La période révolutionnaire

 

Introduction
Le cahier de doléances de la communauté de Lentillac
L'assemblée de la communauté
Le contenu du cahier
Les événements de la période révolutionnaire
Lentillac, canton de Cabrerets, district de Cahors
Les difficultés du curé Sylvestre (1791)
Incidents dans la région de Lentillac
Une "tradition" de Cabrerets
Valery, procureur-général syndic (an III - an IV)
Vente des biens nationaux
Une période trouble
Attaque à main armée à Artix
Faux billets de confiance à Cabrerets
Le canton de Lauzès

Introduction
La période révolutionnaire débute avec la préparation des Etats généraux, en février 1789. Le règlement royal qui en fixe les modalités date du 24 janvier 1789, mais la lettre de convocation n'arrive chez le juge-mage de Cahors que le 24 février, à 22 heures 30 :
«Tous les habitans du Tiers Etat desdites villes, bourgs, paroisses et communautés de campagne, nés français ou naturalisés, agés de vingt-cinq ans, domiciliés & compris aux rôles des impositions seront tenus de s'assembler au lieu accoutumé, ou à celui qui leur aura été indiqué par les Officiers municipaux, sans le ministère d'aucun Huissier, à l'effet par eux de procéder d'abord à la rédaction du cahier de plaintes, doléances & remontrances que lesdites villes, bourgs & communautés entendent faire à Sa Majesté, & présenter les moyens de pourvoir & subvenir aux besoins de l'Etat, ainsi qu'à tout ce qui peut intéresser la prospérité du Royaume & celle de tous et chacun les Sujets de Sa Majesté [...].»
Il est prévu de procéder en deux temps : des cahiers seront rédigés dans les communautés puis leurs représentants - élus - se réuniront le 9 mars au siège de la sénéchaussée (Cahors pour ce concerne Lentillac) afin de rédiger des cahiers de province, un pour chaque ordre, qui seront portés à Versailles par des députés élus à cette occasion.
Malgré cette procédure, les conditions dans lesquelles se déroulent les assemblées des communautés ne sont pas claires. Un seul cahier, par exemple, est rédigé par les communautés de Saint-Martin-de-Vers et Lauzès, ce qui peut laisser penser que les deux communautés sont unies. A Sauliac et Liauzu, il semble qu'il n'y ait ni assemblée, ni cahier et aucun député ne représentera ces deux communautés à l'assemblée de la sénéchaussée. Peut-être leurs habitants ont-ils participé aux assemblées d'autres communautés ?
Le cahier de doléances de la communauté de Lentillac
Une assemblée est tenue le 5 mars 1789 à Lentillac, au cours de laquelle est rédigé le " cahier de doléances, plaintes et remontrances que présentent à sa majesté ses très fidèles et soumis sujet les habitants de Lentillac du Causse ".
L'assemblée de la communauté
Nous ne savons pas qui assiste à la réunion car le procès-verbal de l'assemblée a été perdu. Il est possible que l'ensemble de la population y participe, mais la rédaction est celle du " haut-tiers ", les notables locaux (propriétaires, notaire), plus instruits que la majorité des paysans, bien qu'ils ne représentent qu'une faible partie de la population.
Le cahier de Lentillac est plutôt plus complet que celui des villages environnants. Il est long (l'équivalent d'une dizaine de pages dactylographiées) et n'hésite pas à aborder des problèmes de ce que nous appellerions aujourd'hui la " politique générale " (fiscalité, justice, social...), sans se contenter de considérations locales comme cela est souvent le cas.
Cela ne signifie pas pour autant que les rédacteurs ne se soient pas inspirés des modèles de cahiers qui circulaient à l'époque. Des similitudes troublantes laissent penser en tout cas qu'il y probablement eu communication entre les différentes communautés. Les cahiers de Lentillac et de Sabadel, par exemple, commencent par des phrases bien semblables : les habitants de Lentillac " gémissent depuis longtemps sous le poids des impôts les plus accablants " tandis que ceux de Sabadel " gémissent sous le poids des impositions prodigieusement multipliées depuis un siècle "...
Le cahier de Lentillac est signé Pradel (laboureur), Vanel (laboureur ou meunier), Aduie (?), Clary (laboureur), Faurie (laboureur), Maury (laboureur), Marcenac (maréchal-ferrant), Liauzu (laboureur), Valette (laboureur), Ségala (laboureur), Conquet (laboureur), Hérétié (propriétaire), Valery, " avocat, juge commis en l'absence de M. le juge ordinaire " et Valery (un autre ?), secrétaire de la communauté. A l'évidence, seuls les paysans les plus riches de Lentillac ont signé. On cherche en vain les noms des travailleurs.
La communauté désigne Valery (lequel ?) et Conquet pour porter le cahier à l'assemblée des Trois ordres qui doit se dérouler le 9 mars suivant à Cahors avec pour mission de rédiger un cahier de doléances unique pour la sénéchaussée.
Un quart des députés du Tiers assistant à l'assemblée du 9 mars doit être élu pour participer à celle du 16, mais ni Valery ni Conquet ne sont du nombre. Par contre le curé de Lentillac, Sylvestre (ou Silvestre), assiste à l'assemblée du 16 mars, en tant que membre du clergé.
Le contenu du cahier
Les habitants de Lentillac se définissent, nous l'avons vu, comme de " pauvres laboureurs ", subissant des impositions trop lourdes et souffrant de l'isolement par l'absence de chemins.
Il est difficile de connaître précisément la situation des habitants. Comme nous l'avons vu plus haut, il est probable que la vie sur le causse n'était pas facile, mais il faut pondérer cette plainte. Les gros propriétaires se plaignent de ne pas pouvoir cultiver eux mêmes toutes leurs terres et d'être obligés "d'avoir chez eux des domestiques et des journaliers qu'ils nourrissent et payent fort cher". Leur sort doit être moins dramatique que celui de ceux qui travaillent pour eux, qui n'ont pas participé, du moins pas suffisamment pour le signer, à la rédaction du cahier.
Ce qui choque surtout les rédacteurs, c'est l'inégalité des impositions : "Nous croyons [que cette surcharge] a deux causes : la première vient de ce que les Nobles et le Clergé, ne payant presque point d'impôts, quoiqu'ils possèdent à peu près le tiers des biens, toutes les charges de l'Etat retombent sur le Tiers ordre ; la seconde vient de l'inégalité de la répartition que les administrateurs de notre province font chaque année sur les différentes communautés".
Ils proposent une réforme : les nobles, le clergé et les roturiers, sans distinction, paieraient une quote-part de leur récolte qui serait versée directement au trésor du roi ou au trésorier général de la province. L'ensemble des revenus serait imposé : puisque " les personnes les plus riches sont souvent celles qui ne possèdent point de terre et ont leurs fonds placés à intérêt ou dans le commerce, il serait juste d'établir un autre impôt personnel payable en argent, dont la répartition se ferait sur tous les sujets du Roi, sans distinction, eu égard à leur fortune et à leur aisance de la même manière que se fait aujourd'hui la capitation roturière [...] ".
Les habitants de Lentillac se plaignent également de la levée des soldats provinciaux : " il n'est rien qui gêne autant la liberté des peuples ". Ils sont choqués par le fait que le fils d'un bourgeois ou d'un laboureur soit forcé de tirer au sort tandis que le laquais d'un ecclésiastique ou d'un gentilhomme en est dispensé. En plus, disent-ils, c'est une mesure inutile : dans la guerre qui vient de se dérouler, il n'a pas été fait appel aux soldats provinciaux.
La justice, également, attire les foudres des rédacteurs : ils la trouvent trop chère, trop compliquée, abusive et menée par des juges dont la probité n'est pas toujours la qualité première : " le traitant ou son commis interprète toujours les règlements du prince à sa fantaisie et il exerce un pouvoir arbitraire sur nos fortunes ".
L'extrême pauvreté, fort répandue à l'époque, et la mendicité qui l'accompagne attire des remarques d'un libéralisme étonnant : les rédacteurs envisagent des mesures destinées à préserver les plus pauvres. Il faut, proposent-ils, attribuer les dîmes directement au curé ou augmenter les portions congrues pour " mettre les curés à portée de secourir leurs paroissiens dans l'adversité car, ajoutent-ils, certains vont mendier au loin mais " d'autres, retenus par une mauvaise honte, n'osent point aller mendier et préfèrent quelquefois s'abandonner au crime pour se procurer l'absolu nécessaire ".
Cette approche "sociale" tranche avec celle, nettement moins nuancée, développée par les habitants de Fages : "Cet esprit de désordre, d'indépendance, de scélératesse, de rapine et de vol" explique leur cahier, "se glisse dans la plus basse classe du peuple ; les pères et les mères, dès que leurs enfants commencent à marcher, les accoutument à mendier ; ils les menacent des mauvais accueils, des punitions même s'ils reviennent le soir sans être chargés de quelque butin [...]. La dernière classe du peuple [...] préfère se livrer à la mendicité qu'à travailler et à accoutumer ses enfants au travail."
Enfin, le cahier de Lentillac, comme beaucoup d'autres, réclame le rétablissement des Etats du Quercy à Cahors. Cette protestation, fréquemment exprimée dans les cahiers, est dirigée contre l'Assemblée provinciale de Haute-Guyenne, qui regroupe le Quercy et le Rouergue et qui siège à Villefranche-de-rouergue. Les Quercinois, qui s'estiment lésés, réclament la suppression de l'Assemblée et l'installation à Cahors des Etats du Quercy tels qu'ils ont existé jusqu'en 1673.
Les événements de la période révolutionnaire
Aucun événement majeur ne se produira à Lentillac pendant la période séparant la réunion des Etats généraux du Consulat. Comme lors des époques précédentes, l'absence sur le territoire de la communauté, puis de la commune, de château, d'édifice religieux ou même de bien national important préserve probablement le village de troubles majeurs.
Il découle de cette situation que les informations sont rares sur la vie de Lentillac pendant cette période. Nous ignorons tout, par exemple, des réactions des habitants pendant la Grande peur, bien qu'on sache qu'elle a déferlé sur le Quercy dans les derniers jours du mois de juillet 1789, se dirigeant vers Cahors et Figeac par Gramat. La Grande peur a du atteindre Lentillac dans la nuit du 31 juillet au 1er août, et ses habitants être réveillés au son du tocsin...
Lentillac, canton de Cabrerets, district de Cahors
La commune est créée en 1790, des élections étant organisées en février ou mars de la même année. Les Archives départementales ou nationales n'ont pas gardé trace de cet événement - en revanche, les Archives départementales conservent les procès-verbaux de l'installation des officiers municipaux de Cabrerets, Fages, Artix (février 1790, L. 83).
Lorsque le département du Lot est créé, en 1790 - il sera amputé de sa partie sud lors de la création du Tarn-et-garonne en 1808 -, Lentillac appartient au canton de Cabrerets, lui même étant du district de Cahors. Le nombre de communes du canton était plus important qu'il ne l'est aujourd'hui, et que la composition du canton était légèrement différente. C'est sous le Directoire, nous le verrons, que le canton prendra sa forme définitive.
Cette même année 1790, un Valery est secrétaire du département du Lot. En 1791, un (autre ?) Valery, dit " juge de paix dans le canton de Cabrerets " est procureur-général syndic. Nous ne savons pas avec certitude s'il s'agit d'un Valery de Lentillac, mais cela est hautement probable.
Les difficultés du curé Sylvestre (1791)
Cette même année 1790, les prêtres doivent prêter serment à la Constitution civile du clergé. Le curé de Lentillac, Charles-Joseph Sylvestre, refuse de jurer et est remplacé par Antoine Moussié, élu le 21 mars 1791. Sylvestre évacue le presbytère, où Moussié s'installe, et se réfugie dans la maison Richard (à l'époque), continuant de dire la messe dans une grotte située à proximité, au dessous du Mas de Rigal. Une sorte de console, taillée au ciseau, lui sert d'autel.
Or, Sylvestre a quelques difficultés avec les habitants de Lentillac. En octobre 1791, il écrit à Valery, alors procureur-général-syndic du département pour se plaindre "des sévices de toute sorte dont il était l'objet de la part de quelques-uns de ses paroissiens de Lentillac".
Valery engage le curé à faire appel à la justice si les brimades continuent. Il écrit également au curé constitutionnel et à la municipalité pour les inviter à apaiser la population :
«M. Sylvestre, votre ancien curé, vient de me dénoncer que quelques habitants de votre commune se sont permis de ravager les possessions qu'il a dans votre territoire et qu'ils menacent publiquement d'incendier une maison où il a déposé quelques effets. Il réclame en même temps la protection que la loi assure à tous les citoyens. Se peut-il, Messieurs, que les habitants de Lentillac, qui ont donné jusqu'ici à tous leurs voisins l'exemple de la modération et de la soumission à la loi, se soient portés à de pareils excès ? Je vous avoue que j'ai de la peine à le croire, mais, si les faits dont M. Sylvestre se plaint sont exacts, veuillez rappeler à vos concitoyens leur devoir ; faites leur sentir que la liberté consiste uniquement à pouvoir faire ce qui ne nuit pas à autrui. Rappelez-leur que la Constitution garantit l'inviolabilité des propriétés de chaque individu. Rappelez-vous vous-même que vous êtes spécialement chargés par la loi de les protéger, et qu'elle vous rend personnellement responsables des dégâts que vous auriez négliger d'empêcher.
Je sais que M. Sylvestre a manifesté des sentiments contraires à la Révolution, mais ce n'est pas une raison pour attaquer ses propriétés. Votre Constitution garantit à tout homme la liberté de ses opinions. Ce n'est qu'autant qu'en les manifestant il troublerait l'ordre public, que vous pourriez le dénoncer aux tribunaux et le faire poursuivre suivant les formes établies par les lois, mais les voies de fait seront toujours sévèrement punies, parce qu'elles sont autant d'atteintes à la liberté et à la Constitution. Veuillez encore un coup rappeler ces principes à vos concitoyens. Je vous prie de leur dire de ma part que, les regardant tous comme mes frères, comme mes plus chers amis, je serais au désespoir d'être forcé de déployer contre eux l'autorité que la loi et le suffrage de ma patrie ont déposé dans mes mains, mais que mes affections particulières ne me feront jamais hésiter quand il s'agira de faire respecter et exécuter les lois.»
Les tracasseries ne cessent pas et Sylvestre se réfugie à Sénaillac. Le 9 septembre 1791, des gens de Lentillac se rendent à Sénaillac et provoquent un scandale dans un cabaret. Quelques jours après, à la foire de Saint-Cernin, une vive altercation se produit entre habitants des deux paroisses au sujet du curé. On en vient aux mains. Un jeune homme de Sénaillac qui prend la défense du curé doit s'enfuir et est poursuivi jusqu'à Artix. La querelle menace de générer en guerre ouverte entre les deux paroisses...
Nouvelle plainte du curé au procureur-syndic, qui écrit à Moussié, le constitutionnel, pour l'inviter à ramener ses ouailles à la raison : "Rappelez-leur souvent cette belle maxime de l'Evangile "Ne faites pas aux autres ne que vous ne voudriez pas que l'on vous fit", faites-leur sentir surtout combien leur conduite est opposée aux principes de notre constitution, combien il est honteux pour des hommes braves qui viennent de conquérir leur liberté de tomber au nombre de six sur un seul homme ; faites leur savoir enfin combien il serait désagréable pour eux de ne pouvoir sortir de leur territoire sans s'exposer à être assommés comme cela arriverait infailliblement si tous les habitants de Sénaillac prenaient parti pour leur concitoyen [...]".
L'abbé Sylvestre, comme les autres réfractaires, sera finalement arrêté et déporté au fort du Hâ, près de Bordeaux, où il mourra " victime de mauvais traitements ".
Incidents dans la région de Lentillac
Au début de 1792, on signale des incidents dans la région de Lentillac. En février, le château de Cabrerets est "dévasté". En mars, des attroupements sont signalés à Liauzu et Sauliac. En mai, ce sont les habitants de Blars qui se rendent chez l'ancien fermier des rentes du seigneur de Marcilhac, réclamant que leurs rentes leur soient restituées car, prétendent-ils, "des seigneurs du voisinage l'auraient fait".
A la même époque, la population s'agite dans les cantons de Saint-Géry et Cabrerets. La gendarmerie, envoyée à Cabrerets "pour dissiper un attroupement considérable qu'il paraît devoir se former demain dans les cantons de Saint-Géry et de Cabrerets" s'y fait insulter. "La municipalité de Cabrerets", écrit le procureur-général syndic, "n'est peut-être pas exempte de blâme".
En février 1792, les habitants de Blars manifestent à deux reprises, toujours pour obtenir restitution de la rente.
Début 1794, l'exécution du duc de Biron - seigneur de Cabrerets - relance l'agitation :
«Le 15 février 1794, les habitants de Saint-Géry et des Masseries s'abattirent sur le château de Cabrerets, pillèrent l'intérieur, mutilèrent en les martelant les écussons aux armes des Biron sur les manteaux des cheminées et même en démolirent rageusement certaines. La haine qu'ils éprouvaient pour leurs seigneurs qu'ils ne connaissaient pas, mais que le juge opprimait, était si grande que leur acharnement à détruire n'avait pas de bornes puisqu'ils allèrent jusqu'à mettre le feu aux bâtiments longeant le parc.»
Il est vrai qu'à cette époque, il ne fallait pas grand chose pour exciter la fureur populaire, il suffisait d'une rumeur annonçant soit des vivres cachés, soit la suppression d'un arbre de la Liberté, soit un faux appel de levée en masses, soit même l'insuccès de nos armes aux frontières pour que la colère populaire se déchaîna et que les vengeances n'ait plus de limites. Le slogan de l'époque " Guerre aux châteaux ! " se traduisait par des autodafés où disparaissaient les archives seigneuriales. Il en fut ainsi à Cabrerets où les riches archives furent détruites. Le 27 Pluviôse An II, le directoire du district de Cahors, par son arrêté du 4 courant, mit sous séquestre les biens que " le traître " Biron possédait dans les cantons de Cabrerets et de Saint-Géry. [...]
[Les habitants occupèrent] les lieux, mais le plus hardi de tous fut certainement le régisseur de Vialolles qui s'appropria la seigneurie et qui tout simplement la donna en partage à ses neveux, ainsi qu'une grosse part du château de Cabrerets. " (Calmon et al.)
Une " tradition " de Cabrerets
Nous pouvons nous faire une idée de l'ambiance qui régne à l'époque, et des sentiments anti-seigneuriaux manifestés par les habitants de la région de Lentillac, grâce à la " tradition locale " rapportée par Gluck dans son Album historique du département du Lot (ce récit n'a, à l'évidence, aucun fondement historique mais il est révélateur d'un certain état d'esprit qui perdure bien longtemps après la Révolution.). Il se rapporte, si l'on en croit les dates, à Antoine IV-François, seigneur de Cabrerets :
«Vers le commencement du XVIIIè siècle, le seigneur châtelain [Les Gontaud, à cette époque, n'habitent plus Cabrerets !], digne imitateur de la Barbe-Bleue, dont le maréchal de Retz fut, dit-on, le type historique, était l'effroi du village et de la contrée.
Quand on le voyait descendre de son manoir, le mousquet sur l'épaule et sifflant un air, les pauvres vassaux se cachaient en tremblant, car c'était ordinairement chez lui la marque de quelque noir dessein. Une bagatelle, un rien suffisait pour l'irriter au point qu'il traitait ses paysans comme le gibier de ses terres, c'est-à-dire qu'il les canardait sans pitié. Le seigneur de Cabrerets avait pourtant des vassaux bien dociles car ils le laissaient jouir sans opposition du droit le plus odieux qu'un supérieur ait jamais osé s'arroger, de ce droit que les gentilshommes affectionnaient, dit-on, autant que les nouveaux mariés de leurs domaines devaient le détester. Nous n'avons au reste à l'appui de ce récit que la tradition locale [Et pour cause ! Le droit de cuissage n'a jamais existé !], transmise de père en fils avec ces haines vivaces qu'enfante le souvenir des maux auxquels il fallut longtemps se résigner sans espoir de vengeance.
Un jour, cependant, l'intraitable châtelain rencontre une de ces volontés de fer devant laquelle il dut s'incliner vaincu et humilié. Un campagnard de ses vassaux, qui revenait de l'armée où il avait servi comme milicien, prit femme dans le village et fit seul exception à la règle générale. Dès le lendemain, le seigneur s'approche de la chaumière du vassal récalcitrant. L'ex-soldat, qui voyait de sa fenêtre un mousquet suspendu à l'épaule du châtelain, saisit une arme de même nature, coucha le gentilhomme en joue et lui cria que s'il ne remontait pas instantanément dans son castel, une balle ferait enfin justice de ses intolérables violences. Le châtelain obéit en frémissant de rage et dès lors la révolte fut universelle contre la prérogative seigneuriale. L'exemple devint contagieux ; le village se hérissa de mousquets, et le châtelain n'osa plus employer sa poudre que contre les lièvres et les perdreaux de la contrée. "
Pauvre Antoine !
Valery, procureur-général syndic (an III - an IV)
Après la chute des Montagnards et la fin de la Terreur, le 22 fructidor An III (8 septembre 1795), Valery, de Dantonnet, devient procureur-général syndic du département. Il n'occupe ces fonctions que deux mois, car le 9 Brumaire An IV (10 novembre 1795), il démissionne et envoie à ses collègues du département la lettre suivante, datée de Dantonnet :
«Citoyens,
Je viens d'être nommé agent de ma commune [maire], et comme des fonctions municipales sont incompatibles avec les fonctions administratives, je m'empresse de vous prévenir que je renonce à la place que j'occupais au département.
Salut et fraternité.
Valery»
Vente des biens nationaux
La vente des biens nationaux, à Lentillac comme ailleurs, et bien qu'il n'y ait pas grand-chose à vendre dans cette modeste communauté, profite aux habitants aisés de la commune. Le 14 prairial An IV (2 juin 1796), les citoyens Baptiste Valery, Jean Bouscary, François Maury, Pierre Richard et Pierre Bouscary, habitants de Lentillac du Causse, se portent acquéreurs du " presbytère de Lentillac et de ses dépendances (un jardin, une écurie, un grenier à foin, une grange et (illisible)) ".
Le tout est évalué par l'expert Alayrac (de Saint-Sernin) à 150 francs en revenu et 2 860 francs en capital, montant que les acheteurs contestent " eu égard à la mauvaise localité ".
Une période trouble
Les années révolutionnaires sont troubles. L'insécurité règne sur le causse, les maisons isolées sont parfois victimes d'attaques et de pillage.
Attaque à main armée à Artix
On rapporte qu'à Artix, " le 6 décembre 1797, vers 9 heures du soir, cinq ou six individus armés de sabres et de pistolets pénétrèrent dans la maison Méric, à Artix. Le propriétaire et toute sa famille furent frappés, renversés et liés. Après avoir fouillé les meubles et pillé les effets et le numéraire, les brigands déclarèrent qu'ils se retireraient si on leur donnait encore un louis d'or. La servante promit quatre écus de six livres si on la détachait, ce qui fut fait. Elle remit les quatre écus, mais on l'attacha de nouveau et on la meurtrit de coups de pied, dont elle mourut neuf jours après. "
Faux billets de confiance à Cabrerets
Sous la Révolution, les billets de confiance constituent une monnaie émise en petites coupures (20 sous au maximum) par les communes, en complément des assignats dont la valeur est supérieure à 5 livres (soit 100 sous). Monnaie locale, les billets de confiance sont signés par les responsables communaux, ce qui assure leur authenticité.
Fin 1792, début 1793, une affaire de faux billets de confiance défraye la chronique locale. Elle débute le 24 octobre 1792 par la plainte du citoyen Marre, habitant Saint-Martin-Labouval, qui dépose au tribunal de Cahors un billet de confiance de 20 sols émis par la commune de Bias, qu'il pense être faux. Ce billet lui a été donné par son oncle, cabaretier à Cabrerets, afin qu'il puisse déposer plainte.
Des témoins de Cabrerets, Artix, Sauliac, sont entendus, à la suite de quoi un nommé Chalou, employé à la levée des impositions à Cabrerets, est suspecté. Absent de Cabrerets lors de l'enquête, il ne peut être arrêté. Le tribunal, qui se réunit en son absence, reconnait que le billet est faux, mais considère que la culpabilité de Chalou n'est pas prouvée. Celui-ci est donc acquitté sans avoir comparu.
Le canton de Lauzès
Sous le Directoire, plusieurs cantons du département sont réorganisés. Un rapport de Souilhé au Conseil des Cinq-Cents du 6 ventôse An VII (24 février 1799) propose en effet " la translation du chef-lieu de canton de Cabrerets à Lauzès et la réunion de plusieurs communes de ce canton ".
Cabrerets " chef-lieu actuel, [est] très éloigné du centre [et] de difficile abord pour une grande partie des communes du canton ; tandis qu'outre que Lauzez est infiniment plus central, il est accessible dans tous les temps [et] offre un local commode pour la tenue des séances et le placement des archives ". Voilà pourquoi Lauzès, dont la communauté n'existait pas de façon indépendante quelques années auparavant, devient chef-lieu de canton aux dépends de Cabrerets - qui a été pendant les siècles précédents le principal fief de la région !
Les communes de Liauzu et Laborie-Genier sont respectivement rattachées à Orniac et Sauliac car Liauzu et Orniac n'ont à elles deux que 400 habitants. Quant à la commune de Laborie-Genier, "contiguë à celle de Souillac (sic), [elle] n'a donné aux assemblées primaires qu'un citoyen [et] toutes deux réunies ne présentent qu'une population de trois cents quinze habitants."
Les contours du canton sont également modifiés : la commune de La Toulzanie, à laquelle a été intégrée la commune du Cairé, est rattachée au canton de Limogne car ces deux communes "ne donnent qu'une population de trois cent quinze habitans ; qu'elles sont situées à dix-sept kilomètres de Lauzez, & à neuf seulement de Limogne ; chef-lieu de canton ; qu'elles sont séparées du canton de Cabrerets par la rivière du Cellé, sujette à des débordements fréquens, & qui intercepte toute communication entre les habitans de ces deux rives : les relations commerciales les appelent d'ailleurs à Limogne".
D'autres réorganisations interviennent au cours des années suivantes : en 1801, Artix est rattachée à Sénaillac, Fages à Saint-Martin de Vers et le Cayré à Saint-Cernin. En 1802, Cras et Nadillac sont unies, mais l'union paraît impraticable car les communications sont difficiles entre les deux villages et les habitants jaloux de leur prérogatives locales. Dès 1836, les deux communes demandent à être de nouveau séparées. Il faudra attendre un décret de Napoléon III du 17 janvier 1863 pour que les deux communes retrouvent leur indépendance, les considérants du décret mentionnant l'"antipathie mutuelle" des habitants de Cras et de Nadillac...
Ce n'est donc que sous le Second empire que le canton de Lauzès deviendra celui que nous connaissons aujourd'hui.


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