Le Moyen âge

 

Introduction
La seigneurie
La paroisse
  Saint-Pierre-ès-Liens  
  Saint-Martin de Caumont  
La tour de Lentillac 
Les coutumes de Lentillac
Le Traité de 1287
La guerre de Cent ans
Lentillac dépeuplé
 

Introduction
Aucune information sur l'histoire de Lentillac n'est disponible pour les époques mérovingienne et carolingienne ni pour le haut Moyen Age. Eugène Sol indique bien que l'église de Lentillac-du-Causse possède un cimetière mérovingien, mais cette affirmation n'est pas confirmée. Nous ne pouvons même pas émettre de conjectures car les récits des historiens quercinois classiques, tels Lacoste ou Saint-Marty, ne résistent pas aux travaux récents : rien ne prouve en effet que les Sarrasins soient venus dans la région, ni que les soldats de Waïffre (duc d'Aquitaine au VIIIè siècle) y aient combattu ceux de Pépin le Bref . La légende voudrait que les soldats de Waïffre se soient cachés dans les grottes de la région pour se protéger des attaques de Pépin. "On ne sait strictement rien, si ce n'est qu'il y a eu conquête du Quercy par Pépin après la prise de Turenne en Limousin" dit Jean Lartigaut... 
Il est probable que, vers le Xème siècle, Lentillac appartient à l'évêque ou à quelque dignitaire de l'église. Vers 930, en effet, de très nombreuses possessions de l'archidiacre Ingelbert sont localisées dans les alentours (Artix, Saint-Cernin, Orniac, Courbous, Cras, etc), mais on y trouve pas Lentillac.
Le chanoine Albe, dans la monographie qu'il lui a consacrée, envisage que cette paroisse a pu être le Lentiniacum donné par Saint-Didier, évêque d'Auxerre, à son abbaye de Saint-Amand de Coronzac, mais P.-H. Billy écarte cette hypothèse, Lentiniacum ne pouvant pas passer à Lentillac.
De même, il est difficile de dire quand les hameaux attachés au village ont été créés. Nous savons qu'il y a eu en Quercy des périodes de défrichage intense aux alentours du XIIè siècle ou après la guerre de Cent ans, mais de là à dater leur fondation... Tout au plus sait-on que le nom d'Aussou vient du latin médiéval absus (abandonné). Ce nom a donc servi à désigner une terre en friche.
En début de période, jusque vers le XIIè siècle, les hommes et les femmes qui les habitent, en tout cas, sont soumis au servage.
Il faut attendre le XIIIè siècle pour avoir les premières traces du village et de sa seigneurie. 
 
La seigneurie
Aux XIIIè et XIVè siècles, la villa de Lentilhaco (1286) est aux Gourdon, puissants seigneurs qui dominent le pays de la Dordogne au Lot et en bas Quercy. Plus précisément, il s'agit de la branche des Gourdon-Saint-Cirq " qui dut son ascension, plus de deux siècles en-deçà, aux donations testamentaires du Comte de Rouergue Raymond 1er (961) et qui lui était peut-être apparentée. Outre Gourdon, où cette branche réside et exerce la seigneurie principale, [...] elle possède, au seuil du XIIIè siècle, des domaines très étendus sinon d'un seul tenant en Haut-Quercy : la majeure partie de la vicomté de Saint-Cirq-Lapopie, une bonne moitié du causse de Gramat et la région du Gourdonnais qui s'étend entre la Dordogne et le Lot, y compris la vallée du Céou et la baronnie de Salviac".
En 1241, Fortanier de Gourdon mentionne Lentillac dans son hommage au comte de Toulouse : il reconnaît " tenir du comte de Toulouse... Lentilhacum... avec tous les droits qu'il y a. Fait à Toulouse en présence d'Armand de Mondenard, témoin ". De même en 1242, il hommage à Raymond, comte de Toulouse et marquis de Provence, pour Saint-Cirq, Lentillac, Ginouillac et autres lieux. En 1244, son hommage au comte mentionne " Saint-Cirq-la-Popie, avec Laurc (Saint-Jean de Laur) et Limonha (Limogne), et Lentillac qui est au-delà du Lot, et ce qu'il a dans le diocèse de Cahors de ce côté du Lot ". Bertrand de Cardaillac, qui possède des fiefs alentours, est témoin de ce dernier hommage.
Nous trouverons un autre hommage au comte de Poitiers, Alphonse, en 1254. En 1259, Fortanier rend à nouveau hommage au même pour " la moitié du castrum de Saint-Cirq [La Popie] et de sa juridiction, les bories qui sont autour [dont celles de Bozias (Bouziès), Condat (Conduché) et la borie de Geraud Fabri (Tour-de-Faure)] [...] et la moitié de Rhinodes et Lentilhac avec toutes les appartenances ".
En 1287 (nouveau style), son petit-fils Fortanier II apparaît dans l'accord complémentaire au traité de Paris. Entre temps, son fils Bertrand (père de Fortanier II) a été seigneur de Gourdon et, par conséquent, de Lentillac.
Les Gourdon n'exercent pas la seigneurie directe, puisque nous trouvons en 1299 Pierre Bonafous, "damoiseau, seigneur de Lentilhac ". Pierre Bonafous n'est pas là par hasard. Il est probablement affilié aux Gourdon par l'intermédiaire des Pestilhac.Ces liens de famille n'empêchent toutefois pas les Gourdon d'être les véritables maîtres.
Les Bonafous possèdent également des terres à Orniac : une vente de terre relevant de "noble Pierre de Bonafous, seigneur de Lentillac" est enregistrée en 1324. Cette famille se maintiendra plusieurs décennies : en 1326 (ou 1327), c'est un autre Bonafous, Guillaume, qui reçoit une reconnaissance pour le terroir de Campradou.
Les seigneurs des fiefs environnants sont le plus souvent liés aux Gourdon d'une façon ou d'une autre. En 1257, les Thémines, seigneurs de Quissac, Caniac et Artix rendent hommage à Fortanier de Gourdon pour ces trois fiefs. Les Barasc, qui sont à Cabrerets, Orniac, Sabadel et Saint-Cernin ont reçu des Gourdon, en 1224, le château de Montbrun. Ils sont également les seigneurs directs de fiefs appartenant à l'abbé de Marcilhac (Lauzès, Saint-Martin-de-Vers...). Les Cardaillac, seigneurs de Vialolles, Saint-Cernin et Cabrerets (où ils succèdent aux Barasc) sont alliés aux Gourdon. Les Castelnau, qui sont à Nadillac où ils succèdent aux Barasc, appartiennent peut-être aux Gourdon-Castelnau, autre branche de la famille de Gourdon...
A côté de ces seigneurs laïques, il est également dans la région des seigneuries ecclésiastiques : celles de l'abbé de Marcillac (Blars, Lauzès, Liauzu, Sauliac, La Capelette de Sabadel, Saint-Martin-de-Vers) et des Templiers puis des Hospitaliers (Cras). L'abbé de Figeac est, avec les Pélegry, co-seigneur de Sénaillac et Domenac.
A la fin du XIIIè siècle, les affaires de la famille de Gourdon vont mal. Elle a vécu au-dessus de ses moyens et doit se séparer de ses fiefs (la déconfiture ne sera toutefois pas brutale mais s'étalera sur plusieurs décennies (1280-1330)). C'est pourquoi en 1299, Fortanier de Gourdon et ses frères, Pons et Gaillard, vendent à " Jacques Johannis, citoyen et bourgeois de Cahors, pour la somme de 5,000 livres de bons caorsins ", diverses villes, châteaux et lieux, dont La Bastide-Fortanière (fondée en 1238 par Bertrand de Gourdon, aujourd'hui Labastide-Murat), "plus tous les droits, raisons et actions à eux dûs par Pierre Bonafous, damoiseau, sieur de Lentillac", lequel Pierre Bonafous est témoin lors de la vente.
La vente ayant été déclarée illicite car faite à un non noble sans le consentement du roi, c'est B. Jourdain de l'Isle qui rachète les droit en question. L. d'Alauzier signale, en février 1317, un échange entre Bernard Jourdain de Lisle et Bertrand de Gourdon, chevalier, destiné à couvrir des dettes des Gourdon envers Bernard, dans lequel Bertrand donne les lieux de " ... Boussac, Relhac, Lentillac, Lamothe-Cassel, Puycalvel, Lomenac (sic) ...". Malgré cet échange, les seigneurs directs restent les Bonafous, que nous avons vu agir jusque dans la décennie 1320.
En 1360, pendant la guerre de Cent ans, la seigneurie passe par échange à Déodat du Bouyssou, devenu seigneur de Sabadel par héritage de Raymond de Barasc, seigneur de Béduer. En 1364, c'est ce même Déodat du Bouyssou qui rend hommage au duc de Guyenne, le Prince Noir, pour le village de Saumart" en la juridiction de Lentilhac ".
Puis, comme d'autres possessions des Gourdon, telles Sénaillac et Domenac, la seigneurie de Lentillac passe aux Pélegry, à une date indéterminée. La transition se fait probablement par héritage car en janvier 1391 sont mentionnés à l'occasion d'une vente " Arnaud de Pellegry, seigneur de Lentillac [...] et son fils Arnaud, clerc, fils de feue Aigline de Bonafous, dame de Lentillac ". Il est intéressant de constater que les Pélegry sont également liés aux Gourdon, non par des liens de famille cette fois, mais parce qu'ils sont des bourgeois de Gourdon, peut-être chevaliers, ayant su profiter de la déchéance de leur seigneur pour récupérer quelques uns de ses fiefs.
 
La paroisse
A Lentillac, au Moyen Age, il y a deux paroisses : Saint-Pierre-ès-Liens, au village, et Saint-Martin de Caumont, annexe de Saint-Pierre.
Le nombre de paroisses est, en effet, beaucoup plus élevé au Moyen Age et sous l'Ancien régime qu'il ne l'est aujourd'hui, et les limites des paroisses ne correspondaient pas à celles des communautés rurales ou des seigneuries parce que les paroisses sont bien plus anciennes que les seigneuries ou que les communautés qui ne datent "que" de l'époque féodale. De plus, au cours du temps, les paroisses sont plus stables que les seigneuries qui sont partagées par héritage, vente ou échange. De nombreuses paroisses existent dans la région qui ont aujourd'hui disparu : Caumont, à Dantonnet, mais aussi Vialolles (Ramailles, à Cabrerets), Camy (Cabrerets), Coronzac (Cabrerets), Sainte-Croix (Liauzu, annexe de Sauliac), Domenac (Sénaillac), Artix (Sénaillac), La Capelette (Sabadel), Fages (Saint-Martin-de-Vers), etc...
 
Saint-Pierre-ès-Liens
Le premier titulaire de la paroisse est identifié en1348 : Bernard de Rodes, futur archevêque de Naples.
A Rodes succède un clerc venu du diocèse d'Agen, Raymond de la Camine (1349), qui transmettra la cure à Arnaud de la Camine, peut-être son neveu, alors nonce du pape en Pologne et en Hongrie. La chose était courante à l'époque. Transmettre la cure signifiait surtout transmettre le bénéfice, c'est-à-dire les revenus de la paroisse (dîme, casuel...). 
 
Saint-Martin de Caumont
La paroisse de Saint-Martin de Caumont existe au XIIIè siècle (elle est mentionnée en 1260). Caumont était située près de Dantonnet. Il n'en reste plus de traces, si ce n'est des amas de pierres d'un volume considérable et la croix de l'ancien cimetière. Cette croix de pierre a eu, il y a fort longtemps, un bras cassé, ce qui a donné naissance à une légende : "la tradition rapporte qu'un berger mécréant, ayant brisé ce bras volontairement, tout en proférant des injures contre le Christ, subit plus tard le même sort. Un de ses bras fut brisé accidentellement et la victime devint, par suite, définitivement infirme". Depuis, la croix a été réparée par M. Delpech et déplacée pour être visible de la route qui mène à Dantonnet.
Le lieu de Caumont est également mentionné en 1450 dans l'échange de seigneuries qui intervient entre les Hébrard et les Pélegry et dans le relevé des biens de Raymond d'Hébrard, seigneur de Saint-Sulpice, établi en août 1482 par P. d'Anglars, recteur de Vialolles.
En 1528, nous trouvons un recteur, Pierre Laumont, qui succède à Guillaume Laumont, démissionnaire (il s'agit peut-être, là aussi, d'un oncle et de son neveu). En 1531, la bulle de nomination du recteur Antoine de Lagarde indique que Caumont est annexe de Lentillac.
En 1679, le pouillé Dumas en dit : "Il y avait dans [la] paroisse de Lentilhac, au lieu dit de Caumon une église de Caumon, aujourd'hui ruinée et complètement détruite". Pourtant, la paroisse est mentionnée comme annexe de Lentillac dans le Catalogus omnium beneficiorum dioecesia cadurcensis de 1697, où apparaît la mention "S. Pietri de Linthilhiaco prope Sabadellum cum annexa S. Martini de Caumon" ("Saint-Pierre de Lentilhac, près Sabadel, et son annexe Saint-Martin de Caumont. "). La contradiction n'est qu'apparente : bien que la paroisse soit en ruine, le bénéfice ecclésiastique subsiste et le recteur peut fort bien en prendre possession... Ce qui est sûr, c'est qu'elle n'existe plus à la Révolution. Le lieu conserve cependant son nom : le cadastre du XVIIIè siècle mentionne en effet un "Terroir de Caumont".
Par contre, il n'est pas possible de suivre Lemozi lorsqu'il indique que la paroisse "était une ancienne propriété des Templiers". Ces derniers n'étaient, certes, pas loin (à Cras), mais ils n'ont rien possédé dans la région de Lentillac - hormis peut-être quelques terres à Saint-Martin-de-Vers.
 
La tour de Lentillac 
Un château est construit dans la seigneurie, probablement vers le XIè ou XIIè siècle. Il ne s'agit sans doute que d'une construction modeste, constituée simplement d'une tour avec une salle et une chapelle. On en construit également à Cabrerets (château du Diable), Cras, Saint-martin de Vers (la Bastidette), Saint-Cernin, Sénaillac, Vialolles... Seuls les châteaux de Cabrerets (château "du Diable" ou "des Anglais ", bien qu'il remonte au XIIè siècle, c'est-à-dire bien avant la guerre de Cent ans) subsistent aujourd'hui, mais celui la Bastidette est en ruines.
La tradition voudrait que la tour de Lentillac ait été située sur la place devant l'église, autrefois appelée "place de la tour".
Lemozi mentionne également un "château ou maison du seigneur", qui existerait toujours en 1936. Il s'agirait de la maison Poujade, située à proximité du cimetière, et qui a été successivement demeure seigneuriale, presbytère, école et maison domestique. On y remarque, paraît-il, une ouverture et une cheminée "qui témoignent d'une grandeur passée". Toutefois, aucune autre mention de ce "château" n'a pu être retrouvée.
 
Les coutumes de Lentillac
Vers 1299, Pierre Bonafous accorde aux habitants de Lentillac une charte de privilèges, dans laquelle sont décrits les droits reconnus aux habitants par le seigneur et les devoirs auxquels ils sont astreints. De nombreux seigneurs quercinois font de même depuis le début du XIIIè siècle : c'est le "mouvement communal".
Il ne reste, malheureusement, aucune trace de cette charte. Toutefois, à défaut de disposer du document initial, nous pouvons avoir une idée de son contenu en raisonnant par analogie avec celles, conservées, de La Bastide-Fortanière. Nous savons, en effet, que les chartes des possessions des Gourdon s'inspirent les unes des autres : il n'y a donc pas de raison de penser que celle accordée par Bonafous aux habitants de Lentillac est radicalement différente de celles de Gourdon ou de La Bastide, à l'exclusion, naturellement, des dispositions propres à La Bastide, comme les dispositions de la charte destinées à favoriser l'installation de nouveaux habitants (franchise de taille, garantie de liberté, etc). La charte de Lentillac datant de 1299, nous nous réfèrons à la charte accordée par Pons de Gourdon (Fils de Fortanier II) à La Bastide, en octobre 1266.
Si la charte de Lentillac est bâtie sur le modèle de celle de La Bastide, alors la communauté de Lentillac dispose de consuls, deux peut-être, désignés par les habitants et investis par le seigneur, chargés d'administrer la communauté (perception des taxes, tâches de police) en liaison avec le bayle (agent seigneurial qui a le rôle d'intendant) du seigneur.
Les amendes prévues pour certaines infractions, dont le montant revient au seigneur, doivent également figurer dans la charte : vol (de 10 à 60 sous, avec mise au pilori suivant le montant du vol ou saisie en cas de vol de nuit), jet de pierre ou coup de bâton (5 à 60 sous suivant qu'il y a ou non effusion de sang), coup de couteau (50 ou 60 sous), homicide (le coupable est mis "à la discrétion du seigneur, lui et ses biens, à moins qu'il ne l'ait occis en se défendant lui-même"), écoute aux portes de nuit (10 sous), usage de fausse mesure (7 sous), adultère (100 sous), etc...
De même, la charte fixe le montant des banalités, c'est-à-dire des redevances exigées par le seigneur pour l'utilisation des instruments ne relevant que de lui (four, moulin...). A La Bastide, par exemple, les habitants peuvent utiliser le four du seigneur, qui est tenu d'avoir un fournier, mais lui doivent en échange un pain sur vingt. S'il n'y avait pas de fournier à Lentillac, ce taux devait être moindre. L'usage des moulins, dont nous savons qu'il en existait sur la Sagne avant la guerre de Cent ans, devait être réglementé par la charte. Peut-être même y trouvait-on le montant des cens, redevances en principe fixes et perpétuelles, recognitives de seigneurie, due pour une tenure au seigneur foncier. Pourvu qu'il paye le cens convenu (sorte de loyer éternel - emphytéotique), le tenancier bénéficie de toutes les prérogatives du propriétaire moderne.
Des règles de droit civil sont probablement incluses dans la charte : obligation d'exécuter un testament, liberté de vendre ou d'aliéner un bien, etc.
Par contre, ce que ne mentionne pas la charte de La Bastide, mais qui devait figurer dans celle de Lentillac, c'est le montant de la taille et autres taxes pour lesquelles La Bastide bénéficiait d'une franchise.
Nous pouvons également supposer qu'à cette époque (XIIIè siècle), les habitants de Lentillac ne sont plus serfs, pour la plupart. Le Quercy, en effet, est affecté lui aussi par le grand mouvement d'affranchissement qui se dessine dans tout le royaume et dans le Sud-ouest. En 1299, Philippe-le-Bel libère tous les serfs de la sénéchaussée de Toulouse. Il ne s'agit pas là de charité chrétienne : les " droits serviles restent d'un mauvais rapport " et les serfs sont invités (forcés, le cas échéant) à racheter leur liberté. A la fin du XIIIè et au début du XIVè siècle, il continue d'exister en Quercy une forme de servage atténué, celui des questaux qui rachèteront leur liberté lors de la guerre de Cent ans (qui balayera les dernières traces de servitude).
 
Le Traité de 1287
En 1259, cherchant à faire définitivement la paix avec le roi d'Angleterre, Saint-Louis signe avec Henri III un traité par lequel le Quercy (ainsi que la Saintonge, l'Agenais, le Périgord et le Limousin, sauf quelques fiefs) doit être donné au roi d'Angleterre s'il est prouvé que cette province a été donnée en dot à la soeur de Richard coeur de Lion, Jeanne, lors de son mariage avec Raymond VI de Toulouse. Une enquête est donc ordonnée, mais qui n'aboutit pas (il n'est même pas certain qu'elle ait jamais été entamée).
En 1287 (n. st.), un nouvel accord intervient entre le roi de France (Philippe le Bel) et le roi d'Angleterre (Edouard 1er), aux termes duquel Philippe accorde à Edouard, à titre de compensation de la perte des biens du comte de Poitiers (devenu, nous l'avons vu, comte de Toulouse), un revenu de 3 000 livres, dont le quart (758 l.) doit être payé par le Quercy.
Le paiement en est assuré par l'affectation au roi d'Angleterre des rentes ainsi que des droits de ressort (de justice) de certaines paroisses, parmi lesquelles nous trouvons Lentillac ("resortum in baionia Fortanierii de Gordonio, in qua est villa de Lentilhaco ("Ressort de la baronnie de Fortanier de Gourdon, dans laquelle est la villa de Lentillac"). 
Le voisinage des rois de France et d'Angleterre n'est pas facile, et les habitants de la région de Lentillac en font les frais : un jour, le sénéchal anglais cite à comparaître douze hommes de Blars. Les douze se rendent à la convocation mais protestent et en appellent au roi de France car, disent-ils, ce fief est toujours du ressort du roi de France. Pour toute réponse, le sénéchal les fait arrêter et garder en prison pendant presque deux mois car, selon les Anglais, Blars aurait du être abandonné par le roi de France...
Le pays est en état de guerre larvée entre 1293 et 1297 et à nouveau secoué après l'affaire de Saint-Sardos (1324) qui appartient au roi d'Angleterre. Ces incidents ne sont que les derniers préludes à la guerre de Cent ans. La crise dure en effet depuis le XIIè siècle, lorsqu'Aliénor, héritière du duché d'Aquitaine, est répudiée par Louis VII et épouse Henri Plantagenêt (1152), comte d'Anjou et duc de Normandie, qui devient roi d'Angleterre en 1154. La guerre de Cent ans débute pour de bon lorsque Edouard III revendique la couronne de France le 5 octobre 1337.
 
La guerre de Cent ans
A partir de 1345 (prise de Bergerac) et jusque vers 1440, la guerre de Cent ans ravage le Quercy. Bien que les combats ne soient qu'intermittents et que les principaux événements interviennent plus au nord (Crécy, Poitiers, Azincourt...), le front d'Aquitaine n'étant que secondaire (le Quercy n'est pas sur la route des descentes du Prince Noir), le Quercy va être en mis en lambeaux.
Les habitants de Lentillac sont aux premières loges pour observer - et subir - le conflit : les bandes anglaises (qui, soit dit en passant, n'étaient pas anglaises : "les hommes d'armes du camp anglais sont le plus souvent bordelais, gascons, béarnais, navarrais, agenais, périgourdins ou même quercinois") qui se sont fortifiées dans les bois de la Barasconie, occupent à diverses époques Cras, Saint-Cernin, Saint-Martin-de-Vers, Fages, Sabadel, Sénaillac, Sauliac, Cabrerets...
En 1360, le traité de Brétigny fait tomber le Quercy sous administration anglaise. Nous avons vu plus haut que, cette même année 1360, la seigneurie de Lentillac passe aux Bouyssou, sans qu'il y ait, apparemment, de lien entre les deux événements.
Les hostilités reprennent dès 1369, après que les consuls de Cahors aient choisi le camp du roi de France - comme, d'ailleurs, huit cents villes et bourgs d'Aquitaine, le Prince Noir ayant commis l'erreur de vouloir augmenter un peu trop brutalement le fouage (impôt), jetant ainsi les bourgeois et petits seigneurs locaux dans les bras du roi de France.
Les grandes compagnies continuent leurs ravages, commettant des dommages "per taillemen de vignas, per ardemant (incendie) de blatz, perdement de bestial, rompement de molin". A leur tête, des aventuriers, dont les plus célèbres sont Nolimbarbe, Bertucat d'Albret ou Mérigot Marches, dit Tête noire, qui finira décapité à Paris, son corps mis en quartiers cloué aux quatre principales portes de la capitale.
Lentillac n'échappe pas aux agresseurs : à une date indéterminée mais avant 1387, une partie des défenseurs du village périssent dans l'incendie de la tour dans laquelle ils se sont réfugiés. Non loin de Lentillac, à Bouziès, " les habitants s'enfuient tous, à l'exception des tués et des prisonniers ".
Le château du Diable de Cabrerets, occupé par des bandes anglaises depuis 1380, est repris par Jean d'Hébrard, seigneur de Saint-Sulpice, en 1390.
Nous pouvons également supposer, par le fait qu'elle sera reconstruite après la guerre (XVè s.), que l'église de Lentillac est détruite pendant le conflit. 
 
Lentillac dépeuplé
Les habitants ne subissent pas seulement les dommages de la guerre. La peste, également, ravage le pays à intervalles réguliers : 1348 (Cahors), 1361 (Figeac), 1384 (Cahors) et ainsi de suite tous les vingt ans. Les effets conjugués de ces deux fléaux ont pour effet de vider le pays de sa population. Les survivants s'enfuient vers Toulouse et les grandes villes du Sud-Ouest (Carcassone, Agen).
De sorte qu'à la fin des hostilités, vers 1440, le Quercy a perdu la moitié de ses habitants : la population de Gramat est tombée à 7 habitants. Ce nombre de 7, donné par Fouilhac et, rapporté par L. d'Alauzier, n'est qu'une image. Jean Lartigaut précise en effet " sur 221 noms de famille portés à Gramat au XIVè siècle (surtout avant 1370), sept seulement répondaient à l'appel au lendemain de la guerre et, sur ce nombre, quatre appartenaient à des propriétaires de biens situés à Gramat mais résidant ailleurs : à Figeac et à Cahors ". Lentillac, comme de nombreux autres villages proches (Artix, Blars, Cras, Liauzu, Orniac, Sabadel, Sénaillac) ont été abandonnés par leurs habitants et sont totalement dépeuplés. " Les lieux ", écrit un habitant alors de Sénaillac, " étaient totalement en herme (en friche) ; il n'y avait aucune culture, personne n'y habitait et il n'y avait aucune habitation en bon état ; les sangliers et autres animaux sylvestres mettaient bas leurs petits dans les églises et les ruines des maisons et les y allaitaient, il était presque impossible de circuler dans le pays, soit à cheval, soit à pied ". La situation de Lentillac ne doit pas être différente de celle de Sénaillac. Même si ce témoignage est un peu exagéré, nous pouvons imaginer que le village est dans un triste état.
Reste aux seigneurs à repeupler et à remettre ces terres en culture. C'est ce qu'ils vont s'employer à faire dès la fin de la guerre.
   


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