Après la guerre de Cent ans

 

Introduction
L'accensement de 1445
Les Hébrard de Saint-Sulpice
La transaction de 1470
Organisation de la communauté
Les habitants
Le paysage
Le village se protège
Impôts, taxes et corvées
 

Introduction
A la fin de la guerre de Cent ans, le seigneur de Lentillac est Arnal Pélegry, également seigneur de Sénaillac et Domenac. La famille de Pélegry n'a cessé de résider au Vigan pendant toute la guerre. A la fin des hostilités, sa fortune a été largement entamée. Il lui importe donc de remettre au plus tôt ses fiefs en état : repeupler et (faire) défricher sont ses priorités
Lentillac, comme de très nombreux fiefs en Quercy, sera repeuplé par la voie d'un accensement collectif. Dans un tel contrat, le seigneur traite, non plus avec chacun des paysans (tenanciers) qu'il autorise à cultiver une parcelle moyennant le paiement d'un cens, mais avec un groupe de tenanciers pris collectivement, qu'il invite à venir s'installer dans la seigneurie. Le territoire de la seigneurie, à l'exclusion des parcelles que le seigneur exploitait lui-même ou faisait exploiter (la réserve) et des bois ou pâturages dont il avait l'usage exclusif (la devèze), est divisé en autant de pagésies (parties) qu'il y a de tenanciers, mais le cens est dû par l'ensemble de la communauté. Bien que le bail soit passé collectivement, il ne s'agit pas d'un kolkhoze : les bois et les pâturages sont en indivis mais les terres cultivables sont partagées. 
La méthode de l'accensement collectif est plus simple pour le seigneur, qui ne traite plus avec chacun des emphytéotes, mais seulement avec leur représentants (consuls, jurats) et présente l'avantage, pour les paysans, de renforcer la cohésion de la communauté.
 
L'accensement de 1445
Lentillac, divisé en douze pagésies, est repeuplé en 1445. Le bail à fief est passé chez Me Jean Carlat, notaire, entre Arnaud de Pélegry et les trois premières familles venues de la paroisse de Glanat (Glénat, en Cantal) "pour tout le lieu de Lentillac et appartenances et des moulins". Aussitôt, les nouveaux venus se mettent au travail, défrichent et reconstruisent.
Le cens est de 12 setiers de froment, 12 d'avoine, 12 écus d'or et 12 paires de gélines (poules) auxquels s'ajoutent 48 livres de fromage pour l'exploitation des herbages, cette redevance semblant montrer un élevage de chèvre à Lentillac. Conformément à l'esprit de l'accensement collectif, selon lequel le cens est dû par la communauté toute entière, le seigneur ne pourra pas augmenter le cens si d'autres familles viennent s'installer à Lentillac.
Ce "loyer" est d'un faible montant, mais le seigneur n'est pas en situation d'exiger plus car les terres sont en mauvais état et il doit, s'il veut en tirer quelque chose, les faire exploiter même au prix d'un faible revenu. Nous verrons que dès qu'il sera en position de renégocier les conditions du bail, il ne manquera pas de le faire.
La communauté, dans le même temps, se voit reconnaître une existence légale. Arnal de Pélegry confirme la charte de privilèges donnée aux habitants de Lentillac par Pierre Bonafous vers 1299.
En 1449, les habitants font reconnaissance générale au juge de Lentillac, représentant Arnal de Pélegry. L'année suivante, Lentillac est échangé par ce dernier avec Flotard d'Hébrard, seigneur de Saint-Sulpice.
 
Les Hébrard de Saint-Sulpice
Les Hébrard sont sans doute, à l'origine, des chevaliers de Cajarc, probablement d'origine marchande, qui acquièrent la moitié puis la totalité de la seigneurie de Saint-Sulpice. A la fin du XIIIè siècle, un Hébrard est évêque de Coïmbre (Portugal). Plusieurs cadets font également de belles carrières ecclésiastiques : quatre Hébrard de Saint-Sulpice seront abbés de Marcilhac au cours de la seconde moitié du XVè siècle, un autre sera évêque au siècle suivant. Leurs acquisitions les plus nombreuses se situent entre 1400 et 1470. Nous nous limiterons à celles qui appartiennent aux environs de Lentillac.
En 1450, les Hébrard obtiennent Lentillac (et Caumont), Sabadel et Orniac. Le 19 mai 1450, précise Albe, intervient un échange entre Arnaud de Pélegry, seigneur de Lentillac et de Caumont, et Flotard d'Hébrard, seigneur de Saint-Sulpice. Arnaud donne à Flotard ce qu'il possède dans Lentillac et Caumont et dans les paroisses environnantes contre des cens et des rentes de Flotard dans la juridiction de Saint-Antonin en Rouergue. La prise de possession par Flotard d'Hébrard a lieu le 28 mai 1450 et donne lieu à une prestation de serment des habitants.
 
La transaction de 1470
Quelques vingt ou vingt-cinq années après le bail initial, le village est reconstruit, les terres produisent, les paysans s'enrichissent... et Raymond d'Hébrard se désole du bail qui prévoit un cens d'un niveau trop faible à son goût, car les cens représentent, à l'époque, l'essentiel de ses revenus. Il passe alors à l'attaque, cherchant à casser le bail initial, de façon à pouvoir en renégocier les termes.
Raymond provoque un procès contre les habitants de Lentillac, en faisant valoir que le tènement de Caumont, dont jouissent les habitants de Lentillac, et le four de cette localité n'étaient pas inclus dans le bail initial. Il prétend être lésé de plus de la moitié de la juste valeur du prix du bail à fief. Les habitants, naturellement, prétendent le contraire.
Raymond n'estime probablement pas son manque à gagner réel à un tel niveau. Il joue, en fait, sur une règle de l'époque qui veut qu'un contrat soit nul si une partie a été trompée par l'autre. Or, on admet qu'il y a tromperie quand l'objet du contrat a été estimé à la moitié (au double) de sa valeur...
Nous n'avons pas d'informations sur le procès lui-même. Par contre, nous savons qu'une transaction, intervenue le 6 décembre 1470, y met un terme. La transaction intègre cette fois sans ambiguïté le territoire de Caumont et modifie ainsi le bail original passé entre Arnal Pélegry et les habitants, en augmentant substantiellement les redevances :
   
  «Tout le lieu de Lentillac et celui de Caumont (limités par le frau de Sabadel, le frau des hommes de Cabrayret, le ruisseau entre les deux (la sagne), le territoire de Courbon (Courbous), certaine combe entre eux deux, le frau de Domenac, le frau des hommes d'Orniac, le frau des hommes d'Artis, le territoire de la Capelle (Lacapelette) et des hommes de Sabadel, avec le terroir appelé Sol réal), appartiendront aux dits habitants de Lentillac.
  En échange, les habitants paieront au seigneur un cens annuel de 40 setiers de froment, 40 setiers d'avoine, mesure rase ou fromentale de Figeac, 20 écus d'or coing de France, payables, le blé le jour de la Saint-Michel et les écus moitié à Noël et l'autre moitié à la Saint-Jean.
  Chaque chef de famille ou feu sera tenu de payer annuellement au dit seigneur une livre de cire (atteste de l'élevage des abeilles), poids de Figeac, une paire de gélines et deux journaux, payables, la dite cire et gélines à Noël et les dits deux journaux, l'un en hiver, l'autre en été, dans les lieux de Lentillac, ou d'Ornhac, ou de Sabadel, à la volonté du dit seigneur, ou dix deniers tournois, au choix du même seigneur.
  Les habitants seront quittes et exempts de payer les 48 livres de fromage prévus dans le bail initial.
  Un certain molinar (moulin ruiné à reconstruire), assis sur le ruisseau de Sabadel (la Sagne) avec un pré joignant et terres appartiendront aux habitants de Lentillac.
  Les habitants seront tenus de porter les cens qu'ils doivent, au lieu de Saint-Sulpice ou de Canhac, dans le lieu où le seigneur voudra.»
   
  A l'occasion de la transaction de 1470, le cens dû par les habitants est multiplié par plus de trois ! Nous pouvons voir là un signe de réussite : si le seigneur est aussi exigeant, c'est parce que la terre produit suffisamment. De plus, nous ne sommes peut être pas pleinement informés des détails de la transaction : pour combien a pesé dans la négociation la prise en compte de nouveaux territoires ?
   

Cens de Lentillac

Froment

Avoine

Argent

Bail initial

1445

12 set.

12 set.

12 écus

Transaction

1470

40 set.

40 set.

20 écus

Cens payé par les habitants de lentillac
 
Les habitants n'ont pas vraiment le choix. Ils pourraient, bien sûr, refuser les nouvelles conditions et déguerpir, mais ils devraient alors abandonner le fruit de 25 ans de travail... Ils ne sont d'ailleurs pas les seuls à voir leurs redevances augmenter. Au cours de cette même année 1470, Raymond d'Hébrard impose des transactions similaires (avec des taux d'augmentation inférieurs) à Orniac et Sabadel ; Jeanne de Pélegry et l'abbé de Figeac font de même à Sénaillac dont ils sont co-seigneurs, ainsi que les Hospitaliers à Cras...
Nous remarquons également que le nouveau cens n'est plus un multiple de 12 (or nous savons que le terroir a été divisé en douze pagésies destinées à autant de tenanciers). Il est possible que le seigneur ait profité de la transaction pour reconstituer sa réserve, modifiant ainsi le partage du sol.
La transaction de 1470 n'a pas pour seul objectif de fixer les cens. C'est aussi l'occasion de redéfinir l'organisation de la communauté et ses relations avec le seigneur.
 
Organisation de la communauté
Le contrat reconnaît l'existence de la communauté, qui pourra élire deux consuls pour la représenter : les habitants sont autorisés à s'assembler tous les ans,
   
  «sans la licence du juge, le jour et fête de la Toussaint, au dit lieu de Lentillac, dans la place publique, maison ou autre lieu, et d'y traiter les affaires de la communauté. Ils pourront élire deux prud'hommes d'entre les habitants pour jurats qui auront soin et seront tenus de gérer les affaires de la communauté pendant un an, savoir, depuis la dite fête de Toussaint jusqu'à l'autre fête prochaine, auquel temps, les habitants seront tenus d'élire autres deux jurats. Ces deux jurats, après leur élection, avant que d'exercer leur office, seront obligés de prêter serment entre les mains du seigneur, s'il se trouve dans le lieu, et s'il n'y est pas, entre les mains du bayle ou autre officier du dit seigneur».
 
La transaction de 1470 est aussi l'occasion de préciser les conventions qui régissent les relations entre le seigneur et ses tenanciers. Dorénavant, le seigneur aura le droit d'avoir dans la juridiction de Lentillac des garennes de lapins et un colombier, qui devront être installés au-delà des vignes, jardins et terres labourées, afin de ne porter aucun dommage aux cultures. Les habitants obtiennent également le droit d'abreuvage dans la seigneurie de Sabadel, mais il est précisé qu'ils seront responsables du dommage causé au pré du seigneur, sauf s'il est mal clos :
 
  «Le pré situé dans le terroir de Sabadel qui jadis appartenait au seigneur de Lentillac, au sujet duquel fut maints procès entre les dits habitants de Lentillac et ceux de Sabadel, appartiendra au dit seigneur, sauf et réserve que les habitants pourront et auront la faculté d'abreuver leurs bestiaux au ruisseau du dit pré, sans payer aucun droit au seigneur. Celui-ci sera tenu de tenir clos le dit pré, à l'exception de l'abreuvoir, afin que les bestiaux des dits habitants ne puissent causer aucun dommage dans le dit pré. Mais si, faute que le pré soit bien clos, les bestiaux y portent quelque dommage, les dits habitants ne seront tenus de payer aucun droit.»
 
D'autres contrats sont passés, à propos d'un tènement particulier ou d'une installation. Ainsi, en 1477, un bail à fief est passé pour "2 molinars sur le ruisseau de Sabadel en la juridiction de Caumont".
 
Les habitants
En 1482, nous apprend un mémoire établi pour Raymond d'Hébrard, il y a "22 habitants" à Lentillac (selon ce même mémoire, il y a 30 habitants à Sabadel et autant à Orniac). Mais par "habitants" il faut comprendre "capdhostals" (chefs de maison ou de famille) : il s'agit de feux réels. Le nombre d'individus est donc au minimum cinq ou six fois supérieur (nombreuses sont les familles de 7 à 9 enfants vivants au moment du testament), soit au moins 110-130 personnes.
La situation des paysans quercinois s'améliore au cours des décennies qui suivent la guerre de Cent ans. Celle des habitants de Lentillac aussi, probablement... On signale même une école à Sénaillac : les habitants de Lentillac en ont-ils profité ?
Sur le plan économique, leur activité est uniquement agricole : élevage de moutons et de chèvres, culture de céréales, vigne et probablement arbres fruitiers. Les techniques qu'ils utilisent sont rudimentaires et les rendements sont faibles, de l'ordre de 1 pour 3.
Les cultures et l'élevage sont destinés d'abord à la consommation familiale :
   
  «Le paysan mange son pain, boit son vin, utilise pour la cuisine des ingrédients, graisse et huile, fournis par la propriété qui lui assure encore la provision de carn salada (viande confite) [...] et peut-être aussi la viande fraîche et la venaison. La matière première qui les vêt, lui et les siens, est de la même provenance. Large autarcie, donc ! Mais le laboureur doit cependant réunir quelque argent pour payer la taille, une petite part du cens, pour se procurer du sel, le fer de ses outils... Il faut en outre doter les filles et conduire quelque cadet jusqu'à la prêtrise. Vendre est donc une impérieuse nécessité et le marchand de la ville est toujours prêt à accorder des facilités immédiates qui grèvent l'avenir.» (Jean Lartigaut)
 
Quant à l'industrie, elle est rudimentaire dans le Quercy du XVè siècle et absente de Lentillac - à part l'exploitation de deux moulins sur la Sagne.
A quoi pouvait ressembler l'intérieur d'une maison paysanne au XVè siècle ? Jean Lartigaut nous emmène en visite :
   
  «Après avoir monté l'escalier et secoué la poussière du chemin sur le " pompidou ", antichambre rustique sous le bolet, nous pénétrons dans la salle, en fait la cuisine. La cheminée attire notre regard. Nous y trouvons, entre les chenets et surmontant les braises, un trépied sur lequel repose l'unique pot de métal. L'étrier [...] pend à la crémaillère. Dans un coin, la poêle en " acier " ; de l'autre le salinier, le coffre à sel. Au centre de la pièce, la table accompagnée de deux bancs et de deux escabeaux pour les petits côtés. Ailleurs, devant le feu, le long des murs, des escabeaux, un autre banc et surtout des coffres. Rappelons que les armoires n'existent pas, les armaris sont des niches aménagées dans les murs. A proximité de l'évier [...] des seaux en bois, cerclés de fer, et parfois une belle conque, un bassin en cuivre. Des écheveaux, de " bri " ou d'étoupe, pendent aux poutrelles et les outils à main s'appuient au mur. L'un des coffres [...] renferme notamment les " archives familiales ". Tel inventaire dressé en 1493 dénombre des instruments dont le plus ancien remonte à 1440 : accensement, reconnaissance féodale, achat d'une parcelle, contrat de mariage... Un autre loge le linge de maison : drap de lit, nappes de lin ou d'étoupe qui se distinguent mal des serviettes ou torchons sauf par leur longueur ; parfois deux mètres. Tout cela en petit nombre, moins de dix unités. D'autres coffres abritent des vêtements des membres de la famille ; d'autres encore les diverses céréales et légumes secs. Des machs (maies) servent à pétrir ou à conserver la provision de viande salée ; la plupart ont perdu couvercle et serrure.
  Les chaudrons de diverses tailles [...] sont l'orgueil de la maison. Ils ont parfois été achetés à Villefranche-de-Rouergue ou à Saint-Antonin. On en trouve rarement plus de trois. Ce sont les seuls objets en cuivre, avec la conque, parfois une casserole, et l'indispensable calel. Les laboureurs les plus aisés possèdent également quelques pièces d'étain [...]. Bien souvent, un ménage moyen ne devait posséder que deux pichets, l'un de forme ronde et l'autre carré, parfois apportés en dot par la jeune épousée. Il semble bien que la vaisselle de tous les jours ait été en bois [...], tant les plats que les assiettes et même les écuelles. [...] Seule la provision d'huile est conservée dans les cruches [...] en terre.
  L'éclairage était dispensé par la lampe à huile traditionnelle en Quercy, le calel, alimenté par de l'huile de noix de seconde catégorie, de "repressurage". [...]
  De ces inventaires, on retire l'impression que seuls avaient de la valeur aux yeux des laboureurs, outre le linge et bien entendu les provisions de bouche, les objets en métaux précieux, précieux pour les paysans : l'étain, le cuivre, mais aussi, ne l'oublions pas, le fer, c'est-à-dire tout ce que ne pouvait pas fournir l'exploitation agricole.»
   
Bien sûr, il s'agit là de la maison d'un paysan aisé, mais la vie des autres n'était pas très différente : ce qui distinguait le riche du moins riche, c'était la possession de terre, du cheptel et, éventuellement, quelque trésor caché chez les plus riches.
 
Le paysage
Le XVè siècle est l'époque où se montent les murets de pierre, formant ce "bocage de pierre" si caractéristique du paysage des causses, et qui matérialisent les limites de la propriété privée tout en débarrassant les terres à cultiver des cailloux qui gênent le travail agricole. Mais les murets n'avaient pas que ces deux fonctions. Ecoutons ce qu'en dit Jean Lartigaut :
   
  «De nos jours, on se préoccupe d'enclore le bétail dans l'espace qui lui est réservé. Au XVème siècle, le problème était inversé : il fallait mettre les cultures à l'abri des animaux vagabonds. Les terres labourables portant récolte, les vignes et les prés, ces derniers de façon permanente ou seulement temporaire, étaient protégés par une clôture. Il en allait de même de certains bois ou pacages mis en défens, par exemple la devèze des boeufs de labour [...].
  Les touristes qui séjournent en Quercy sont intrigués par l'étonnant réseau des murs de pierre sèche, sorte de filet aux mailles inégales posé sur le Causse. Ils remarquent également sur les versants, les murailles qui délimitaient les parcelles de vignes et qui, espacées à la base, convergent vers le sommet. Il est bien certain qu'une grande partie de ces travaux témoigne de l'extension du vignoble au XVIIIè siècle. Nous aurions par contre tendance à admettre l'antériorité des murailles de plateau protégeant des parcelles rectangulaires. En effet, il est tout à fait banal que les paredals délimitent des terres de causse au XVè siècle. On faisait, si l'on peut dire, d'une pierre deux coups puisqu'en montant la muraille protectrice, le paysan délestait la terre labourable d'une "caillasse" indésirable.»
   
Le village se protège
Bien que la guerre soit finie, le pays reste soumis aux exactions des bandes de routiers, ces soldats débandés devenus sans emploi à la fin des hostilités. L'insécurité ambiante provoque la concentration de l'habitat et la prise de mesures de protection. Les seigneurs n'y sont pas opposés : eux aussi souhaitent mettre à l'abri les personnes et les biens. C'est pourquoi les baux passés lors des accensements et les transactions ultérieures précisent les travaux de défense à accomplir.
A Lentillac, Raymond d'Hébrard non seulement autorise les habitants à fortifier le village de murs et de clôtures de pieux mais les encourage même en leur accordant une subvention de 10 écus, prévue dans la transaction de 1470. Le village est également protégé par un fossé. A Sénaillac, on construit une fortalicia.
 
Impôts, taxes et corvées
Les habitants de Lentillac sont, comme ceux des autres villages, soumis à un nombre considérable d'impôts, taxes et autres contraintes féodales qui viennent s'ajouter au cens et à la dîme payée au curé.
Ils sont taillables "aux cinq cas généraux accoutumés, savoir : au mariage d'une fille, en une nouvelle milice, au voyage d'outre-mer, pour le rachat du propre corps du seigneur de Lentillac, et lorsqu'il ira à la guerre par ordre du roi, et cela jusqu'à la somme de cent sols tournois pour chacun des dits cas". A chacun de ces événements, mariage d'une fille du seigneur, adoubement d'un fils, départ pour la guerre, capture du seigneur (paiement d'une rançon) ou voyage outre-mer (croisade), les habitants devront payer 100 sols.
Lors du changement de seigneur (décès ou échange), ils doivent un acapte de 10 sols. A la mort du tenancier, ils doivent un arrière-acapte (sorte de droits de succession forfaitaires) du même montant, qui doit être payé dans les quarante jours suivant le décès du tenancier.
Les droits de lods et vente sont perçus sur chaque transaction " immobilière " ou lors de l'arrivée d'un étranger sur la tenure. A Lentillac, ils sont d'" un denier pour sol ", soit 1/12ème.
Les habitants de Lentillac doivent chaque année deux journées de travail (corvées) au seigneur. En principe, les corvées sont dues dans la seigneurie, mais, lors de la transaction de 1470, les Hébrard exigent de pouvoir faire travailler leurs tenanciers indifféremment à Artix, Caniac, Orniac, Sabadel et Lentillac.
Les habitants peuvent avoir des fours, mais doivent en contrepartie payer collectivement chaque année, le jour de Pâques, " quatre chevreaux ou cabris bons et suffisants ".
Tout se monnaye, y compris l'usage des ressources naturelles (eaux, bois, carrières, pacages). Ainsi, à Lentillac, l'exploitation des herbages fait-elle l'objet d'un cens particulier de 48 livres de fromage dans le bail initial (1445). Il faut attendre 1470 pour que les habitants obtiennent le droit d'abreuver leurs troupeaux à Sabadel.
Vers 1500, les choses sont rentrées dans l'ordre. La communauté est solidement organisée, la population augmente et, toute proportion gardée, s'enrichit. Cette période de paix va durer jusque vers 1560, date à laquelle le pays sera à nouveau secoué par les guerres de religion.
 


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