : 657 "bêtes à laine", 92 porcs, 1 vache, 19 chevaux, 32 mulets, 1 âne.
"Au domaine du Comte (?), à Lentillac-du-Causse, il y trois chevaux et onze mulets ; à la disposition du curé du lieu, il y a un cheval ; dans la propriété Desclaux, deux chevaux ; dans celle du chirurgien Rigal, un ; dans la propriété de Pierre Germes, on trouve un mulet, et, dans celle de Brassac un cheval. Chez d'autres propriétaires de la même commune, on rencontre, alors, au total, onze chevaux et vingt mulets. Mais la communauté n'a qu'un âne. ". Un seul âne pour 32 mulets÷ la proportion est étonnante... De même, il est surprenant qu'aucun boeuf de labour ne soit mentionné.
L'activité de la communauté est donc principalement tournée vers l'élevage du mouton. Cela est confirmé par le grand nombre de grèzes qui apparaissent au cadastre. Les moutons devaient être vendus à la foire " de bêtes à laine " de Cabrerets, qui fut célèbre au XVIIè siècle. 
 
Les cultures
Le cadastre et l'état des sections déjà mentionnés ainsi que le cahier de doléances rédigé en mars 1789 par les habitants, donnent quelques informations sur les cultures pratiquées dans la communauté. On y cultive : le froment (blé), la mixture, les menus grains, l'avoine, la vigne... Le rendement des céréales est de cinq pour un, ce qui signifie qu'environ 1/5è des grains récoltés doit être mis de côté pour les prochaines semailles.
Le cahier de doléances annonce les productions suivantes :
 
Production Quartes (mes. de Cahors) Hectolitres
Froment 880 686,40
Mixture 330 257,40
Menus grains 300 234
Avoine 88 68,64
Vin (barriques) 128 262,83
Productions agricoles de la communauté de Lentillac "dans les années médiocres" (d'après le cahier de doléances)
 
Toutefois, les rédacteurs du cahier précisent que ces productions sont celles des "années médiocres". Il est probable qu'elles sont largement sous-estimées afin de présenter un tableau le plus sombre possible. Cela ne signifie pas que la situation n'était pas dramatique : les conditions climatiques sont très défavorables dans la seconde moitié de la décennie 1780.
1786 est une année de sécheresse puis de pluies trop abondantes. C'est la disette des fourrages. A Cabrerets, les habitants ne peuvent plus payer le cens et le seigneur doit dispenser du paiement les métairies et les domaines de Pechmayres, Le Rat, Camy, Maleterre, Le Millet, Mourtayrol, Pilate, Fargues, le Serpoul, La Grezette, Merlan et les Igues.
L'année 1787 se fait remarquer "par la médiocrité de ses grains" après une succession de froids et de pluies trop abondantes. 1788 fut "bien affligeante" à cause de la sécheresse. On s'attendait à une grande misère pour l'hiver 1788-1789 : il serait impossible de payer les impôts, "l'argent étant fort rare et les grains aussi"...
Le cadastre de la communauté mentionne également des châtaigneraies (au terroir de Las Falguieres (fougères) et des chènevières (en particulier près de la Sagne, au Valadié, mais aussi au Mas del Pech), ce qui explique la présence de tisserands.
 
La fiscalité
Les impositions payées par la communauté de Lentillac en 1746 s'élevaient à 4179 livres dont 132 pour les charges locales. En 1779, nous relèvons les montants suivants, légèrement en baisse :
 
Impôt Montant
Taille 1915 l. 16 s.
Charges locales 108 l. 17 s.
Trop-allivré 70 l. 10 s.
Chemins ?
Vingtième rural 1038 l. 0 s.
Capitation roturière 827 l. 15 s.
Total 3960 l. 18 s.
Impositions payées par la communauté en 1779
 
La taille est l'impôt royal, les charges locales sont, comme leur nom l'indique, destinées aux dépenses locales, le trop-allivré est destiné à attribuer des secours aux communautés trop imposées, l'impôt sur les chemins est destiné à l'entretien des routes et des chemins, le vingtième rural (destiné à amortir la dette de l'Etat) et la capitation roturière (provisoire depuis 1701...) sont des impôts sur le revenu. Ces impositions sont calculées sur une assiette de 4 feux, 29 belugues 2/4.
Ces impôts, qui représentent environ le tiers des revenus annoncés dans le cahier que nous savons probablement sous-estimés, seront l'objet des plus grandes plaintes dans le cahier de doléances que prépareront les habitants de Lentillac au début du mois de mars 1789.
En somme, nous pouvons imaginer Lentillac aux XVIIè et XVIIIè comme un petit village calme, tourné presqu'exclusivement vers l'agriculture. La plupart des habitants ne sont pas riches : on y rencontre beaucoup de laboureurs et de travailleurs, mais pratiquement pas de bourgeois, suffisamment riches pour ne plus travailler leur terre eux-mêmes.
Les paysans de la fin du XVIIIè siècle vivent dans des conditions difficiles. Même si elles sont outrées, les plaintes des cahiers traduisent des douleurs sincères.
Les habitants de Lentillac se décrivent comme de "pauvres laboureurs", tandis que ceux de Nadillac disent être" nourris de père en fils dans les malheurs et les calamités du temps depuis près de deux siècles ".
Cabrerets se décrit comme la " communauté, située dans le coin du monde le plus affreux et le plus abominable, n'a pour ainsi dire d'autres possessions que des rochers escarpés et des montagnes presque inaccessibles, couvertes de buis et d'autres mauvais bois pour presque point de pacage. [...] On peut affirmer que la communauté est une des plus pauvres et misérables du royaume. Elle est si pauvre qu'elle n'a pas seulement de maison presbyterale pour y loger le curé qui la dessert [...]."
A Sénaillac et Domenac, les habitants sont si pauvres qu'ils doivent "se nourrir d'un alliage de menus grains qui forme du pain si exécrable que nous voyons journellement les chiens appartenant à des étrangers ne vouloir pas le manger. Quelle affreuse position !"
A Artix, "pour notre nourriture, nous gardons le millet et le blé sarrasin dont nous faisons un pain dont la vue et le goût attendrit le coeur le plus insensible sur notre sort." Ils concluent que "le sort des nègres de l'Amérique est plus heureux que le nôtre, et cependant on ose nous dire tous les jours que nous sommes libres".
Blars demande "un don pour la réparation de leur église paroissiale qui se dépérit par vétusté et que la communauté ne peut réparer à cause de sa grande pauvreté et de sa grande misère."
Etc, etc.


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